202 musée de l'Homme, présentés comme provenant du Soudan français alors qu'ils

202 musée de l'Homme, présentés comme provenant du Soudan français alors qu'ils venaient du Mali et que ce pays existe depuis longtemps. A mon avis, Griaule devait se retourner dans sa tombe! C'est plus qu'un coup de balai qu'il fallait. Le musée était la proie de conflits personnels, chacun voulant sa part de reconnaissance et de gloire. On avait perdu de vue la valeur intrinsèque de ces objets dans leur dimension symbolique. A. G.: Tu as raison de le souligner. Ils l'ont bel et bien perdue! Personne ne conteste le bien-fondé du projet. Et pourtant, moi, je suis super déçu 1 A la fin de la visite, j'ai atteint la sortie avec un énorme sentiment de frustration. Je pense d'ailleurs ne pas être le seul à avoir ressenti ça. Je suis ressorti vide, plus vide qu'en entrant d'une certaine manière. Ce n'est pas un film de Jean Rouch et d'autres documentaires qui m'ont sauvé de ce sentiment de noyade. V D. S: Tu cites Jean Rouch, or ... A. G.: Il était contre le projet justement! VOS: Il prônait un musée qui utiliserait l'image et non les objets sacrés pour faire revivre le passé. Dès qu'on s'est mis à parler de ce lieu pas encore baptisé MQB car sortant à peine des rêves émerveillés de quelques-uns, il s'est opposé farouchement au projet. Pour lui, la seule issue était J'image, rien que l'image. A. G.: Il faut reconnaître que Branly nous transmet quelques belles émotions, au détour de certaines pro- jections, ou d'arrêts musicaux auprès de ce que j'ap- pellerais des boîtes à musique. C'est génial! Mais ce qui vient tout gâcher, c'est le soupçon qui plane sur les critères de sélection utilisés. On peut s'interroger sur les conditions d'acquisition de ces objets. V D. S: Alors là, on ouvre la boîte de Pandore. Tous les musées se voient un jour accusés d'avoir acquis plus ou mOÎns légalement certaines pièces et, parmi eux, pas les moindres. La France ne fait pas exception. A. G.: Non, effectivement, ce n'est pas ce que je repro- cherais au MQB. J'en reviens décidément au parti pris muséographique. A mes yeux, il y a une absence totale de démarche pédagogique et on a privilégié le côté « galerie d'art ». Le visiteur déambule sans comprendre, sans être guidé, sans être initié même. Il est cantonné dans le rôle d'un explorateur qui n'y connaîtrait rien mais admirerait béatement tout ce qu'il voit, avec ce petit côté , Ah! Ils étaient capables de faire ça! " . Et c'est là que je ressens un certain malaise car ce musée ne contribue pas à placer les cultures du monde sur un pied d'égalité. V D. S: Pour moi, c'est une question de positionne- ment. Si tu es clair avec l'axe muséographique adopté, il n'y a rien à redire. A. G.: Mais justement, ce n'est pas le cas. En plus, on a affaire ici à une commande d'État. Il fal lait à tout prix que l'inauguration se fasse avant l'échéance des élec- tions. Moralité, tout s'est fait d~ns la précipitation et on a un sentiment d'inachevé. Et c'est là le problème parce qu'il y a une vraie responsabilité à assumer. On propose au public, pour des générations, une vision du monde, de l'art, une vision des hommes à travers leur culture ... V D. S: D'accord, mais rien n'est définitif 1 Il évoluera ce musée. A. G.: Peut-être, mais je trouve quand même que ça aurait mérité davantage de réflexion. Il est destiné au public, et je pense en particulier au jeune public. Eh bien pour moi, le message ne passe pas, V D. S: Le gros problème avec ce musée, c'est qu'il se place sur un créneau fragile, devant allier à la fois l'art et le savoir. A. G.: Exactement, sur ça au moins, finalement on tombe d'accord, c'est pas une réussite! Document 5 Bienvenue pour notre rendez-vous scientifique hebdo- madaire, avec cette semaine une question qui touche également à l'univers des médias: le documentaire scientifique doit-il obligatoirement être objectif' La science était jusqu'ici peu présente aussi bien sur le petit que sur le grand écran. Cependant, depuis quelques années, de nombreuses chaînes accordent une place de plus en plus importante aux documen- taires traitant de sujets scientifiques, On a pu observer de véritables succès d'audience avec des productions sur les origines de l'homme comme Le Temps des mammouths ou encore [Odyssée de l'Homo sapiens de Jacques Humery. Au cinéma, également, les fi lms animaliers attirent de plus en plus de monde. Le film de Luc Jacquet La Marche de l'empereur, sorti en jan- vier 2005, a ainsi connu un succès mondial avec près de 2 millions d'entrées en France et plus de 8 millions aux États-U nis. La science s'ouvre donc au grand public, mais à quel prix? Quelques-unes de ces productions ont été vive- ment critiquées par certains spécialistes, La mise en scène de connaissances scientifiques ne va pas sans poser problème. En effet, il est parfois tentant de trans- former légèrement la réalité scientifique afin de rendre le scénario plus marquant, les explications plus faciles à comprendre, ou les scènes plus spectaculaires. Si certains documentaires se caractérisent par leur sérieux, d'autres frôlent en revanche la caricature de la réalité scientifique. Le docu-fiction, genre télévisuel . hybride très en vogue, qui mêle documents d'archives et reconstitutions fictives, aurait tout particulièrement tendance à favoriser cette dérive. La science semble alors utilisée comme prétexte pour produire des films hauts en spectacle avec de gros budgets et ce, malgré la caution de chercheurs renommés. Le résultat peut laisser parfois songeur. Cette volonté de captiver l'attention du plus large public, et en particulier des jeunes, peut conduire à une vulgarisation dangereuse avec son lot d'impréci- sions, voire de déformations. Dans certains cas, ces productions nuisent à l'image de la science plus qu'elle ne la serve. Le Temps des mammouths ou encore l'Odyssée de l'Homo sapiens regorgent par exemple de simplifications utiles au niveau pédagogique mais très contestables du point de vue scientifique. Un autre documentaire intitulé Homo sapiens, une brève his- toire de l'humanité, de Thomas Nagati, a également provoqué une levée de bouclier chez bon nombre de spectateurs et de spécial istes qui ont vu dans cette réalisation une défense indirecte de théories néo- créationnistes. Le but premier du documentaire scientifique, traité ou non sous la forme d'un docu-fiction, est-il de vulgariser les découvertes scientifiques, ou s'agit-il au contraire pour le réalisateur de créer une œuvre personnelle qui peut alors s'éloigner quelque peu d'une réal ité scienti- fique souvent complexe et contradictoire? Comment, dans ce cas, le public de profanes à qui s'adresse ces productions peut-il faire la part entre des faits validés par la communauté scientifique et la création cinéma- tographique? A vouloir trop simplifier la science pour la rendre accessible, ne la déforme-t-on pas? C'est donc de ces questions que nous allons aujour- d'hui débattre dans notre émission avec nos invités: Jean-Pierre Tillier, Hervé Gayic et Thomas Nagati. Jean-Pierre Tillier est documentariste, directeur de la société de production Eurofilm et président du festival du documentaire scientifique Pariscience qui se déroule actuellement dans le cadre de la fête de la science au Jardin des plantes au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Hervé Gayic est également parmi nous, il est respon- sable des documentaires scientifiques, médicaux et historiques sur France 4 et enfin Thomas Nagati est documentariste, réalisateur, producteur à Science Movie et auteur d' Homo sapiens, une brève histoire de l'humanité dont nous avons déjà parlé et mais aussi plus récemment, d'un film remarqué intitulé Tcherno- bylou les oubliés de la catastrophe nucléaire. (bip sonore) Journaliste: Bonjour, Thomas Nagati. Alors, donc, juste- ment, cette polémique autour de votre documentaire, Homo sapiens, une brève histoire de l'humanité, illustre bien les problèmes que les réal isateurs peuvent ren- contrer peut-être, comme vous. La diffusion de ce fi lm a eu lieu le 25 septembre sur France 2 et il a suscité de vives critiques de certains scientifiques vous accusant de diffuser des théories néo-créationnistes. Alors, quelle a été votre réaction suite à ces attaques? Thomas Nagati: Oui, bon, c'est vrai que les accusations de toutes parts ont été immédiates. Je dois avouer que le fi lm a été dénigré et accusé effectivement de soute- nir des thèses néo-créationnistes. Mais je vous le dis tout de suite et catégoriquement, je ne suis pas néo- créationniste, le film à mon avis n'est pas du tout néo-créationniste et ne défend pas les théories créa- tionnistes, bien au contraire il n'y a pas de providen- tialisme dans le film. Alors, quelle a été ma démarche? En fait, j'ai en partie réalisé ce film en réaction au docu-fiction dont il était question tout à l'heure. Avec ce film, je voulais aller sur le terrain, creuser dans le fossile, le sortir de terre, voir les mystères qu'il donne à résoudre au scientifique, J.: Ce n'est donc pas un docu-fiction, mais plutôt une véritable investigation, non? r N.: Oui, c'est une enquête pure et simple et c'est quasiment uploads/Science et Technologie/ transcription-scientifique-objectif.pdf

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