La loi du Il mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article

La loi du Il mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle. faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ay~use. est illicite» (Alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation è:J reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code pénal. © Librairie Philosophique J. VRIN, 1997 ISBN 2-7116-1324-0 Printed in France SENS ET INTENTION DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT' Fort étrange est le statut de la Phénoménologie de l'esprit dans le destin du hégélianisme: elle n'a d' être comme introduction au Système que dans le non-être de celui-ci. Cela est vrai, assurément, de la réception même du hégélianisme. La France, par exemple, découvre au XIXème siècle, par les traductions de Vera, l'auteur de l'Encyclopédie, mais elle ignore la Phénoménologie: inversement, lorsque, au XXème siècle, Wahl, Kojève et Hyppolite célèbrent le texte de 1807, c'est pour l'opposer, comme modèle d'un philosopher vivant sur la vie inquiète de la conscience la plus concrète, à la philo- sophie scolastique du Système mort de l'Encyclopédie. Mais l'exclusion réciproque factuelle du Système et de son introduction phénoménologique marque déj à l'élaboration même du hégélianisme. Si Hegel publie la Phénoménologie en la présentant et justifiant en 1807 comme introduction au Système encore à venir. la réalisation encyclopédique de ce Système, dix ans plus * Cette étude a été publiée en allemand dans le Wiener lahrbuch für Philosophie, XXVIII 1995, Vienne, Wilhelm Braumüller. r 8 / Bernard Bourgeois tard, dès 1817, disqualifie cette introduction désormais jugée comme telle inadéquate. Cependant, la disqualification de la Phénoménologie comme introduction au Système ne signifie pas la disqualification de toute introduction: l'Encyclopédie ouvre, en effet, sa première partie, la "Science de la logique", par un Concept préliminaire <Vorbegriff> que Hegel substitue, en guise de nouvelle introduction au Système, à l'introduction phénoménologique. A mi- chemin, entre 1807 et 1817, en 1812 précisément, lorsqu'il publie à part la première partie du Système proprement dit - La Science de la logique - il évoque l'une et l'autre voie d'accès à celui-ci, leurs portées et leurs inconvénients respectifs. Son choix ultérieur du Vorbegriff, plus simple en son contenu et moins astreignant en sa forme, atteste que, à ses yeux, la valeur introductive - pédagogique comme on l'a dit - de la Phénoménologie n'était pas liée à ce par quoi elle excédait le Vorbegriff ainsi capahle de la concurrencer victorieusement, c'est-à-dire à son contenu total scienti- fiquement enchaîné, qui présentait l'élévation nécessaire de la conscience d'abord purement naturelle, et progres- sivement développée en toutes ses figures, au savoir absolu finalement atteint. A msi, le destin post-phénomé- nologique de l'introductiOn à la Science éclaire-t-il rétrospectivement l'intention qui a été celle de Hegel écrivant l'ouvrage paru en 1807 et, indirectement, le sens qu'il convient d'attribuer au contenu de cet ouvrage. * * * C'est un leitmotiv du commentaire hégélianisant que r affirmation du caractère pédagogique de la Phénomé- Sens et intention / 9 nologie. Ainsi, dans l'ouvrage qu'il a consacré à celle-ci, Jean Hyppolite la considère comme l'accomplissement spéculatif du mouvement pédagogique qui a marqué le XYIlFme siècle: "le problème que se pose la Phénomé- nologie ... est ... le problème de l'éducation de l'individu singulier qui doit nécessairement se former au savoir en prenant conscience de ce que Hegel nomme sa substance. C'est une tâche proprement pédagogique qui n'est pas sans rapport avec celle que se proposait déjà Rousseau dans l'Emile"'. La pédagogie phénoménologique consis- terait à fournir au lecteur une "échelle <Leiter>" lui permettant de s'élever au point de vue du savoir absolu, pour autant qu'il lui est montré qu'en s'affirmant lui- même tel qu'il est, en son savoir encore naturel. il ne peut pas ne pas affirmer le savoir absolu comme ce dont vit, sans en avoir conscience, le savoir naturel. La valeur pédagogique de la Phénoménologie reposerait. de la sorte, sur l'assimilation par le lecteur - devenant ainsi semblable à ce qu'il lit - du contenu de l'ouvrage. sur le cheminement nécessaire, vers la conscience spéculative, de la conscience naturelle comme conscience qui serait à la fois la conscience dont parle la Phénoménologie et la conscience à laquelle elle parle. De là viendrait que Hegel ait pu présenter l'ouvrage comme n'étant ni seulement un "acheminement" <.Anleitung> "subjectif' au savoir absolu. ni seulement une ''fondation <Begriindung>" objective de celui-ci. La Phénoménologie n'est-elle pas, en effet identiquement l'un et l'autre alors accomplis en leur unité concrète originale? - Une fondation qui, pour reprendre les termes de l'Introduction de la Science de la Logique de 1812, "justifie", "prouve" ou "déduit" le concept de la 1. J. HYPPOLITE, Genèse et structure de La Phénoménologie de l'esprit. Paris, Aubier. 1946, p. 16. 10/ Bernard Bourgeois science, mais, précisément, et tel est bien son effet, en acheminant ou conduisant la conscience, non encore spéculative, de son lecteur, à ce concept: la déduction en question consiste, en effet, à faire apparaître la conscience non spéculative ou naturelle comme ne pouvant elle-même pleinement être que si elle s'avoue conscience spéculative en libérant en elle le savoir absolu comme élément ou concept général de la science. - Un acheminement du lecteur au savoir absolu qui. inversement, fonde l'affirmation de celui-ci, puisque sa force persuasive repose sur la nécessité dévoilée, dans le contenu lu, du passage de la conscience naturelle au savoir scientifique: l'acheminement du lecteur, de la conscience naturelle présente, est l'effet de la fondation de ce qu'il lit -l'élévation nécessaire, au savoir scienti- fique, de la conscience naturelle, passée, originelle -, fondation qui a elle-même pour fin cet acheminement en lequel elle répète son contenu. La finalité pédagogique de la Phénoménologie exploite-t-elle un tel rapport de répétition pratique, par la conscience à laquelle elle parle, du mouvement théoriquement nécessaire de la conscience dont elle parle? Mais, d'abord, la conscience dont parle Hegel est-elle bien la conscience naturelle prise en son mouvement originel restitué dans sa nécessité propre, la conscience naturelle première ? Et la conscience à laquelle il parle est-elle bien la conscience présente prise elle-même en sa naturalité, la conscience seconde naturelle? De qui parle donc le phénoménologue. et à qui parle-t-il donc? Quel est bien derechef, en vérité, le sens et l'intention du discours phénoménologique? On n'a guère mis en question que le contenu de la Phénoménologie était le mouvement originel de l'esprit humain en général s'élevant, en son processus - pour Sens et intention / 1 1 une part historique - de culture, au savoir absolu; il est vrai que, selon Hegel, "le chemin de la conscience naturelle qui exerce sa poussée en direction du savoir vrai ... , le chemin de l'âme qui parcourt la série de ses configurations en tant que stations qui lui sont fixées d'avance par sa nature"l, est bien celui de l'''individu universel", de "l'esprit conscient de lui-même, à consi- dérer dans sa formation à la culture"2. Le problème qu'on s'est souvent posé a concerné, bien plutôt, la nature de ce processus culturel de l'esprit du monde. R. Haym, par exemple, y voyait un processus double. ambigu, mêlant en lui "une histoire transcendantale- psychologique de la conscience" et "l'histoire culturelle du monde"" "une psychologie dérangée et embrouillée par l'histoire et une histoire disloquée par la psycho- 10gie".J. Certes, on a fait observer que les évocations historiques avaient souvent, dans la Phénoménologie, un simple sens d'illustration de processus constitutifs de la conscience comme telle et conditionnant par là toute historicité (c'est là le cas des passages sur le stoïcisme, le scepticisme, la conscience malheureuse, dans le chapitre sur la conscience de soi); et que, lors même qu'elles exposaient - surtout à partir du chapitre VI consacré à l "'esprit" - des processus portant les "figures d'un monde", elles en prenaient très à leur aise avec l'histoire effective de ces figures. Mais, que Hegel ait voulu, à travers ces développements, présenter le mouvement propre - genèse transcendantale ou devenir historique - de la conscience humaine en sa formation originelle, en 1. Cf. ci-dessous, p. 189. 2. Cf. ci-dessous, p. 85. 3. R. HA YM, Hegel /IIul seine Zeir, Berlin, 1857, p. 237. 4. Ibid .. p. 243. 12/ Bernard Bourgeois son éducation première, cela semblait généralement tout à fait hors de doute. En est-il bien ainsi? Il saute aux yeux, d'abord, que le mouvement de l'esprit universel en direction du savoir absolu n'est pas déterminé en son contenu par sa référence à lui-même. et qu'il n'a pas sa mesure, quant à l'importance de telle ou telle de ses étapes, en lui-même. - L'ampleur disproportionnée des développements consacrés, par exemple, dans le chapitre "Certitude et vérité de la raison <Gewissheit und Wahrheit der Vernunft>", à la problématique des sciences de la nature et de l'âme, ou, à la fin du chapitre "L'esprit", uploads/Science et Technologie/ bernard-bourgeois-sens-et-intention-de-la-phenomenologie-de-l-x27-esprit-de-hegel-vrin-1997.pdf

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