Sérologie de la toxoplasmose chez la femme enceinte : caractéristiques et piège

Sérologie de la toxoplasmose chez la femme enceinte : caractéristiques et pièges Toxoplasma gondii serology in pregnant woman: characteristics and pitfalls P. Flori1,2 G. Chene3 M.-N. Varlet3 R. Tran Manh Sung1,2 1 Pôle de biologie, Laboratoire de parasitologie, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne 2 Groupe Immunité des Muqueuses et Agents Pathogènes (GIMAP), Faculté de médecine Jacques Lisfranc, Saint-Étienne <pierre.Flori@chu-st-etienne.fr> 3 Pôle Mère-Enfant, Hôpital Nord, CHU de Saint-Étienne Article reçu le 15 septembre 2008, accepté le 8 décembre 2008 Résumé. Le programme de dépistage de la toxoplasmose congénitale repose principalement sur le screening sérologique des femmes enceintes séronégati- ves en début de grossesse et de leur suivi. Ce programme est particulièrement efficace puisque la majorité des cas de séroconversion obstétricale est diag- nostiquée et secondairement suivie. Les techniques sérologiques évoluent et sont particulièrement nombreuses sur le marché. Les tests « IgG » sont de plus en plus spécifiques, parfois au détriment de leur sensibilité. Celle-ci est variable d’une technique à l’autre. En 2008, malgré la présence d’un étalon international, les titrages sont particulièrement variables rendant l’inter- prétation cinétique impossible entre 2 sérologies effectuées dans 2 séries, 2 techniques ou 2 laboratoires différents. En cas de discordance d’inter- prétation ou de valeur limite, il est particulièrement intéressant d’effectuer une technique de confirmation. Le dye test ou le western blot sont utiles dans ces cas et permettent d’éviter jusqu’à 2 à 8 % de suivis obstétricaux inu- tiles. Les tests IgM tendent à devenir de plus en plus sensibles et précoces. Ceux-ci mettent en évidence fréquemment des « IgM non spécifiques » ainsi que des « IgM résiduelles » (associées à un titre en IgG positif et stable). Dans ces cas, et en l’absence d’antériorité, une investigation complémentaire effec- tuée par un laboratoire spécialisé (ISAgA IgM ou IgA, technique d’avidité des IgG, agglutination différentielle…) est indispensable afin d’éviter toute erreur d’interprétation. Ces examens complémentaires ainsi que l’évolution sérolo- gique (contrôle à 15 jours) permettent dans un grand nombre de cas, de rassu- rer totalement la patiente. Mots clés : toxoplasmose, grossesse, sérologie, IgG, IgM, avidité Abstract. Screening program of congenital toxoplasmosis depends princi- pally on serological testing and follow-up of pregnant women with negative serology from the onset of pregnancy. This program is particularly efficient because the majority of cases of obstetrical seroconversion are diagnosed and followed up. Serological techniques have evolved with time and are many on the market. The “IgG” tests are more and more specific at the detri- ment of their sensitivity. The latter is variable from one technique to the other. In 2008, despite the presence of an international standard, serological titrations are particularly variable making interpretation of the kinetics impossible bet- ween two different series, two techniques or two laboratories. In cases of interpretation discordance or borderline values, it is useful to do a confirma- tory technique. The dye test or the western blot are useful in these cases and prevent up to 2 to 8% of unnecessary obstetric follow up. IgM tests are beco- revue générale abc Ann Biol Clin 2009 ; 67 (2) : 125-33 doi: 10.1684/abc.2009.0308 Tirés à part : P. Flori Ann Biol Clin, vol. 67, no 2, mars-avril 2009 125 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un utilisateur anonyme le 01/01/2017. ming more and more sensitive and precocious. These tests frequently detect “non specific IgM” as well as “residual IgM” (associated with a stable positive IgG titre). In such cases and in the absence of a preceding positive result, a complementary test done by specialized laboratories (such as ISAgA IgM or IgA, IgG avidity test, differential agglutination, etc.) is indispensable in order to prevent any error of interpretation. These complementary tests as well as the serological evolution (control done in 15 days) permit, in a large number of cases, to reassure the patient with full confidence. Key words: toxoplasmosis, pregnancy, serology, IgG, IgM, avidity Chez la femme enceinte, une primo-infection par Toxo- plasma gondii peut être à l’origine, dans 29 % des cas en moyenne [1], de toxoplasmose congénitale le plus sou- vent asymptomatique ou retardée mais pouvant être potentiellement grave. En France, malgré la diminution franche de la séroprévalence de la toxoplasmose, dont la moyenne nationale a été estimée à 44 % en 2003 contre 54 % en 1995, 64 % en 1983 et 80 % en 1960 [2, 3], notre pays reste particulièrement exposé au problème de toxo- plasmose chez la femme enceinte. En effet, l’estimation récente du taux d’incidence chez les femmes enceintes reste à un niveau particulièrement élevé : de 6,1 à 7,2 ‰ en 2003 [3]. Ces chiffres ont été obtenus à partir d’une enquête épidémiologique nationale de femmes en âge de procréer et ont été estimés par modélisation à partir de leur séroprévalence et de leur âge. Ils ne permettent donc pas d’évaluer l’impact des mesures de prévention (conseils d’hygiène) proposées aux femmes enceintes. En l’attente de données plus précises et récentes transmi- ses par le Centre national de référence (CNR) nouvelle- ment mis en place [4], cette estimation ne peut être com- parée qu’avec celle obtenue par l’Afssa en 2000 évaluant le nombre de séroconversions uniquement chez les fem- mes enceintes [5]. Dans cette étude, l’Afssa rapporte une incidence d’environ 3 ‰ (2 700 séroconversions/an), soit une valeur 2 fois plus faible que la précédente. Cette dif- férence pourrait s’expliquer soit par l’impact des conseils d’hygiène, soit par des biais d’estimation (modalités de calcul différentes entre ces 2 types d’études, échantillons différents, études non contemporaines…). Quoi qu’il en soit, le niveau d’incidence de la toxoplas- mose chez la femme enceinte est nettement supérieur à celui des pays anglo-saxons et nordiques (1,7 ‰ en Nor- vège [6] ; < 1 ‰ au Royaume Uni [7]). Ces données jus- tifient l’application du programme officiel de prévention instauré en 1978 et comprenant, depuis 1992, une surveil- lance sérologique mensuelle des femmes enceintes dépourvues d’anticorps depuis leur déclaration de gros- sesse jusqu’à l’accouchement [8]. Ce programme de dépistage repose principalement sur les techniques sérologiques automatisées effectuées en rou- tine et associant la recherche d’IgG et d’IgM spécifiques anti-Toxoplasma. Ces techniques sont particulièrement nombreuses [9]. La recherche d’IgG permet de définir la population à risque (patiente non immunisée) et est conditionnée par la qualité du test de détection des IgG. De nombreuses études com- paratives ont été effectuées entre les différentes trousses commercialisées [9-15] et montrent des discordances mal- gré l’utilisation d’un étalon international [9, 13, 15]. Pour cette population à risque (IgG négatives), les tests de détection d’IgM anti-toxoplasmiques deviennent primor- diaux : plus l’apparition des IgM est précoce, sensible et spé- cifique et plus la mise en route de la thérapeutique sera rapide et probablement efficace [16]. Les études comparatives des tests d’IgM sont aussi nombreuses [10-12, 17-20]. Cepen- dant, l’absence d’étalon international et d’une technique de référence sensible et internationalement reconnue (Gold- Standard) rendent leurs interprétations difficiles [20, 21]. De nombreux autres paramètres peuvent compléter la recherche d’IgG et d’IgM [22, 23] : ceux-ci sont généra- lement effectués par des laboratoires spécialisés : l’index d’avidité des IgG, l’agglutination différentielle AC/HS, la recherche d’IgA et plus exceptionnellement la recherche d’IgE peuvent être réalisés en 2e intention dans certains cas difficiles. La diversité de ces marqueurs mais aussi et surtout la diversité des techniques rendent l’interprétation complexe. Dans ce contexte, nous proposons dans cet arti- cle de faire le point sur l’état des connaissances et sur les problèmes d’interprétation rencontrés au cours du suivi sérologique de la femme enceinte. Réglementation et nomenclature Toute la prévention instaurée autour de cette infection congé- nitale repose sur le sérodépistage qui est réalisé selon un schéma bien précis [décrets 78-396 du 17 mars 1978 et revue générale 126 Ann Biol Clin, vol. 67, no 2, mars-avril 2009 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un utilisateur anonyme le 01/01/2017. 92-143 du 14 février 1992]. Ce schéma sérologique reposait sur le bilan prénuptial, et, si nécessaire, sur un suivi mensuel de la femme enceinte. Secondairement [décret 07-1787], le bilan prénuptial a été supprimé en 2007 car celui-ci ne concernait plus qu’un couple sur 2 environ. Par contre le dépistage obligatoire et le suivi de la toxo- plasmose au cours de la grossesse restent toujours d’ac- tualité. Les textes stipulent la vérification du statut sérolo- gique de la toxoplasmose systématiquement lors de la première visite anténatale en l’absence de documents écrits permettant de considérer l’immunité comme acquise. Au cours de la grossesse, la sérologie toxoplas- mose doit être répétée chaque mois dès lors que le premier examen est négatif. Cet examen est coté B60 (acte 1430) en l’absence d’antériorité, puis B40 (acte 1432) au cours d’un suivi. La détection des IgG doit être systématique- ment couplée à un autre isotype (IgM). Détermination d’un statut sérologique avant ou pendant le début de la grossesse : intérêt des IgG La sérologie de la toxoplasmose faisait partie du bilan pré- nuptial. Actuellement, à défaut d’obligation légale, la pres- cription d’une sérologie toxoplasmose effectuée chez la femme avant toute grossesse peut être particulièrement utile et permet de uploads/Science et Technologie/ flori-2009.pdf

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