1 INGENIERIE DU VIVANT 2.0 : LA BIOLOGIE SYNTHETIQUE EN QUESTION Compte-rendu d
1 INGENIERIE DU VIVANT 2.0 : LA BIOLOGIE SYNTHETIQUE EN QUESTION Compte-rendu de la conférence de lancement (mardi 3 mars 2008) Génération d’organismes vivants de synthèse Etat des lieux, Etat d’esprit Auditorium de la Cité des sciences et de l’industrie 30, avenue Corentin Cariou, Paris 19eme Introduction par Dorothée Benoit Browaeys - Déléguée générale de VivAgora La biologie de synthèse est un domaine difficile à appréhender. L’objectif de cette première séance est de défricher le sujet, d’identifier les acteurs, les principales questions et les conflits d’intérêt qui se posent, et de travailler pour permettre une gouvernance collective de ces innovations. En évolution très rapide ces recherches et les développements techniques qui s’y rattachent posent de nombreuses questions éthiques, environnementales et sociétales. De manière analogue à la loi de Moore pour l’informatique, la loi de Carlson (en référence à Rob Carlson) décrit une croissance exponentielle de la biologie de synthèse. Cela s’explique par l’usage d’outils de moins en moins chers et de plus en plus rapides. Par exemple, le coût pour synthétiser de l’ADN a été divisé par 20 depuis 2000. Les chercheurs explorent deux approches. L’approche « top-down » ou « descendante » qui vise, à partir d’un organisme complexe, à éliminer les éléments superflus pour s’occuper des structures essentielles. Cette piste est celle que poursuit Craig Venter et son équipe qui a synthétisé le génome minimal nécessaire à faire vivre une bactérie. L’approche ascendante, ou « bottom-up », consiste à exploiter des « briques biologiques » pour construire des organismes. L’une et l’autre de ces démarches considèrent les organismes vivants comme des machineries. Cette vision implique un véritable changement de culture, la biologie synthétique devenant une affaire d’ingénieurs et d’informaticiens. Cette évolution s’accompagne d’ailleurs, d’une baisse des effectifs féminins dans ces disciplines. Nous essaierons de voir pourquoi… De nombreuses questions se posent : contrôle-t-on ces êtres construits ? Risque-t- on de faire « diverger » l’évolution ? Comment la société va-t-elle pouvoir exprimer ses souhaits sur ces questions ? Au vu de l’importance des enjeux, la réflexion doit être pluraliste et collective. 2 Joël de Rosnay : Qu’est-ce que la biologie synthétique ? Projets et perspectives - Conseiller auprès du président de la Cité des sciences et de l’industrie La biologie synthétique ou biologie de synthèse est essentiellement une question de reprogrammation du vivant. Elle trouve son origine à la convergence de trois grands mouvements. Le premier est la convergence de la chimie, de la biologie, de l’informatique, de la science des réseaux en passant par la biologie moléculaire et les nanobiotechnologies. Le deuxième concerne le projet génome consistant à décrypter l’ADN et surtout l’épigénome, qui permet, grâce à des micro ARN interférant, obtenus par synthèse, de moduler l’expression des gènes. Le troisième est la biologie systémique (System biology) qui considère les interactions complexes qui ont lieu dans les systèmes biologiques. L’objectif final est de synthétiser un organisme vivant à partir de rien. Pour cela, les scientifiques explorent deux voies : d’une part la reprogrammation des organismes vivants avec exploitation d’un langage génétique assimilé au codage des informaticiens et d’autre part le développement de modules (« bio-bricks » ou « DNA- cassettes »). Au final, l’objectif est de créer des organismes vivants et des fonctions n’existant pas dans la nature pour produire des nouveaux biomatériaux, des systèmes de détection chimiques et biologiques, des outils de décontamination, ou des nouveaux processus de production d’énergie (pour transformer les déchets, faire produire de l’hydrogène par des algues, etc…). Ces disciplines progressent très rapidement et personne ne peut prévoir quels seront leurs débouchés. Les outils s’inspirent de l’informatique et de l’ingénierie. Ils se scindent en quatre groupes : composants et interfaces, « design tools », systèmes de contrôle, méthode de production avec le recours aux standards. Concernant le « design », les principes utilisés sont le « reverse engineering », les boucles de feed-back, la détection et la reconnaissance moléculaire, les amplificateurs et les circuits redondants. De nombreux projets dans le monde travaillent sur et avec ces outils. Par exemple, Craig Venter développe depuis 2004 et jusqu’en 2014 une bactérie « hyper productrice » d’hydrogène. La Communauté européenne se préoccupe d’éthique, de sécurité et aussi de compétitivité pour ne pas prendre de retard par rapport aux autres pays (USA, Japon, Chine…). La CE demande d’anticiper, de stimuler la transdisciplinarité, de développer les infrastructures et de mettre en place une meilleure communication pour rendre ces technologies abordables par le grand public. Les problèmes éthiques et environnementaux (risques pour la biodiversité) imposent la plus grande vigilance face aux risques de dérives commerciales et militaires. 3 Alfonso Jaramillo : Etat des lieux, état d’esprit - responsable du projet européen Biomodular H2, Ecole Polytechnique La biologie synthétique s’intéresse à créer de novo des protéines et des systèmes complexes d’interaction de gènes. La difficulté réside dans le fait qu’il est difficile, voir impossible, de savoir ce qui se produira suite à la modification de plusieurs gènes. Aujourd’hui la puissance des ordinateurs et le « Grid computing » permettent de modéliser cette dimension de la biologie. Par exemple, une seule cellule nécessite des milliers de composants pour sa représentation. Les connaissances sur les structures des protéines et sur leur fonctionnement se sont développées. Le partage des informations sur internet atteint une masse critique (génomes séquencés disponibles). La production de matériel génétique est aussi aujourd’hui largement accessible. Une paire de base coûte 0,35 euros à synthétiser. Pour synthétiser le plus petit génome d’une bactérie comme Mycoplasma genitalium (organisme modèle de Craig Venter) seulement 203 800 euros sont nécessaires. Toutes ces avancées rendent la biologie de synthèse aujourd’hui possible. Ce qui change la donne désormais avec le vivant, c’est que l’on est désormais capable de séparer design et fabrication. Comme pour l’électronique, le designer d’un circuit n’a pas besoin de savoir comment fabriquer ce dernier et vice versa. Il est nécessaire de trouver les différents niveaux d’abstraction pour isoler les caractéristiques importantes parmi un grand nombre de détails inutiles. L’objectif est de rendre possible la combinaison de simples composants. Il est alors indispensable de penser la standardisation de ces composants que l’on ambitionne ensuite d’assembler sur un châssis à la manière des circuits électroniques. François Taddeï : Les enjeux cognitifs - Directeur de l’Institut de recherches interdisciplinaires de Cochin-Necker La biologie de synthèse vient de l’informatique et de l’électronique. Dans ces domaines, le développement s’est fait en créant des objets de plus en plus complexes en partant d’en bas. La biologie synthétique est une reconstruction délibérée d’organismes vivants. Si le génie génétique s’intéressait à ajouter des gènes les uns après les autres dans un génome existant, la biologie synthétique cherche à construire des génomes entiers pour chacune des applications que l’homme peut imaginer. « Ce que je ne peut pas créer, je ne peux pas le comprendre » disait Richard Feynman. Un des objectifs de la biologie synthétique est donc d’expérimenter sur le vivant pour mieux comprendre ce dernier. Le scientifique s’intéresse à comprendre les systèmes biologiques, alors que l’ingénieur souhaite construire de nouveaux organismes. Il s’agit de passer du logos au technos. La grosse difficulté est qu’il est difficile de prédire les comportements les plus simples. Les cellules ne sont pas des ordinateurs. Elles comportent beaucoup de 4 bruit et d’erreurs. De plus, le vivant évolue et les organismes synthétiques évolueront renforçant leur imprédictibilité. La biologie synthétique ressemble à un projet d’assemblage de Legos. Avec des modules on construit du vivant. La biologie de synthèse va être couplée avec l’approche des biotechnologies évolutives. La première fabriquera des organismes et sera un Générateur de Diversité (GoD en anglais), alors que la deuxième sélectionnera ces derniers pour leur utilité. La biologie synthétique pose des questions de sécurité et d’éthique. La société va-t- elle l’accepter ? Suffisamment de mesures sont-elles prises pour éviter de relâcher des organismes potentiellement dangereux dans la nature ? Les chercheurs doivent se poser ces questions et prendre garde aux utilisations non éthiques qui peuvent êtres faites de ces technologies. La recherche sur ces questions est aussi importante que celle portant sur les aspects technologiques. Un débat collectif doit avoir lieu pour décider ensemble comment maximiser les applications favorables de ces technologies tout en minimisant les risques de dérives. Markus Schmidt : Des enjeux sociétaux culturels et géopolitiques - Coordinateur du projet européen Synbiosafe, Organisation pour le dialogue international et le management du conflit, La biologie synthétique est un art et non de l’ingénierie. Elle a plusieurs ambitions comme la production de circuits vivants ou la définition d’un génome minimal pour comprendre la vie elle- même et fournir un châssis sur lequel connecter des circuits biologiques. Elle consiste à concevoir des cellules minimales pour reconstruire des organismes, à synthétiser des fonctions chimiques propres à la biochimie du vivant, mais surtout à réaliser la synthèse chimique de l’ADN. Le programme européen Synbiosafe examine les enjeux de la biologie de synthèse en terme de santé publique, de biosécurité, d’éthique, ainsi que les impacts économiques et les moyens de communiquer avec le public. En matière de biosécurité, la biologie de synthèse diffère uploads/Science et Technologie/ qu-x27-est-ce-que-la-biologie-de-synthese.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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