LES GÉNIES DE LA SCIENCE Novembre 1999 N°1 © POUR LA SCIENCE 3 N otre monde sci

LES GÉNIES DE LA SCIENCE Novembre 1999 N°1 © POUR LA SCIENCE 3 N otre monde scientifique est l’héritier de l’œuvre de Galilée. Et pourtant, trop peu nom- breux sont les physiciens qui savent en quoi il faut rendre justice à ce héros de la science. Nul n’igno- re qu’a vécu, au XVIIe siècle, un dénommé Galileo Galilei, dont la condamnation reste l’image même de l’injustice et de l’arbitraire. Toutefois, les tribulations de ce génie torturé ont trop souvent occulté les vraies raisons d’une notoriété méritée. Diverses images de Galilée vivent dans la conscience collective. La plus banale d’entre elles présente Galilée comme le père de la méthode expérimentale. Est-ce bien justifié? Avant Galilée, des générations d’astronomes et d’anatomistes avaient fait bon usage d’un savoir fondé sur l’observation de la nature. L’apport de Galilée est quantitatif : le scientifique pisan était un expérimentateur extraordinairement inventif qui résolvait les difficultés pratiques par des procédés dont le génie nous stupéfie encore. Toutefois ses moyens d’investigation restaient limités et Galilée ne pouvait établir le savoir nouveau sur des expériences irréalisables dans cette première moitié du XVIIe siècle. La deuxième image montre un Galilée fondateur de la science moderne. À juste titre, mais pour une raison qualitative qui n’apparaît pas toujours dans sa pleine lumière. Il faut, préconisait Galilée, étudier le monde avec le langage mathématique. Là encore, Galilée n’est pas tant novateur qu’orfèvre en matière intellectuelle : de nombreux «philosophes de la nature» s’étaient ins- pirés de Platon, mais nul avant notre héros n’avait aussi bien raisonné sur les lois de la mécanique, nul autre n’avait découvert et expliqué les mouvements des satellites de Jupiter. Galilée exprima son génie en inventant des rapports originaux entre les observations, les modèles de pensée et la théorie. Nous allons relire l’œuvre de Galilée en faisant la part des choses, sans privilégier de manière excessive la composante expérimentale au détriment de la com- posante théorique, en montrant l’intérêt et les limites des dispositifs pratiques et des structures théoriques inventés par Galilée. Cet ouvrage s’adresse aux jeunes qui, trop souvent, s’ennuient pendant les cours de physique ou d’astrono- mie, et aux adultes qui risquent de s’enfoncer dans une culture médiatique où les valeurs historiques et scien- tifiques sont absentes. Aux uns comme aux autres, l’exemple de Galilée illustre une idée-force : la science recherche la vérité et la beauté et ne peut vivre que dans la liberté. Enrico Bellone Professeur d’histoire des sciences à l’Université de Padoue Introduction Le Scienze N°1 • NOVEMBRE 1999 3. Présentation par Enrico Bellone 6. La nature, le nom et la vérité des choses En octobre 1604, avec l’apparition dans le ciel d’une «nouvelle étoile», Galileo Galilei, jeune professeur de mathématiques de l’Université de Padoue, fait irruption dans le monde de l’astronomie. 16. Le monde de papier et le monde sensible À la fin du XVIe siècle, Galilée prend ses distances par rapport à une philosophie aristotélicienne, qu’il estime périmée, et établit les bases d’une étude expérimentale de la mécanique. 26. De la certitude à l’approximation Grâce à l’observation de la chute des corps et à l’étude des rapports entre les vitesses, Galilée élucide «l’équation horaire du mouvement», l’une des lois fondamentales de la mécanique moderne. 34. Énigmes mécaniques Alors qu’il est déjà mis en accusation, Galilée s’attaque au problème des pendules, en utilisant un résultat obtenu en 1602. 39. Géométrie et physique Jusqu’en 1609, Galilée poursuit ses études en mécanique, à la recherche d’une théorie simple qui permette de décrire complètement les caractéristiques du mouvement. Celle-ci ne sera publiée qu’en 1638. AVRIL 1ER AOÛT 1ER MAI 1ER SEPTEMBRE 1ER OCTOBRE 15 OCTOB 1ER JUILLET 1ER JUIN 46. Les nouveaux mondes Enthousiasmé par la toute récente invention du télescope, Galilée se consacre à l’astronomie et publie, en 1610, Le messager céleste, ouvrage qui enrichit les connaissances astronomiques. 71. Galilée et la théorie de la connaissance Avec la mort du cardinal Bellarmin et l’accession au pouvoir papal d’Urbain VIII, les accusations s’apaisent et Galilée expose de nouveau ses théories dans L’Essayeur. 78. Le grand livre Les mathématiques, la physique et la nouvelle astronomie : le principe de relativité et le problème de la pesanteur prennent forme dans les pages du Dialogue. 88. La condamnation La condamnation de Galilée ne mit pas un terme à l’avancée des connaissances, pas plus qu’elle ne bloqua la transition de la recherche des causes premières à la découverte des lois de la nature. 94. L’actualité de Galilée La chute des corps, par Serge Raynaud 55. Autres nouvelles des nouveaux mondes Les études d’astronomie se poursuivent, avec la description du système de Saturne et l’explication du phénomène des taches solaires : Galilée rassemble des preuves en faveur de Copernic. GALILÉE 64. «On veut me faire taire» À Florence, à Padoue et à Rome, la virulence des critiques augmente : Galilée est accusé de subvertir la philosophie naturelle aristotélicienne et les Saintes Écritures. 6 «É pée au côté et escorté de son page, il va et vient, toujours prêt à l’affrontement et à la rixe.» Ainsi parlait-on de Michelangelo Merisi, dit le Caravage, qui passait ses journées entre les gar- gotes, les palaces cardinalices et son atelier où il peignait des œuvres aux accents tragiques, par leur dessin et leurs couleurs. Tragique comme la Mise au tombeau : peinte en 1604, l’œuvre dépeint les visages du petit peuple entourant un Christ à la musculature d’athlète, petit peuple que le Caravage a observé jouer et commercer dans les ruelles de Rome. Après ce Christ mort, au physique de ruffian, il peint La Madone au serpent et La Mort de la Vierge. Dans ce tableau, une madone à la poi- trine plantureuse soutient un Christ adolescent aux traits de paysan. Indignés, les cardi- naux refusent que l’œuvre soit accrochée dans l’église Santa Maria della Scala. Comment cette femme, boursouflée de mauvaise graisse et au visage de prostituée, représenterait- elle la Vierge? Le Caravage jette un regard nouveau sur la nature : les couleurs et les formes de la Mise au tombeau, révèlent des rapports inédits entre les dieux et l’humanité souffran- te. En ce même an de grâce 1604, Kepler découvre un nouvel aspect de la nature ; il constate que l’orbite de la planète Mars n’est pas un cercle, mais une ellipse. Il affirmera plus tard que cette énigmatique trajectoire de Mars dans le ciel relève exclusivement des mathématiques, et non de la volonté divine. Nul n’ignore aujourd’hui que les couleurs du Caravage et les calculs de Kepler allaient changer le monde. Ce début du XVIIe siècle fut marqué par un épanouissement intellectuel, riche en découvertes sur l’homme et les phéno- mènes naturels. L’année 1604 se termina, au cours de la nuit de la saint Stéphane, par la représentation à la cour d’Angleterre du drame de Shakespeare Mesure pour mesure, et les premières ébauches d’Hamlet étaient déjà mises en chantier depuis plusieurs mois. © POUR LA SCIENCE La nature, le nom et la vérité des choses En octobre 1604, avec l’apparition dans le ciel d’une «nouvelle étoile», Galileo Galilei, jeune professeur de mathématiques de l’Université de Padoue, fait irruption dans le monde de l’astronomie. Page de droite : La Mise au tombeau de Michelangelo Merisi, dit le Caravage (1573-1610). Johannes Kepler (1571-1630). Astronomia di Mario Cavedon, Mondori, Milano Pinacoteca Vaticana 7 © POUR LA SCIENCE De multiples branches de l’arbre de la connaissance étaient bourgeon- nantes, d’autres déjà bien fleuries. L’une d’elles allait s’épanouir, non pas du fait de la créativité humaine, mais d’un phénomène naturel spectaculaire. Durant les premiers jours d’octobre 1604, une nouvelle lumière apparut dans le ciel, aussi brillante que Vénus. Les chroniques anciennes évoquent les peurs et les angoisses suscitées par cette «nouvelle étoile». Sa luminosité, variable pendant la nuit, attirait l’attention de tous, du marchand au prince, du philosophe à l’astronome. Le spectacle inquiétait, voire terrorisait. Selon les croyances populaires, l’apparition d’un phénomène aussi insolite laissait pré- sager malheurs, épidémies, guerres ou mort royale. Les objets célestes sont-ils immuables? Aux yeux du philosophe ou de l’astronome, l’appréciation était différente. Selon la vision du monde qui prévaut à l’époque parmi les intellectuels, les universitaires et les théologiens, le monde céleste est d’une essence parfaite et intangible. Les corps célestes qui peuplent le cosmos sont classés en deux 8 Dans l’Antiquité, un phénomène spectaculaire tel qu’une explosion de supernova était objet de curiosité et source de superstitions. © POUR LA SCIENCE familles. La première regroupe l’ensemble de tout ce qui change continuellement sur une Terre immobile et sur tout ce qui est variable dans la zone comprise entre la Terre et l’orbite de la Lune. Ainsi, les fleurs et les nuages, les animaux et les fleuves, les êtres humains et les sub- stances terrestres se transforment : ils naissent, se décom- posent et meurent. Planètes et étoiles constituent l’autre famille. Ces corps célestes ont été créés par Dieu au moyen d’une essence céleste et déployés selon un ordre parfait dans un cosmos immuable. Aussi l’apparition d’une étoile d’in- tensité variable pose problème : une véritable étoile ne peut, selon uploads/Science et Technologie/ les-genies-de-la-science-galilee.pdf

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