1 La lettre scientifique de l’École Polytechnique N° 12 JUIN 2010 Dossier : LES

1 La lettre scientifique de l’École Polytechnique N° 12 JUIN 2010 Dossier : LES PLASMAS 2 Editorial Un plasma est un gaz ionisé (c’est-à-dire dont les atomes ont perdu un ou plusieurs électrons devenant ainsi des ions). Cette ionisation peut être obtenue en soumettant le gaz à un fort chauffage ou à un fort champ électrique. Les plasmas peuvent être classés en fonction de leur densité, leur température et leur degré d’ionisation. Un « plasma froid « est obtenu par exemple en créant une décharge électrique dans un gaz à basse pression. Ce plasma est un gaz froid (température un peu supérieure à la température ambiante allant jusqu’à quelques centaines de degrés) remplis d’électrons chauds (1 000 à 100 000 K). Il est très faiblement ionisé (10-7 à 10-2 ions par espèce neutre) et donc constitué essentiellement d’atomes et de molécules neutres. Ces plasmas froids sont utilisés dans l’industrie par exemple pour fabriquer des micro on nano-objets, en microélectronique, pour la propulsion spa- tiale, l’éclairage basse consommation, la stérilisation et le traitement de l’eau et de l’air. Les procédés plasmas sont intrinsèquement des procédés « propres » et certains d’entre eux sont utilisés dans des technologies ayant une valeur ajoutée environnementale, les fameuses « cleantech » très à la mode actuellement. À l’opposé, un « plasma chaud » de fusion thermo- nucléaire est totalement ionisé, formé uniquement d’ions et d’électrons dont la température peut atteindre plusieurs dizaines de millions de degrés. Le plasma se caractérise par le comportement collectif de ses composantes électriquement Une multitude de plasmas Le centre de recherche de l’X concentre sans doute en un même lieu la plus grande population de chercheurs en France qui étudient ou utilisent les plasmas dans leur diversité, au sein d’une demi-douzaine de laboratoires. Le plasma (du grec signifiant chose façonnée), quatrième état de la matière, est en fait le plus répandu à l’échelle de l’univers visible (plus de 99 % de la matière observable se présente sous forme de plasma), que ce soit au cœur des étoiles, au milieu des galaxies, autour des planètes, Il se manifeste aussi dans notre atmosphère à travers des phénomènes comme la foudre ou les aurores. On sait aussi le créer en laboratoire pour des applications dans le domaine de l’éclairage, de l’énergie « propre » du XXIe siècle (photovoltaïque solaire et à plus long terme énergie thermonucléaire), de l’environnement, de l’aéronautique et du spatial, des technologies de l’information et de la communication, de la transformation des matériaux, de la défense. Il intervient ainsi pour 50% des opérations élémentaires de fabrication des circuits intégrés. Ce numéro double de flashX est très largement consacré à ces mystérieux plasmas, qui servent aussi d’ailleurs à produire des rayons X ultrabrefs, ce qui nous ramène à une des origines du nom de cette lettre. Pascal BRADU* Rédacteur en chef *Auteur du livre : L’univers des plasmas (Flammarion) Petite « zoologie » des plasmas 3 RF antenna Magnets Vaccum flange Acceleration grids Ferrite material Ionization Electron Filtering Ion-Ion region A- A+ A- A+ Recombination Extraction and Acceleration Gas injection Les activités de l’équipe Plasmas Froids du LPP, à la fois expérimentales et théoriques, visent à comprendre les mécanismes fondamentaux et favoriser le transfert technologique. Deux projets sont actuellement au cœur de cette activité de transfert. a) Le premier projet, baptisé PEGASES et développé avec EADS-Astrium (sur la base d’un brevet LPP de l’équipe de Pascal Chabert), concerne la Propulsion Spatiale par Plasma. La propulsion d’engins dans l’espace (où la gravitation terrestre devient négligeable) requière de faibles poussées mais de fortes vitesses d’éjection du « carburant » pour minimiser la masse embarquée. Les propulseurs plasma permettent d’atteindre ces fortes vitesses d’éjection. Le principe est simple : le carburant (gaz) est d’abord ionisé par apport d’énergie électrique pour former un plasma (formation d’ions positifs et d’électrons), puis éjecté par accélération dans une zone de champ électrique, avant d’être neutralisé par un faisceau d’électrons annexe positionné en aval de la zone accélératrice. Tous les propulseurs existant à ce jour n’utilisent que la matière chargée positivement (les ions positifs) pour la propulsion, la charge négative (les électrons) servant uniquement à l’ionisation et à la neutralisation. chargées, sous l’effet des forces d’interaction coulombiennes à longue portée. Ces phénomènes collectifs se traduisent notamment par l’apparition de comportements électrostatiques oscillatoires et instables. Par exemple, les plasmas magnétisés comme ceux que l’on trouve largement dans l’univers ou que l’on crée dans les expériences de fusion magnétique sont le siège de turbulences et d’instabilités et les théoriciens de ces deux domaines trouveront réunis au sein du nouveau laboratoire LPP des possibilités d’échanges fructueux. Un nouveau laboratoire Le Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP), fort d’environ 100 personnes, a été créé en 2009 en regroupant l’ex Laboratoire de Physique et Technologie des Plasmas de l’Ecole Polytechnique et des équipes du Centre d’étude des Environnements Terrestre et Planétaires (CNRS, UVSQ, UPMC). Ses tutelles sont le CNRS, l’Ecole Polytechnique, l’UPMC et l’Université Paris Sud. Il est réparti sur deux sites, l’X et l’Observatoire de St Maur-des-Fossés et environ 30 personnes venues de l’ex-CETP ont emménagé début 2010 sur le campus de l’Ecole après la construction d’environ 300 m2 de locaux. Le LPP dirigé par Antoine Rousseau et Laurence Rezeau (cf. photo) regroupe en son sein des spécialistes des plasmas de laboratoires tels que les plasmas de fusion thermonucléaire par confinement magnétique (projet ITER), les plasmas chauds et denses, les plasmas froids (microélectronique, traitement de l’air et de l’eau, etc…) ainsi que des spécialistes des plasmas naturels : ceux-ci s’intéressent à l’étude expérimentale et théorique des plasmas du système solaire, c’est-à-dire de l’environnement ionisé de la Terre et des objets du système solaire (planètes…), ainsi que du milieu interplanétaire. Ce nouveau laboratoire va permettre de préparer au mieux les grands projets de la discipline et notamment les projets spatiaux d’étude des plasmas du Système Soleil- Terre et des autres objets du Système Solaire et le projet ITER de confinement magnétique d’un plasma de fusion qui est l’un des axes phares de la discipline. Ces projets ont une envergure internationale : ils se développent, pour l’exploration spatiale, dans le cadre des agences spatiales (CNES, ESA, NASA, JAXA (Japon), CNSA (Chine), et IKI (Russie) ; pour la fusion, le projet ITER repose sur un traité international entre 7 partenaires (Europe, Etats-Unis, Russie, Japon, Chine, Corée, Inde), et sur le programme cadre EURATOM et l’EFDA (Europe). En outre, le LPP est très impliqué dans des partenariats industriels que ce soit dans le domaine de la micro-électronique, de la propulsion spatiale ou de la dépollution. Contact : antoine.rousseau@lpp.polytechnique.fr plasmas froids 4 L’idée principale de PEGASES est d’utiliser la charge positive et la charge négative pour la poussée. Pour cela, il convient de générer simultanément deux faisceaux d’ions énergétiques de signes opposés. La neutralisation par les électrons en aval de l’accélération n’est donc plus nécessaire. Le carburant utilisé est un gaz électronégatif (gaz à forte affinité électronique qui a la propriété de capter les électrons libres). Le plasma ainsi généré contient des ions positifs, des ions négatifs et une faible fraction d’électrons. Ces quelques électrons sont filtrés à l’aide d’un champ magnétique statique permettant ainsi l’extraction de deux faisceaux d’ions de signe opposé. La poussée est donc assurée par les deux types d’ions qui se neutralisent en aval (par recombinaison) pour former un faisceau de neutres rapides. Lors du récent colloque anniversaire de l’ANR, Valérie Pécresse a mis en exergue ces travaux qui « ont jeté les bases d’un nouveau concept de propulsion spiatiale ». b) Le deuxième projet a trait à la dépollution La purification de l’air intérieur est devenue depuis quelques années un enjeu technologique majeur dû à l’émergence de nouvelles normes portant sur les polluants gazeux (chimiques, biologiques…) ainsi que sur les odeurs. L’utilisation conjointe du plasma froid et de la catalyse hétérogène est une voie très prometteuse qui est étudiée depuis une quinzaine d’année. Les plasmas à pression atmosphériques dans l’air sont générés par des tensions de plusieurs kilovolts. De petits filaments de plasma de quelques millimètres de long et quelques centaines de micron de diamètre se propagent à des vitesses de l’ordre de 105 m/s, soit, le millième de la vitesse de la lumière (il s’agit d’une onde d’ionisation appelée « streamer »). Le gaz reste froid mais les électrons créés dans le plasma sont très énergétiques (10 000 K) et permettent la dissociation des molécules d’oxygène et d’eau présentes dans l’air pour créer des radicaux O, OH, O3 (l’ozone), très réactifs. Ces radicaux générés par plasma froid permettent l’oxydation des polluants gazeux. Le LPP travaille sur la physique de ces streamers et leur propagation sur des interfaces ainsi que sur les procédés de dépollution. Sur la base du brevet DEPOLL’AIR issu de ces travaux et déposé en 2007 par l’X et le CNRS, un procédé pilote est actuellement en cours de développement avec un partenaire industriel allemand ALKO et la cellule de valorisation de l’Ecole. Par ailleurs, le groupe plasmas froids du LPP étudie les aspects fondamentaux de la physique des plasmas, uploads/Science et Technologie/ revus-plasma.pdf

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