Commentaire LA MODÉLISATION ET LA SIMULATION DES OBJETS ET PROCESSUS COMPLEXES.
Commentaire LA MODÉLISATION ET LA SIMULATION DES OBJETS ET PROCESSUS COMPLEXES. QUESTIONS SCIENTIFIQUES, MÉTHODOLOGIQUES ET ÉTHIQUES Alain Pavé EDP Sciences | « Natures Sciences Sociétés » 2005/2 Vol. 13 | pages 169 à 171 ISSN 1240-1307 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2005-2-page-169.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour EDP Sciences. © EDP Sciences. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Questions scientifiques, méthodologiques et éthiques Alain Pavé Biométricien, CNRS, programme Amazonie, Analyse, modélisation et ingénierie des systèmes amazoniens, 16 avenue André Aron, 97300 Cayenne, Guyane L’article d’Étienne et al. sur la « modélisation d’ac- compagnement»1 pose un intéressant problème sous l’al- lure d’une « charte », qu’on pourrait qualifier de « bonne conduite » en matière de modélisation. Certains peuvent s’étonner de ce type de position. En effet, modèles et modélisation sont entrés depuis bien longtemps dans la pratique scientifique et technique. Alors pourquoi se poser une telle question ? En fait, la réponse se trouve d’une part dans la nature des objets modélisés, et d’autre part dans l’évolution du statut de la modélisation et du modélisateur. La nature des objets et des processus modélisés Il est communément admis que physique et mathé- matiques ont coévolué jusqu’au début du XXe siècle et, même si les mathématiques ont pris une large autonomie, les ponts sont encore solides entre les deux disciplines. Si bien que la plupart des modèles pour la physique sont des objets mathématiques sur lesquels on sait dire beau- coup de choses et qui peuvent donner lieu à des calculs numériques. Mais la situation a progressivement changé lorsque l’on s’est intéressé à des objets et processus qu’on qualifie maintenant de « complexes » au sens premier du terme. Il s’agit d’objets composites, constitués d’entités nom- breuses reliées entre elles, et qui évoluent sous l’influence de processus internes à ces entités, attachés aux relations Auteur correspondant : alain.pave@cnrs-dir.fr 1 Voir dans ce numéro l’article collectif « La modélisation comme outil d’accompagnement ». entre ces entités ou gouvernant les échanges avec l’exté- rieur. Ce qui justifie que l’on parle à leur propos de « sys- tème ». Les processus sont généralement non-linéaires, c’est-à-dire que les effets ne sont pas proportionnels aux causes. Les premiers objets modélisés dans leur complexité sont technologiques et biologiques. D’ailleurs, le para- digme biologique est à l’origine du concept de système largement repris ensuite par les sciences de l’ingénieur. Par exemple, la cybernétique créée par N. Wiener2, fin des années 1940, en constitue la principale origine. À la même période, la première formulation réellement scien- tifique de la complexité est énoncée par W. Weaver3. Et, fin des années 1960, von Bertalanffy propose une théorie générale des systèmes4. Les problèmes méthodologiques : le statut de la modélisation Mais tout au long de cette histoire, le champ social est peu exploré, hormis l’économie et la démographie, et encore à une échelle macroscopique, tout simplement parce qu’on éprouvait des difficultés à représenter de façon un peu élaborée les comportements des individus constituant un « système social ». 2 Wiener, N., 1947. Cybernetics or Control and Communication in the Animal and the Machine, Cambridge (Mass.), The MIT Press (nombreuses rééditions). 3 Weawer, W., 1948. Science and Complexity, American Scien- tist, 36, 536-544. 4 Von Bertalanffy, L., 1968. General System Theory, New York, George Braziller Inc. Article published by EDP Sciences and available at http://www.edpsciences.org/nss or http://dx.doi.org/10.1051/nss:2005024 © EDP Sciences | Téléchargé le 07/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.103.182.156) © EDP Sciences | Téléchargé le 07/02/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.103.182.156) 170 A. Pavé : Natures Sciences Sociétés 13, 169-171 (2005) Pendant toute cette période, les modèles restent en- core largement mathématiques, et l’on utilise le calcul numérique pour obtenir des valeurs qui peuvent être comparées à des données expérimentales. C’est l’im- pressionnant développement de la simulation qui per- met en même temps d’obtenir des solutions numériques d’équations dont on ne connaît pas de forme explicite. Le nombre règne. Les comparaisons sont quantifiées. Cette quantification permet de juger de la validité du modèle et des simulations. C’est lors de ces travaux qu’apparaît la nécessité de bien distinguer les phases de modélisation et de simulation. Un bon modèle, mal simulé, peut donner des résultats faux. Cependant, l’analyse numérique, déjà bien développée, permet de concevoir des algorithmes efficaces et de poser des garde-fous. Enfin, dans les années 1980 et 1990, on commence à envisager d’autres formalismes de modélisation que mathématiques. L’informatique sort de son rôle de cal- culateur numérique pour jouer une nouvelle pièce dans le théâtre de la modélisation, avec l’émergence de l’in- telligence artificielle qui va introduire ces nouvelles ap- proches. Certes, l’objectif des machines « intelligentes » de cinquième génération n’a pas été atteint, mais le pro- jet a eu des effets collatéraux importants et. . . positifs. Notamment, celui de fournir des outils nouveaux avec lesquels on peut aborder des problèmes laissés dans les coulisses. C’est particulièrement vrai pour ceux dans les- quels le comportement des individus joue un rôle essen- tiel ou lorsque les logiques sont nombreuses et plurielles, ou encore lorsqu’on doit associer des modèles différents d’objets de diverses natures. C’est un progrès dans les modes de représentation. C’est une révolution dans les méthodes de programmation et donc dans l’architecture des logiciels. C’est, par exemple, le cas dans les problèmes de ges- tion de ressources naturelles renouvelables où jouent des dynamiques biologiques, comme des dynamiques de populations végétales et animales, des processus géophysicochimiques, comme des précipitations, et des acteurs utilisant ces ressources. Simultanément, le dé- veloppement du graphisme permet d’appréhender l’es- pace géographique et de plonger ces dynamiques dans cet espace. Pendant longtemps, les ressources ont été re- présentées par des compartiments, maintenant il devient possible de les spatialiser ainsi que les processus qui les font évoluer. Ces nouvelles approches permettent donc d’envisa- ger des classes de problèmes nouveaux ; mais, inverse- ment, on perddans la précision et la fiabilité des résultats. La validation est plus difficile, voire impossible, par des comparaisons numériques classiques. La simulation elle- même est plus délicate ; les performances des simulateurs deviennent difficiles à tester. On est obligé de recourir à des faisceaux de « preuves » où la notion de preuve est elle-même affaiblie. Ainsi, pour évaluer un simulateur, on peut simuler la dynamique d’un système dont on connaît par ailleurs les propriétés. Par exemple, en utilisant une technique multi-agents, on peut modéliser un système prédateur-proie formel, décrit par un système différentiel, dont on connaît précisément les hypothèses et les propriétés, et par là même tester le simulateur. Le modèle est un objet précieux pour l’acquisition des connaissances, mais aussi pour le dialogue entre scien- tifiques. Il peut même être un trait d’union entre disci- plines5. Dans l’activité de recherche, pouvoir le mettre en défaut, pouvoir le réfuter, soit par l’expérience, soit pas les observations est son intérêt premier. C’est lors- qu’il « ne marche pas » qu’on acquiert de la connaissance. Alors, il est loisible de le modifier et de vérifier que la mo- dification est à nouveau en adéquation avec les données. Ainsi se met en place la boucle vertueuse, maintenant bien connue, associant expérimentation ou observation, modélisation et simulation qui permet d’avancer dans le processus d’acquisition des connaissances. Le modèle est aussi un instrument opérationnel de conception, de contrôle, de prévision et maintenant d’aide à la gestion et à la décision. D’où un certain risque dans son emploi sur le plan éthique. « C’est mathéma- tique », dit le profane, aussi une confiance exagérée lui est-elle quelquefois accordée. Il y a donc lieu, lorsque les procédures de validation n’existent pas, d’être très prudent dans l’interprétation des résultats des simula- tions. Dans les applications, qu’on peut qualifier de «clas- siques », on tente de stabiliser le modèle dans un état stable opérationnel. Par exemple, lorsqu’on construit si- multanément un modèle de contrôle d’un procédé tech- nologique et le procédé lui-même, on peut espérer, pour assurer une marche normale, que le modèle soit stabilisé. Dans des champs de connaissance où la modélisation est moins avancée ou si la situation est trop complexe, le modèle est moins sûr. On peut même être conduit à le modifier au cours de l’utilisation opérationnelle. C’est le uploads/Science et Technologie/ nss-132-0169.pdf
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- Publié le Apv 10, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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