DE MURCIA Sociologie de l’innovation L3 SOCIO Julie 31/10/2019 Callon. M. (1986

DE MURCIA Sociologie de l’innovation L3 SOCIO Julie 31/10/2019 Callon. M. (1986). Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. L’Année sociologique, 36, p 170-208 Dans cet article, paru dans L’Année sociologique en 1986, l’auteur Michel Callon, connu pour être à l’origine – avec Bruno Latour et Madeleine Akrich notamment – d’une sociologie dite « de la traduction », démontre les contributions de cette approche particulière en sociologie des sciences et des techniques, à travers un exemple d’application de ses principes fondamentaux lors d’une enquête sur « la domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc ». Michel Callon remet en question la manière dont les sociologues dans les années 1980 analysent les conditions de production des connaissances en science de la nature et des techniques. Ces derniers considèrent qu’il existe une pluralité de descriptions (équivalentes) de la Nature. Ils tentent donc d’expliquer le déroulement des controverses scientifiques et techniques non pas par des éléments tels que la force méthodologique ou de raisonnement mais par des aspects sociaux. Or, pourquoi, les sciences sociales, elles-mêmes traversées de controverses, permettraient-elles en dernière instance de tout expliquer ? Callon dénonce ce privilège accordé (de façon injustifiée) à la sociologie, qui conduit à des difficultés à la fois stylistiques (tendance à effacer les discours des acteurs qui ont trait à la Société), théoriques (explications sociologiques aussi controversées que les controverses dont elles traitent) et méthodologiques (non-prise en compte des intérêts et convictions des acteurs qui pourtant sont bien des enjeux dans le déroulement des controverses). Finalement, la question à laquelle il tente de répondre est la suivante : Comment faire une sociologie des sciences et des techniques si l’on que la Société est aussi incertaine et controversable que la Nature ? Pour cela, il élabore des principes méthodologiques qu’il met à l’épreuve au cours d’une enquête durant laquelle il cherche à comprendre comment trois chercheurs sont parvenus à réaliser un programme d’expérimentation visant à repeupler la baie de Saint-Brieuc de coquilles St Jacques. Callon fait reposer son travail d’enquête sur trois principes méthodologiques (visant à contrecarrer les difficultés énoncées précédemment) : l’« agnosticisme » étendu aux sciences sociales (recueillir les discours aussi bien sur la Nature et sur la Société sans privilégier aucun point de vue) ; la « symétrie généralisée » (utiliser un répertoire unique pour décrire les points de vue, qu’ils portent sur des aspects techniques, scientifiques ou sociaux) ; la « libre- association » (abandonner toute distinction entre éléments naturels et sociaux). En respectant ces principes de méthode, il parvient à identifier quatre « étapes de la traduction », c’est-à- dire du processus par lequel des pratiques proposées vont être adoptées par des acteurs. La première, qu’il nomme la « problématisation », consiste à se rendre indispensable auprès de différents acteurs (humains et non-humains) en formulant pour cela un problème qui les atteint, les concerne et les somme de se concentrer autour de lui. Ici, les chercheurs veulent savoir si une technique japonaise de production de coquilles St Jacques reposant sur l’installation de collecteurs sur lesquels les larves de coquilles se fixent et se développent, est applicable en France, pour un spécimen de coquilles St Jacques différent (le Pecten Maximus). La problématique posée est donc : « Pecten Maximus se fixe-t-il ? ». Elle « entre- définit » trois acteurs : les coquilles St Jacques (dont on suppose qu’elles sont intéressées par un dispositif qui leur permettrait de proliférer) ; les marins-pêcheurs (dont on suppose qu’ils trouveraient leurs intérêts dans le programme de repeuplement de la baie) et les collègues DE MURCIA Sociologie de l’innovation L3 SOCIO Julie 31/10/2019 scientifiques (dont on suppose qu’ils sont intéressés par la production de connaissances sur le sujet). Cependant, ce « système d’associations » supposé par la problématique, les acteurs peuvent le contester en définissant leur identité, leurs intérêts et objectifs autrement. En effet, la phase de problématisation n’est pas suffisante. Elle requière d’être accompagnée d’une deuxième étape : « l’intéressement », qui va consister à consolider et entériner les identités des acteurs telles qu’elles ont été définies (par d’autres acteurs) lors de la phase de la problématisation. Pour ce faire, il va falloir démanteler les liens des acteurs que l’on cherche à mobiliser avec des entités qui sont vectrices d’identités concurrentes. Autrement dit, il s’agit, à l’aide de dispositifs divers, d’intéresser des acteurs à un projet, en les désintéressant notamment de ceux d’autres acteurs. En ce sens, le dispositif des collecteurs par exemple, en isolant les coquilles st Jacque de leurs prédateurs et des courants, a permis de les « intéresser » au programme d’expérimentation du repeuplement de la baie de Saint-Brieuc. La troisième étape, que Callon nomme l’« enrôlement », se réfère au processus par lequel un acteur accepte le rôle qui lui a été attribué. Il s’agit de l’ensemble des négociations (par séduction, contrainte physique, etc.) qui permettent à la phase d’intéressement de se déployer. Toutefois, ce qui signera véritablement la fin et le succès du travail d’intéressement entrepris au départ, c’est la phase de « mobilisation » / de rassemblement en un même et unique endroit, d’acteurs initialement dispersés. Cette concentration d’entités est rendue possible grâce à la mise en place d’une chaîne d’intermédiaires au cours de laquelle le nombre de « représentants » des entités est progressivement réduit jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul « porte-parole » pour toutes les entités qui s’associent entre elles. Dans le cas présent, les trois chercheurs parviennent à parler à la fois au nom des coquilles St Jacques, des marins- pêcheurs et de leurs collègues scientifiques. Néanmoins, la légitimité de ces représentants repose sur un consensus qui peut à tout moment être bousculé par des « actions de dissidence », soit lorsque les acteurs par leurs comportements démentent les discours des représentants, et que les dispositifs d’intéressement et d’enrôlement perdent leur efficacité. Finalement, en prenant appui sur trois principes méthodologiques recoupant une même volonté, celle de faire tomber toute frontière, toute hiérarchie entre éléments naturels et sociaux, Callon parvient à produire une description particulièrement fidèle à une réalité dans laquelle éléments naturels et sociaux s’entremêlent bel et bien. L’intérêt de cet article est de proposer une approche sociologique nouvelle, à même de rendre compte de réalités complexes, en mouvement. La notion de traduction – en fin de compte assez peu développée dans ce texte alors qu’il est l’un des pionniers en sociologie de la traduction – est fondamentale pour saisir le mouvement et pour le rendre intelligible. « Traduire c’est déplacer ». La traduction chez Callon, est un processus, une opération de déplacement des buts, des intérêts, des acteurs, des dispositifs, etc. orientée vers la structuration d’un « système d’alliances ». Dans cet article, il décrit les « quatre étapes de la traduction », aboutissant dans ce cas-précis à l’association d’entités autour d’un programme d’expérimentation de trois chercheurs, mais tout compte fait, il s’agit là de quatre étapes transposables à l’analyse de la formation de divers réseaux d’acteurs. Dans le cadre d’une sociologie des connaissances scientifiques et techniques, cette approche a permis de saisir les conditions de production de connaissances au sein de controverses, mais on comprend aussi pourquoi elle s’est ensuite élargie à la sociologie de l’innovation. Sur les mêmes bases que celles développées tout au long de l’article, le courant de la traduction (ou de l’acteur-réseau) permet aux sociologues de l’innovation d’identifier les conditions d’échec et de succès de projets d’innovation, en DE MURCIA Sociologie de l’innovation L3 SOCIO Julie 31/10/2019 considérant que leur échec ou leur succès ne peuvent être réduits à leurs propriétés intrinsèques mais sont aussi le produit d’un travail de traduction plus ou moins efficace, performent. uploads/Science et Technologie/ fiche-lecture-callon.pdf

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