© Éditions Albin Michel, 2011 ISBN : 978-2-226-26142-7 Avant-propos Qu’est-ce d

© Éditions Albin Michel, 2011 ISBN : 978-2-226-26142-7 Avant-propos Qu’est-ce donc que la métagénéalogie ? Pourquoi ne pas parler plutôt de psychogénéalogie, puisque ce mot est à la mode ? Le vocable psychogénéalogie a été inventé par Alexandro Jodorowsky au début des années 1980. Depuis lors, l’usage s’en est vulgarisé au point de recouvrir des pratiques extraordinairement variées, dont la diversité même finit par nuire au terme qui les désigne. Les unes relèvent de la psychologie « pure et dure » ; les autres de la médiumnité la plus invérifiable. Le point commun de toutes ces approches est qu’elles participent d’une même prise de conscience, émergente depuis quelques décennies : l’influence de la lignée sur l’individu. L ’intérêt des thérapeutes et du public pour l’arbre généalogique n’a cessé de grandir depuis les années 1970, où des psychanalystes abordèrent pour la première fois la question du lien transgénérationnel. L ’Occident est en train de redécouvrir ce que bien des cultures – affirment depuis toujours sous des formes religieuses, magiques ou chamaniques : l’Inconscient familial interagit avec l’Inconscient personnel, pour le meilleur et pour le pire. Mais si vous prenez rendez-vous aujourd’hui pour une séance de « psychogénéalogie », vous pourrez aussi bien vous retrouver en face d’un thérapeute diplômé que d’un médium ou d’un énergéticien. Qu’en retirerez-vous ? Peut-être un schéma qui recense froidement les données vitales de cinq générations d’ancêtres, peut-être des messages intuitifs venus de vos « mémoires énergétiques », ou encore l’assurance que vous descendez de Charlemagne. Dans tous les cas, il est possible que vous soyez émerveillé par la pertinence des informations reçues. Peut-être découvrirez-vous certaines répétitions dont vous étiez inconscient, ou des secrets de famille, ou l’origine d’une obsession ou d’une phobie. Au pire, vous serez frustré par trop d’intellectualisme, un diagnostic froid et inutile, ou au contraire sceptique devant les débordements irrationnels d’une séance riche en clichés New Age ou en divagations romanesques. À l’écart de ces deux extrêmes, la métagénéalogie se propose de réconcilier les apparents contraires, en se situant précisément à leur point de jonction : là où le rationnel collabore avec l’irrationnel, où la science danse avec l’art, où « clairvoyance » signifie aussi bien « intuition » que « lucidité ». Dans le langage actuel, où les concepts de la neurologie sont désormais monnaie courante, on pourrait dire qu’il s’agit d’« équilibrer cerveau droit et cerveau gauche ». Comment rendre compte d’une discipline qui s’enracine aussi solidement dans la psychologie que dans l’art, dans la science que dans les traditions spirituelles et ésotériques ? Cet ouvrage se propose de résumer et de présenter de manière accessible les trente-cinq ans de recherches et de découvertes menées par Alexandro Jodorowsky sur l’arbre généalogique. Un même questionnement nous réunit depuis plus de dix ans : comment transmettre ces théories et ces pratiques que leur inventeur maintient en développement constant ? Solidement ancrée dans les théories psychologiques et scientifiques de son temps, la métagénéalogie reflète le parcours artistique d’une vie entière, et la quête insatiable du sens qui l’anime. Elle suggère que toute maladie peut être comprise comme un manque de beauté et de Conscience, et que guérir consiste à devenir authentiquement soi. V oilà pourquoi, plutôt qu’un manuel, nous nous sommes proposé d’écrire le roman d’une double initiation : celle, déjà accomplie, de l’inventeur de la métagénéalogie, et celle, en devenir, de qui voudra bien se prêter au jeu et entamer avec nous ce chemin à la reconquête de son identité véritable. Pour chaque partie, une introduction retrace, sur un mode autobiographique, des moments-clés du parcours d’Alexandro Jodorowsky. Nous avons organisé cette narration, comme on le fait d’un conte initiatique, pour qu’elle suive une chronologie pédagogique et exemplaire, serve de fil conducteur au lecteur1 qui souhaite étudier son arbre et réfléchir sur son propre destin. À la suite de chacune de ces tranches de vie, un chapitre plus théorique, agrémenté de références au Tarot, notre modèle symbolique du travail sur soi, vous permettra d’avancer un peu plus loin dans la compréhension et la guérison de votre arbre généalogique. V ous y trouverez aussi une série d’exercices mettant en œuvre vos ressources d’attention, de créativité et de fantaisie, qualités qui nous semblent essentielles dans l’entreprise de réappropriation et donc de réinvention des racines à laquelle nous vous convions ici. Nous espérons de tout cœur que ce double voyage vous servira, comme aux héros antiques, à triompher des obstacles et à rapporter l’élixir capable de transformer durablement votre existence et votre environnement. Cet élixir, dans la théorie jodorowskyenne, porte le nom de Conscience. Marianne Costa 1- Précisons d’emblée que nous n’adopterons le masculin que pour des raisons de simplicité et que notre propos s’adresse à tout un chacun, femme ou homme. Première partie La métagénéalogie Art, thérapie et quête de Soi De l’art à la thérapie C’est au printemps 1979 que commença l’une des plus intenses aventures de ma vie, qui allait me conduire à créer un système thérapeutique et artistique fondé sur l’étude de l’arbre généalogique. J’avais cinquante ans à cette époque, et il est nécessaire que je revienne brièvement sur ma formation juvénile, qui fut riche et complexe, livresque et autodidacte. Les maîtres et l’intuition s’y succèdent, comme les périodes d’étude et les périodes d’expérimentation. C’est sur cette somme d’expériences que j’ai basé les théories et la pratique qui seront présentées dans ce livre. En 1947, après avoir passé mon baccalauréat, je décidai de m’inscrire à l’Institut pédagogique de l’université du Chili. La philosophie et la psychologie m’attiraient, et au bout de deux ans j’avais obtenu un diplôme en philosophie des mathématiques et un autre en histoire de la culture. Un jour, après avoir assisté à un cours où un professeur venu des États-Unis nous incitait à étudier le moyen d’adapter l’homme à la conduite des machines, je décidai de quitter l’université pour me consacrer aux marionnettes. Mes représentations prirent la forme d’un psychodrame : j’avais fabriqué des marionnettes représentant mon père, ma mère, ma sœur et une grande partie de ma famille. Après avoir créé plusieurs pièces, je – commençai à me passionner pour l’expression corporelle. Je pensais que si les sentiments provoquaient des postures, une posture pouvait déclencher des émotions. J’inventai une méthode d’expression corporelle qui commençait dans une position fœtale, apeurée (désir de mourir), et se terminait par l’épanouissement de l’être humain mature, les bras grands ouverts, relié au cosmos (euphorie de vivre). Au départ mon but était de découvrir un langage gestuel qui me permette de raconter des histoires. Mais à mesure que je me concentrais sur les mécanismes de l’expression corporelle tout en pratiquant la danse, la méditation et le massage, je me rendais compte que d’innombrables mémoires étaient inscrites dans notre corps : souvenirs d’enfance ou de la période prénatale, acceptation, rejet, résidus psychiques de divers membres de la famille. Dans le Traité des passions de l’âme de Descartes, publié en 1649 à Paris, je découvris cette phrase qui me marqua : « Il est aisé de penser que les étranges aversions de quelques-uns, qui les empêchent de souffrir l’odeur des roses ou la présence d’un chat, ou choses semblables, ne viennent que de ce qu’au commencement de leur vie, ils ont été fort offensés par quelques pareils objets, ou bien qu’ils ont compati au sentiment de leur mère qui en a été offensée étant grosse ; car il est certain qu’il y a du rapport entre tous les mouvements de la mère et ceux de l’enfant qui est en son ventre, en sorte que ce qui est contraire à l’un nuit à l’autre. » De fait, certains mouvements réveillaient en moi la dépression de ma mère, la peine de l’exil héritée de mes grands-parents, l’angoisse d’avoir été menacé de mort pendant la gestation et bien d’autres choses. Bientôt les répétitions de nos mimodrames se transformèrent en thérapies collectives. Le contraste était intense entre ces séances où l’authenticité de chacun se révélait et le monde extérieur structuré par les préjugés et les apparences qui nous enfermaient dans une sorte de prison mentale. J’avais vingt ans. Je décidai, une fois pour toutes, que l’art serait désormais une activité orientée vers ma libération spirituelle. Malgré le succès que rencontraient mes mimodrames, je résolus de quitter le Chili et je m’embarquai pour Paris, déterminé à travailler avec le mime Marcel Marceau, à participer activement au groupe surréaliste dirigé par André Breton et à assister aux classes du philosophe Gaston Bachelard à la Sorbonne. La pratique de la pantomime avec Marceau m’amena à étudier le yoga tantrique et les chakras, la médecine chinoise et les méridiens, la kabbale et l’application des sephirot au corps. Toutes ces pratiques sont-elles imaginaires ? En tout cas, elles permettent de guérir qui a foi en elles, et de développer la Conscience. Avec les surréalistes, la pratique de l’écriture automatique me permit de desserrer l’étreinte du rationnel pour entrer en contact avec mon Inconscient, que je ne considérais désormais plus comme un danger mais comme un allié efficace. Quant aux cours de Bachelard, son analyse des éléments uploads/Science et Technologie/ metagenealogie.pdf

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