Nadine & Thierry Ribault Chroniques du désastre de Fukushima Recueil d’articles

Nadine & Thierry Ribault Chroniques du désastre de Fukushima Recueil d’articles de presse 2011-2015 Thierry RIBAULT Clersé UMR 8019-CNRS Centre Lillois d’Etude et de Recherche Sociologiques et Economiques Université de Lille 1, France Page : <http://clerse.univ-lille1.fr/spip.php?article125> Liste exhaustive de ses articles et publications Thierry Ribault est chercheur au CNRS. Il a vécu dix ans au Japon durant les deux dernières décennies et y est présent depuis 2009 et le début de la catastrophe de Fukushima. Il a fait paraître de nombreux articles, chroniques et tribunes consacrés à la diversité des voix japonaises face aux mesures prises par l’establishment politique et scientifique durant la crise nucléaire, et est co-auteur avec Nadine Ribault du livre : Les Sanctuaires de l’abîme – Chronique du désastre de Fukushima – Editions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 144 p, 2012. Il est en charge depuis janvier 2013 de la direction scientifique du Laboratoire International Associé CNRS : « Protection humaine et réponses au désastre », en partenariat avec l’université Doshisha de Kyoto et l’université de Fukushima. Il est co-auteur et co-réalisateur avec Alain Saulière de trois films documentaires : Dissonances (2010, 50 mn, prix du festival du film de chercheur de Nancy 2012) ; Désertion Sensible (2012, 102 mn) ; Gambarô (Courage !) (51mn, 2014), relatif au désastre de Fukushima. Articles parus sur les sites : Rue 89, <http://www.rue89.com/> Reporterre, <http://www.reporterre.net/> Et encore ailleurs… Recueil d’article réalisé par : Bertrand Louart – Radio Zinzine 04 300 Limans Chronique du désastre de Fukushima 1 Fukushima : Voici venu le temps de l’imposture scientifique Site Rue 89, 11 septembre 2011. Ce week-end, un colloque scientifique factice, à l’automne, une enquête de santé publique pipeautée... Au cours d’une manifestation antinucléaire à Kyoto, le 11 juin 2011 (Photo : Thierry Ribault). Après le temps des mensonges industriels, avec Tepco dans le rôle du coupable idéal, après le temps de la panique feinte de l’Etat, avec l’ex- Premier ministre Naoto Kan dans le rôle du fusible politique, voici venu le temps de l’imposture scientifique avec le professeur Shunichi Yamashita dans le rôle du savant histrionique, détenteur indiscutable de la vérité sur l’ampleur des dégâts sanitaires après la catastrophe. Imposture scientifique en deux temps. 1. Ce week-end, un colloque scientifique factice Ce dimanche 11 et lundi 12 septembre 2011, le professeur Yamashita doit présider le premier grand colloque sur la catastrophe nucléaire qui se tiendra à la faculté de médecine de Fukushima, la « Conférence internationale d’experts de Fukushima - Radiation et risque sanitaire ». Nadine & Thierry Ribault 2 Selon le comité d’organisation, voici l’objectif de cette conférence qui réunira trente experts japonais et étrangers notamment de l’UNSCEAR, de l’ICRP, de l’AIEA et de l’OMS : « Faire des recommandations visant à supprimer l’anxiété des résidents de Fukushima face à la radiation [...]. Il s’agit de mener une évaluation externe de la recherche portant sur la gestion sanitaire du département de Fukushima, et d’apporter une réponse à l’inquiétude des mères. » Ainsi, vingt-cinq ans après Tchernobyl, resurgit la thèse selon laquelle la crainte de l’irradiation artificielle relèverait de la psychiatrie : la « radiophobie » serait la vraie cause des problèmes. Principal organisateur, Shunichi Yamashita, de l’université de Nagasaki, est « conseiller pour le risque sanitaire lié aux radiations » auprès du département de Fukushima. Il se présente comme issu d’une famille survivante de Nagasaki et contribue activement à la banalisation de la radioactivité. Médiatisé, le professeur Yamashita passe pour un scientifique fiable et rassurant auprès des gens qui avouent se sentir mieux quand ils l’entendent. Il n’hésite pas à clamer : « Plus vous sourirez, moins la radiation vous atteindra […]. Si vous ne souriez pas, les rayons auront un effet sur vous. Cela a été prouvé par expérimentation animale. » On trouve dans l’argument du colloque daté du 1er août, les éléments suivants qui laissent peu de doutes sur l’intention des organisateurs : « La situation de Fukushima a été aggravée par ce que l’on ne peut qu’appeler un désastre de l’information : les nouvelles qui circulent varient selon les sources, qui sont parfois incompétentes. Il est essentiel que nous travaillions à mettre en circulation uniquement de l’information correcte et scientifique sur les effets sanitaires de la radiation. » Les organisateurs du colloque de Fukushima entendent ainsi : « fournir des recommandations appropriées issues du monde des experts, et communiquer à la fois une information correcte sur les risques sanitaires liés à la radiation et une vision claire de ce qui constitue une véritable sensibilisation au risque ». Peut-on toutefois attendre une information scientifique d’un colloque dont le vice-président, Abel Julio Gonzales, membre de l’AIEA, vice- président de l’ICRP (International Commission on Radiological Protection) et conseiller de l’autorité de régulation nucléaire d’Argentine, déclarait lors de la conférence de l’OMS du 4 juin 2001 à Kiev : Chronique du désastre de Fukushima 3 « Tchernobyl a causé 31 morts, 2 000 cancers évitables de la thyroïde chez l’enfant, et à ce jour il n’existe aucune preuve validée internationalement de l’impact de l’exposition aux radiations sur la santé publique à Tchernobyl. » Le 27 mai 2011, à Koriyama, à soixante kilomètres de la centrale. Wataru Iwata, initiateur de Project47/CRMS, explique à ces paysannes que la terre où elles vivent et cultivent, imbibée de césium 137 et 134, est inutilisable pour au moins dix ans et renferme une contamination équivalente à plus… (Photo : Thierry Ribault) Deux figures importantes et critiques du monde scientifique japonais ont été écartées du panel d’experts mobilisés pour la conférence, Hiroaki Koide et Tatsuhiko Kodama. Le premier est un spécialiste de la mesure du rayonnement et de sûreté nucléaire au Research Reactor Institute de l’Université de Kyoto, le second professeur au Research Center for Advanced Science and Technology et directeur du Radio-Isotope Center de l’université de Tokyo. S’ils ne figurent pas parmi les experts invités, est-ce parce que Hiroaki Koide déclarait récemment qu’« il n’y aucun seuil de sécurité pour la santé en matière d’exposition à la radiation, quel que soit notre âge », tandis que Tatsuhiko Kodama, auditionné le 27 juillet à la Diète, affirmait que « le niveau total de radioactivité émise depuis le 11 mars est équivalent à 29,6 bombes d’Hiroshima en termes de quantité de chaleur, et de l’ordre de 20 fois Hiroshima en termes de volume d’uranium » ? On peut également s’interroger sur l’objectif réel d’une manifestation financée par la Nippon Foundation (à ne pas confondre avec la Japan Foundation). Cette fondation, dont on pouvait voir les camps de bénévoles installés dans le Tohoku dès le 12 mars 2011, a été créée en 1962 par Ryoichi Sasakawa, dont la réputation est sulfureuse, accusé de crimes de Nadine & Thierry Ribault 4 guerre pendant la Seconde Guerre mondiale (mais jamais condamné) et se définissant lui-même, dans une interview à Time en 1974, comme « le fasciste le plus riche du monde ». La fondation est maintenant présidée par son fils, Yohei Sasakawa, chroniqueur au journal d’extrême-droite Sankei Shimbun. En 2010, la branche française de la Nippon Foundation, la Fondation franco-japonaise Sasakawa, dont le vice-président du conseil d’administration est Jean- Bernard Ouvrieu, ancien gouverneur pour la France à l’AIEA et ancien ambassadeur au Japon, a poursuivi pour diffamation Karoline Postel- Vinay, directrice de recherches au CERI-Sciences-Po. Il s’agissait pour la fondation, qui a été déboutée par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, de tenter d’intimider ceux qui pointent sa stratégie de promotion de travaux universitaires négationnistes (notamment par rapport aux crimes de guerre, au massacre de Nankin et à la question de l’esclavage sexuel durant la guerre en Corée). Faut-il s’inquiéter du passé trouble du financeur du premier colloque sur les conséquences sanitaires de la catastrophe nucléaire de Fukushima ? Que faut-il en outre penser du fait que la Nippon Foundation ait rendu ce colloque totalement inaccessible au public et aux victimes ? Il est vrai que le colloque sera retransmis sur un site Internet. Ainsi, les experts sur la scène et le peuple aux écrans, le spectacle peut continuer en toute tranquillité. 2. A l’automne, une enquête de santé publique pipeautée L’imposture scientifique ne s’arrête toutefois pas là. En juin, le département de Fukushima a annoncé la réalisation d’une enquête de santé publique auprès des habitants exposés à de forts taux de radiation. Dès l’automne, tous les habitants du département recevront un questionnaire permettant de recueillir le détail de leurs activités et de leur consommation alimentaire deux semaines après le 11 mars 2011. Le taux de radiation estimé sera ensuite comparé avec les taux détectés. Seuls les résidents ayant un taux élevé seront soumis aux examens par anthropogammamétrie, examen des glandes thyroïdes, des urines et du sang. Les informations seront stockées durant trente ans dans une base de données créée par l’université de médecine de Fukushima, qui se félicite dans l’Asahi Shinbun du 18 juin 2011 : Chronique du désastre de Fukushima 5 « L’étude ira bien au-delà de toutes celles qui ont été réalisées sur les victimes de Hiroshima et de Nagasaki dans la mesure où elle intègrera l’évaluation uploads/Science et Technologie/ ribault-fukushima-pdf.pdf

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