Institut des sciences du langage et de la communication T R A V A U X N E U C H
Institut des sciences du langage et de la communication T R A V A U X N E U C H Â T E L O I S D E L I N G U I S T I Q U E 2017 | No 65 Thierry Herman (éd.) Techniques rhétoriques et écrits scientifiques Travaux neuchâtelois de linguistique N° 65, 2017 • ISSN 2504-205X Table des matières Thierry HERMAN Avant-propos -------------------------------------------------------------------------- 1-6 Victor FERRY Le tact des mots: écrire et discuter l'histoire d'un sujet sensible ---------------------------------------------------------------- 7-18 Agnès TUTIN La mise en scène de la surprise dans les écrits scientifiques de sciences humaines--------------------------------- 19-35 Francis GROSSMANN La notion d'évidence et son expression linguistique dans la rhétorique scientifique -------------------------------- 37-52 Victoria BEGUELIN & Thérèse JEANNERET Genres discursifs et attentes rhétoriques en Faculté des lettres: de l'acquisition des littératies universitaires à leur évaluation ----------------------------------- 53-66 Christian PLANTIN Types, typologies, arguments ------------------------------------------------- 67-78 Jean H.M. WAGEMANS Quels critères pour déterminer la "meilleure" explication scientifique? ----------------------------------------- 79-88 Thierry HERMAN De la captatio à la partitio: rhétorique de l'introduction de l'article de recherche ------------------------------------- 89-111 IV Article VARIA Véronique CASTELLOTTI, Marc DEBONO & Emmannuelle HUVER Une "tradition de l'innovation"? Réflexion à partir du corrélat innovation/créativité en DDL------------------------------------------------- 113-130 Comité de lecture -------------------------------------------------------------------------- 131 Adresse des auteurs ---------------------------------------------------------------------- 132 TRANEL (Travaux neuchâtelois de linguistique) La revue TRANEL fonctionne sur le principe de la révision par les pairs. Les propositions de numéros thématiques qui sont soumises au coordinateur sont d'abord évaluées de manière globale par le comité scientifique. Si un projet est accepté, chaque contribution est transmise pour relecture à deux spécialistes indépendants, qui peuvent demander des amendements. La revue se réserve le droit de refuser la publication d'un article qui, même après révision, serait jugé de qualité scientifique insuffisante par les experts. Responsables de la revue Cécile Petitjean email: cecile.petitjean@unine.ch Etienne Morel email: etienne.morel@unine.ch Comité scientifique de la revue Marie-José Béguelin, Simona Pekarek Doehler, Louis de Saussure, Geneviève de Weck, Marion Fossard, Corinne Rossari, Federica Diémoz, Martin Hilpert, Hélène Carles et Juan Pedro Sánchez Méndez (Université de Neuchâtel) Secrétariat de rédaction Florence Waelchli, Revue Tranel, Institut des sciences du langage et de la communication, Université de Neuchâtel, Rue Pierre-à-Mazel 7, CH-2000 Neuchâtel Les anciens numéros sont également en accès libre (archive ouverte / open access) dans la bibliothèque numérique suisse romande Rero doc. Voir rubrique "Revues": http://doc.rero.ch/collection/JOURNAL?In=fr © Institut des sciences du langage et de la communication, Université de Neuchâtel, 2017 Tous droits réservés ISSN 2504-205X Travaux neuchâtelois de linguistique, 2017, 65, 1-6 Avant-propos Thierry HERMAN Université de Neuchâtel, Université de Lausanne, Università della Svizzera Italiana Lorsque l'on ouvre le Traité de l'argumentation de Ch. Perelman et L. Olbrechts- Tyteca (1958), on découvre dans le premier chapitre une distinction entre la démonstration et l'argumentation; si l'on exagère le trait, il s'agit d'une distinction entre le domaine apodictique de la science et celui probabiliste de la communication à un auditoire. A priori donc, la rhétorique scientifique pourrait être considérée comme un oxymore (Ornatowski 2007). Mais Perelman dénonce vite "l'illusion" selon laquelle les faits parlent par eux- mêmes (1958: §3). Certes, cette attaque contre une logique à l'écart des affaires humaines, inadaptée dans le champ de l'argumentation privilégié par le philosophe belge, le droit, n'implique pas pour autant de suggérer que la science est plus une affaire d'argumentation que de démonstration. Il n'en reste pas moins que Perelman évoque explicitement les "communications et mémoires scientifiques" (ibid.) comme des victimes d'une telle illusion rationaliste et donc inadaptés à une forme de communication humaine. Or, parmi les chercheurs actuels s'intéressant à l'écrit de recherche (Rinck: 2010; Tutin & Grossmann: 2013 par exemple), il existe un consensus pour évoquer une forme de rhétoricité de l'écrit scientifique ou académique. Ce numéro de Tranel souscrit à cette perspective. Plusieurs études se réclament de la rhétorique à l'instar de Latour et Fabbri (1977), Prelli (1989a), Gross (1990, 2006), Harris et al. (1997) ou Fahnestock (1999). Certains utilisent des catégories issues de la rhétorique antique: l'ethos pour Prelli (1989b) ou l'épidictique pour Sullivan (1993). En toile de fond figure un débat entre les partisans de la rhétorique comme accompagnatrice plus ou moins perverse de la science "pure" et les tenants d'une perspective constructiviste pour qui la rhétorique fait science (cf. Rinck 2010 et Gross 2006 sur ce point). Quelle que soit l'approche, finalement, la rhétoricité de l'écrit scientifique reste postulée. Mais cette rhétoricité défendue ne va pas sans problème. Un problème de définition déjà: qu'entend-on par rhétorique lorsque l'on convoque cette discipline dans le champ de l'écrit scientifique? Le plus souvent, il s'agit de souligner une énonciation située, en rapport avec un "auditoire" de lecteurs et dans laquelle l'auteur-e développe et prend en charge une argumentation. Mais le lien avec la rhétorique antique, en particulier dans le monde anglo-saxon, est relativement lâche. La question de la persuasion, par exemple, ne paraît guère définitoire dans ce que les Américains entendent par rhétorique. Un spécialiste 2 Avant-propos de l'écrit scientifique, Charles Bazerman, définit par exemple ainsi cette discipline: "The study of how people use language and other symbols to realize human goals and carry out human activities […] ultimately a practical study offering people great control over their symbolic activity" (1988: 6). Cette perspective est tellement large que l'intention de ce numéro était au contraire de resserrer les liens avec la rhétorique antique et d'en interroger la pertinence. Un problème d'application ensuite. Comment observe-t-on la rhétorique dans les textes académiques? Les spécialistes de linguistique, voire de linguistique textuelle, ont la plupart du temps l'univers rhétorique à leur marge; à l'inverse, les spécialistes de rhétorique antique ne s'intéressent guère à un domaine sur lequel les recherches sont par ailleurs récentes. Et les travaux en rhétorique de la science sont rarement consacrés, à ma connaissance, à des analyses détaillées de corpus. Pour certains, comme Gaonkar (1993), la rhétorique n'est même pas le paradigme utile pour l'écrit scientifique pour trois raisons: elle s'occupe de la production de textes et non de leur analyse/interprétation, elle vise à persuader un auditoire passif, ce qui n'est pas applicable à la communication scientifique, et son appareil théorique est relativement léger et pas assez bien défini. En de telles conditions, il est difficile de favoriser le dialogue interdisciplinaire. C'est avec cette problématique en toile de fond que j'ai organisé en mai 2015 une journée d'études portant sur l'écrit scientifique dans une perspective rhétorique. La plupart des contributions de ce numéro de Tranel sont issues de cette journée (à l'exception de J. Wagemans). La volonté était de faire réfléchir les personnes invitées sur le lien entre rhétorique et écriture scientifique, qui me semble à la fois assez étroit et pas encore assez exploité. Les contributions reçues illustrent un autre problème, qui est en même temps une grande source d'inspiration. La rhétorique, parce qu'elle touche pratiquement toute forme de communication argumentée, s'offre à la diversité. Je ne suis pas certain que ce numéro de Tranel puisse permettre de considérer l'éclairage rhétorique comme une évidence pour quiconque s'intéresse à l'écrit scientifique. Certaines contributions l'illustrent pleinement, d'autres restent assez prudentes. L'enjeu de cette introduction est donc de relever la dimension rhétorique des articles livrés. Les contributions de ce numéro Pour Victor Ferry, c'est une évidence. Abordant une problématique qui met en relief un problème lié à l'écriture de la science en contexte, Ferry se demande comment écrire l'histoire sur un sujet sensible, par exemple l'histoire de la traite des Noirs. Illustrant ce conflit entre histoire et mémoire, entre faits scientifiques et rapport à l'auditoire par la controverse autour de l'historien Olivier Pétré- Grenouilleau, Ferry relève l'importance de la situation rhétorique, selon le terme forgé par Bitzer (1968), relative à l'importance des faits historiques et de l'ethos Thierry Herman 3 de l'historien. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'adaptabilité est parfois préférable à la rigueur. Mais comment alors continuer à écrire l'histoire si elle ne peut plus être dite en certains contextes? Ferry opte pour une voie originale en relevant que les exercices de rhétorique antique, les progymnasmata, offrent une solution critique de réécriture pour argumenter en situation difficile. Les exemples convaincants qu'il fournit montrent l'enjeu de la prise en compte de rapports rhétoriques dans le monde scientifique. Agnès Tutin pour sa part évoque un aspect que l'on pourrait penser exclu de l'écrit scientifique: la question de l'émotion, à travers la mention de la surprise. On pourrait penser au pathos de la rhétorique, si ce n'est que le pathos désigne plutôt l'émotion éprouvée par l'auditoire – ce qui est difficile à imaginer dans le cas présent. Mais Tutin montre, sans le dire, que c'est en fait plutôt une question d'ethos scientifique. Or, cet ethos est moins celui du chercheur – il est rarement l'expérienceur de l'émotion de surprise – que celui du scripteur. On peut en effet penser que l'une des fonctions de la surprise, parmi celles que Tutin imagine en fin d'article, est de dynamiser l'écrit, d'impliquer le lecteur dans une démarche, de créer des effets de connivence. En uploads/Science et Technologie/ tranel-n-65-2017.pdf
Documents similaires
-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 07, 2022
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.3113MB