REPRÉSENTATION Henri Boyer Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « La
REPRÉSENTATION Henri Boyer Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « Langage et société » 2021/HS1 Hors série | pages 301 à 304 ISSN 0181-4095 ISBN 9782735128273 DOI 10.3917/ls.hs01.0302 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page-301.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de la Maison des sciences de l'homme. © Éditions de la Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Si l’on peut dire que la sociologie d’Émile Durkheim, sous la dénomination de « représentation collective », est responsable de son entrée dans l’analyse des phénomènes sociétaux, c’est Serge Moscovici qui, depuis la psychologie sociale, a donné à la notion de représenta- tion sa teneur conceptuelle et son opérativité contemporaines, en la requalifiant de sociale. À la suite de Moscovici, les explicitations de la notion n’ont pas manqué. Pour Denise Jodelet, par exemple, « c’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourante à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989, p. 36). On insiste ici (comme on le fait dans la littérature du domaine) sur le caractère pratique de ce savoir commun qu’est la représentation : « La représentation sert à agir sur le monde et autrui » (Jodelet, 1989, p. 43-44). Cette notion est associée au sein de la psychologie sociale à plusieurs notions qu’il est possible d’articuler hiérarchiquement. L’ensemble constitue l’« architecture de la pensée sociale » (Flament & Rouquette, 2003, p. 21). Ainsi on peut considérer que « les opinions dépendent © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) / HENRI BOYER 302 d’une instance qui se situe plus en amont, une instance organisatrice si l’on veut, qui règle l’articulation de l’individuel et du collectif et génère le passage du point de vue général sur un thème ou une famille de thèmes à son application au cas particulier » (Flament & Rouquette, 2003, p. 22). De même, si l’usage de la notion d’attitude est parfois soumis à réserves, elle a toute sa place dans le paradigme représenta- tionnel si on la considère comme « une forme spécifique d’occurrence d’une représentation sociale ou d’une combinaison de représentations » (Flament & Rouquette, 2003, p. 23-24). La notion de représentation est également associée à celle d’idéo- logie : on peut « considérer représentation et idéologie sous l’angle de la similitude de nature, les différences n’étant que de la partie au tout et de l’élément à la structure d’ensemble à laquelle il appartient. En effet […] de quoi une idéologie peut être constituée sinon d’un système (réseau) de représentations en interconnexion » (Mannoni, 1998, p. 54). En sociolinguistique (mais aussi dans d’autres sous-champs des sciences du langage comme l’analyse du discours et la didactique des langues-cultures), la notion de représentation, considérée comme une catégorie de représentation sociale, a acquis un statut théorique rela- tivement récent mais capital. Cependant certains ont pu considérer, à l’instar de Marinette Matthey, que « les travaux théorisant les représen- tations sociales et ceux traitant des représentations linguistiques restent la plupart du temps remarquablement imperméables les uns aux autres » (Matthey, 1997, p. 319). À cet égard, Henri Boyer a cherché à rompre avec cette imperméabilité en proposant une approche interdisciplinaire des représentations sociolinguistiques appliquée aux situations de diglos- sie (Boyer, 1990). William Labov, sans traiter explicitement des représentations, a pro- posé les notions d’insécurité linguistique et d’hypercorrection, notions qui désignent certains types de phénomènes et comportements langa- giers. Elles ne réfèrent pas cependant à des niveaux identiques de fonc- tionnement. L’hypercorrection est une réalisation linguistique « fautive » mais dont le caractère « fautif » ne tient pas tant à l’ignorance de la règle qu’à un excès de zèle, si l’on peut dire : elle est en fait la manifesta- tion tangible d’une attitude d’insécurité linguistique dont on sait qu’elle habite les usagers de la communauté linguistique possédant un capital langagier déficient mais qui sont cependant plus ou moins obsédés par l’usage légitime de la langue et l’utilisation de ses formes de prestige. Il convient alors de repérer l’origine de cette tension. Pour ce qui concerne la communauté linguistique française, il s’agit d’une représentation © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) REPRÉSENTATION / 303 puriste, représentation conservatrice de l’usage de la langue, tout entière investie par le caractère exclusif de la norme légitime. Quant à l’idéologie sociolinguistique, elle est bien un corps de repré- sentations (limité), à visée (plus ou moins) coercitive. On peut illus- trer ce fonctionnement représentationnel à propos de l’unilinguisme français. Cet unilinguisme, idéologie dont la communauté linguistique française n’a sûrement pas l’exclusivité mais dont elle offre une version exemplaire, et l’attitude d’insécurité linguistique généralisée qu’il génère peuvent se manifester, à l’opposé de l’hypercorrection dont il a été ques- tion, par une dissidence sociolinguistique, comme le bricolage étonnant de contre-normes linguistiques que l’on peut observer avec la fameuse « langue des cités ». Par ailleurs les diverses représentations collectivement intériorisées par la communauté linguistique produisent des opinions qui ne demandent qu’à être proférées si on les sollicite à travers enquêtes, sondages, débats ou spontanément dans des discours épilinguistiques normatifs. D’autres travaux sur les divers types de représentations (socio)lin- guistiques parus en France et en francophonie ces dernières années ont contribué à mieux cerner leur statut et à étudier leurs fonctionnements en discours. Ainsi Cécile Petitjean, à partir d’enquêtes dans deux « péri- phéries francophones », Marseille et Lausanne, identifie « un certain nombre d’activités qui semblent prégnantes dans la mise en circulation des représentations linguistiques ». Elles « peuvent être regroupées en trois grandes catégories : activité de dénomination, activité d’argumen- tation et activité de gestion des mises en scène énonciatives » (Petitjean, 2010, p. 297-298). Par ailleurs, Alexandra Jaffe (2014) a tenté de confronter le « schéma analytique » des représentations linguistiques (qui ont leur origine dans la psychologie sociale) et celui des idéologies linguistiques (venant de l’anthropologie). Cette confrontation lui per- met d’affirmer qu’il y a « beaucoup de passerelles entre les deux schémas analytiques » : ainsi « les idéologies linguistiques peuvent être conçues comme les sources des représentations linguistiques ». Dès lors, « une idéologie dominante et monolingue [… donne] lieu à un tas de repré- sentations linguistiques, comme notamment celles liées à la diglossie, qu’on peut considérer comme une idéologie linguistique » (Jaffe, 2014, p. 96-98) Concernant ainsi le « champ sociolinguistique de la pro- motion du corse » qui est son objet de prédilection, Jaffe montre que l’émergence du concept de langue polynomique, due à J-B Marcellesi entre 1983 et 1989, « est un acte politique et une représentation neuve © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/11/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.108.96.228) / HENRI BOYER 304 du corse, destinée à remplacer la diglossie » comme idéologie linguis- tique dominante (Jaffe, 2014, p. 100). Références bibliographiques Boyer H. (1990), « Matériaux pour une approche des représentations socio- linguistiques », Langue française 85, p. 102-124. Flament C. & Rouquette M.-L. (2003), Anatomie des idées ordinaires, Paris, Armand Colin. Jaffe A. (2014), « Une sociolinguistique critique des idéologies linguis- tiques : une lecture franco-américaine de la polynomie », dans Colonna R. (dir.) Les locuteurs et les langues : pouvoirs, non-pouvoirs et contre-pouvoirs, Limoges, Lambert-Lucas, p. 95-106 Jodelet D. (dir.) (1989), « Représentations sociales : un domaine en expan- sion », dans Jodelet D., Les représentations sociales, Paris, PUF, p. 45-78. Mannoni P . (1998), Les représentations sociales, Paris, PUF. Matthey M. (1997), « Représentations sociales et langage », dans Matthey M. (dir.), Les Langues et uploads/Science et Technologie/ henri-boyer-rerpresentations.pdf
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- Publié le Mai 10, 2022
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