La conscience fait-elle le bonheur de l'homme ? La conscience est une capacité

La conscience fait-elle le bonheur de l'homme ? La conscience est une capacité propre à l'homme, elle lui permet de devenir un sujet, un individu capable d'affirmer sa singularité, d'agir selon ses propres lois. Ainsi la conscience permettrait à l'homme de devenir libre, or cette liberté est souvent perçue comme une condition nécessaire au bonheur : l’État n'a-t-il pas pour devoir de protéger les libertés des citoyens ? Mais devenir un sujet implique aussi une prise de conscience du tragique de l'existence, et, même si le sujet peut accéder à la réflexion au savoir, certaines choses resteront pour lui à jamais inconnues, le plongeant en même temps dans l'ignorance et le doute. Or le bonheur est un sentiment de plénitude qui exclut le doute. Est-ce-dire que la conscience condamne au malheur ? Car la conscience en même temps qu'elle est une condition au bonheur créée donc les conditions du malheur. Ainsi un sujet libre de conscience peut-il être heureux ? Nous verrons que si la conscience plonge dans le malheur elle permet l'existence de l'humanité qui permet au sujet d'accéder au bonheur, même si la société peut l'en empêcher. La conscience plonge le sujet dans le malheur. En effet, quand l'individu devient un sujet, il passe de l'inconscience à la conscience de l'horreur. Or, l'inconscience pourrait être assimilée à une sorte de bonheur sauvage, animal ou enfantin. En effet, les animaux ou les enfants n'ont conscience ni de leur singularité ni du Bien et du Mal, ils ne se soucient donc de rien, ne se rendent pas compte des conséquences de leurs actes, ils ne peuvent donc pas être malheureux. L'enfant sauvage, qui vivait seul dans les bois, qui n'est donc pas devenu conscient était probablement heureux à sa manière, dans son absence totale de contraintes si ce n'est celle de répondre à ses propres besoins. Ainsi, on peut se demander si l'enfant sauvage de l'Aveyron, Victor, était heureux dans la nature, dans l'inconscience. Le fait qu'il passa toute sa vie de « captif » à regarder les forêts à travers les fenêtres avec désespoir semble montrer que oui. L'individu en devenant sujet doit donc abandonner cette inconscience, synonyme d'un certain bonheur ; elle est très vite remplacée par une conscience de l'horreur. En effet, le sujet est conscient du tragique de son existence, c'est la fragilité de la condition humaine que décrit Schopenhauer : le fond de notre vie n'est que violence et injustice, dans un cadre mortel ; il est donc extrêmement difficile de donner du sens à notre vie, à son absurdité. Et, comment c'est conscience de la violence, de la finitude de notre vie ne pourrait-elle pas causer notre malheur ? La peur de la mort nous hante bien toute notre vie, s'opposant directement au malheur, quête de l'infini. De plus, le sujet face au doute que sa conscience provoque est condamné à une angoisse permanente. En effet, si la conscience permet d'accéder à la réflexion et à certaines connaissances, elle ne permettra jamais à un sujet de tout savoir, de comprendre ou de connaître dans on intégralité ; et ce qui aurait été l'objet d'une totale indifférence pour un être inconscient devient la cause d'une angoisse permanente, une incapacité d'accéder au bonheur qui suppose la plénitude. Ce doute porte aussi sur le sujet lui-même : pourquoi ressent-il des désirs que sa conscience elle même définirait comme mauvais ? De plus, si la conscience lui offre une certaine capacité d'introspection, il y a toujours certaines choses impossibles pour la conscience à déchiffrer comme les phobies ou les rêves en cela même qu'ils font partie de l'inconscient. Ainsi la conscience de l'inconscience est une cause du malheur humain, notre conscience est en partie obscure à elle-même. La conscience permet à l'homme de devenir libre mais cette liberté le rend malheureux. La conscience permet une liberté, non pas dans le sens où l'homme n'a aucune contraintes, cette liberté impliquerait la solitude et l'inconscience, mais plutôt une liberté synonyme de volonté. Comme le dit Sartre, l'homme n'est pas défini par une essence préétablie, il est libre de se faire. L'obstacle stimule même notre liberté parce qu'il nous met en situation de devoir choisir, ainsi « nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'occupation allemande ». Cette liberté nous rend responsables, et c'est cette responsabilité qui nous angoisse, comme le soulignait Sartre : « nous sommes condamnés à être libres ». De plus, par ses actions, l'homme établit un modèle de ce qui vaut en général, « ainsi, notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous ne pourrions le supposer, car elle engage l'humanité entière ». Ainsi, paradoxalement, la liberté ne fait pas notre bonheur, mais nous plonge dans une angoisse, nous sommes totalement responsables de nos actions comme de nos non- actions. Ainsi, la conscience plonge l'homme dans un monde incertain et dangereux, qui devrait inéluctablement le conduire au malheur, est-ce ainsi dire que l'ensemble de l'humanité est malheureuse ? L'affirmation du sujet permet celle de l'humanité, source de bonheur. Ainsi, autrui est à la fois une certitude et un besoin pour l'homme conscient. En effet, l'homme a besoin d'autrui pour devenir conscient, chez l'enfant,ce besoin passe par l'éducation, mais même une fois cette conscience acquise autrui est indispensable pour qu'elle se perpétue. La solitude va donc mener le Robinson de Michel Tournier à la « déshumanisation », à un retour à l'inconscience. Car la conscience implique bien une certitude d'autrui, d'une humanité, et permet ainsi de mener au bonheur. En effet, quand l'homme devient sujet, il est capable de prononcer un « je » de dimension universelle ; et cette certitude d'une humanité le libère du doute qu'il a sur lui-même et sur son univers, il fait enfin partie d'un tout qui lui permet de ressentir à la fois l'infinitude et la plénitude. De plus, c'est par les relations que le sujet entretient avec autrui, qu'il peut accéder au bonheur : l'amour, l'amitié, la générosité... Il existe donc bien un bonheur conscient. Et, même si la nature dans sa beauté peut procurer une joie certaine, si les sens du corps peuvent procurer du plaisir ; cette joie, ce plaisir, ne peuvent devenir bonheur que lorsqu'ils sont partagés : « les relations seules comptent pour l'homme » comme l'a écrit Antoine de Saint-Exupéry. Si l'humanité permet le bonheur c'est parce que les hommes grâce à leur conscience sont doués d'une empathie. En effet, la conscience en donnant naissance à l'humanité permet l'existence d'une empathie chez l'homme : il reconnaît ceux qui l'entourent comme sujets, ils lui sont donc similaires. Il peut ainsi savoir, ou du moins supposer, l'effet de ses actions sur autrui. Pour Max Scheler, la sympathie est même le mode de communication entre les consciences. Or, comme l'a démontré Rousseau, l'homme, dans son état de nature est enclin à protéger la vie, à l'image d'un cheval répugnant « à fouler aux pieds un corps vivant », la violence n'est donc pas naturelle chez l'homme. Ainsi, la grâce à leur conscience, les hommes peuvent vivre en paix, ce qui qui participent inévitablement à leur bonheur. La conscience entraîne la conscience morale qui participe au bonheur de l'humanité. En effet, une fois que le sujet est capable de se distancier de lui-même et du monde et qu'il est capable de réflexion, sa conscience morale va inévitablement naître. Elle est un juge du bien et du mal qui pense le monde tel qu'il devrait être. Elle naît de la raison, comme le montre Kant, mais aussi de la conscience d'une humanité. Ainsi, l'impératif catégorique, le devoir moral qui s'impose à chaque sujet, implique une universalité : il faut agir «comme si la maxime de [notre] action devait être érigée par [notre] volonté en loi universelle de la nature ». Cette conscience morale est donc universelle mais aussi incitatrice, elle nous pousse à faire le bien. Or, faire le bien, permet non seulement son propre bonheur, mais aussi le bonheur d'autrui (à condition que faire son bonheur de soit pas la raison qui nous pousse à agir de manière morale ; l'impératif ne serait alors plus catégorique mais hypothétique). En effet, sauver un homme de la noyade par exemple, pourrait être vu comme une action moralement bonne, universellement ; or cette action rendra probablement à la fois le sauveur et le sauvé heureux. Ainsi, autrui, les relations que nous entretenons avec lui, peuvent nous sauver du doute dans le quel nous plonge l'inconscience. Mais alors pourquoi l'ensemble de l'humanité ne semble-t-elle pas être heureuse ? La société peut empêcher le sujet d'accéder au bonheur. En effet, si l'homme est naturellement en empathie pour autrui, c'est donc la société qui est à l'origine de la violence. En effet, en créant des inégalités, de richesse par exemple, ou des différences, de religion notamment, mais surtout en attisant l'intolérance en promouvant la concurrence, l'avidité, le droit du plus fort, la société éduque les hommes à être adversaires et est donc à l'origine des conflits. C'est ce qu'a montré Rousseau : la civilisation éloigne uploads/Science et Technologie/ la-conscience-fait-elle-le-bonheur-de-l-x27-homme.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager