Auteur : Antoine Gaudin - Un bon sujet doit être original. Parce qu'ils/elles o
Auteur : Antoine Gaudin - Un bon sujet doit être original. Parce qu'ils/elles ont parfois une idée assez vague de ce qu'est un mémoire, les candidat.e.s au Master proposent des sujets tellement banaux et balisés qu'ils ont peu de chances de susciter l'intérêt d'un directeur de recherche, même s'ils sont "dans son champ". L'originalité est pourtant la qualité première d'un sujet de Master. Il faut que le sujet proposé n'ait pas déjà été traité, ce qui veut dire non pas que vous travaillez sur un domaine d'études complètement vierge (cela peut-il encore se trouver ?), mais que vous connaissiez suffisamment ce qui s'est publié à l'intérieur de ce domaine pour souligner de façon précise quelle sera votre contribution neuve et personnelle à la connaissance et à la réflexion collective sur l'objet analysé, la thématique traitée, via l'angle d'approche utilisé, le corpus mis au jour, le champ disciplinaire abordé, etc. Ainsi, une première recherche bibliographique est nécessaire, non seulement pour vérifier que personne n'a déjà traité exactement votre sujet, mais également pour mesurer s'il comporte bien cette part de nouveauté qui va constituer la "petite" avancée que votre travail proposera au "grand" édifice du savoir humain dans tel domaine, sur telle question. Pour résumer : si le sujet que vous proposez est "évident" au point qu'il y a déjà des livres qui portent le même titre au mot près, ou si vous sentez qu'il pourrait être le titre d'une couverture d'un hebdomadaire d'actualité à grand tirage en France aujourd'hui, c'est probablement que ce n'est pas un bon sujet pour un mémoire de Master. Il n'existe pas de sujet trop original pour une recherche. Un sujet sur lequel la bibliographie directement exploitable est maigre (ce qui effraie souvent les étudiant.e.s) est a priori un excellent sujet de ce point de vue, car il vous permettra de fournir d'emblée un apport véritablement inédit au savoir humain. Et ne vous inquiétez pas, vous aurez toujours une ample bibliographie à mobiliser sur tel ou tel aspect dudit sujet. - Définissez bien les termes-clés de votre sujet. La définition précise des termes du sujet est une des premières tâches que l'on accomplit au début d'une recherche. On s'aperçoit alors que même des termes que l'on croyait "évidents" ont des sens plutôt fluctuants selon les contextes, et demandent donc à être circonscrits dans leur signification - non pour délimiter une fois pour toutes ce qu'ils veulent dire (vous n'écrivez pas pour le dictionnaire), mais pour préciser d'emblée au lecteur / à la lectrice le type d'objet ou de phénomène que ledit terme recouvrira à l'intérieur de votre travail. Autrement dit, si votre projet de mémoire comporte des termes-clés ou des notions théoriques qui méritent d'être ainsi explicités, il est conseillé de prendre de l'avance sur cette tâche, dès la constitution du dossier de candidature, afin de fournir au directeur / à la directrice de recherche visé.e tous les éléments pour bien apprécier votre démarche. - Pensez au passé (historique). Parce qu'ils/elles sont plutôt concerné.e.s par l'actualité de leur temps, qu'ils/elles ont l'impression de mieux la connaître et la maîtriser a priori, une écrasante majorité des candidat.e.s envoient aux formations de Master des propositions de sujets qui concernent l'époque ultra-contemporaine. Cela se révèle parfois une bonne chose, dans la mesure où ils/elles amènent à leurs "vieux profs" des thématiques nouvelles, des objets d'études encore peu étudiés, des sensibilités neuves et intéressantes. Mais lorsqu'au mois de juin on voit débouler plusieurs centaines de projets en même temps, on s'aperçoit qu'à quelques exceptions près, on retrouve dans le tas un peu toujours les mêmes objets et les mêmes idées "à la mode". Aussi, pour vous distinguer et retenir l'attention d'un.e directeur/trice de recherche, une bonne méthode consiste à historiciser le problème traité, voire à travailler sur une question délibérément située dans un temps plus reculé. N'oubliez pas que travailler sur le passé, c'est toujours traiter du présent, et qu'une grande part des problèmes de nos sociétés prennent leurs racines dans des phénomènes historiques qui viennent de loin, et sur lesquels il reste encore beaucoup de travaux à produire. Bref, si elle peut parfois vous fournir une acuité et une "urgence" appréciables sur des questions très contemporaines, votre jeunesse ne vous condamne pas à rester strictement dans les catégories de pensée de votre époque, et "voyager dans le temps" est souvent une bonne façon de vous distinguer par votre originalité et votre souci historicisant. - Pensez à des zones géographiques et/ou culturelles peu étudiées en France. Souvent, délocaliser le regard vers des contrées peu explorées par les recherches et les discours médiatiques français, peut se révéler profitable pour définir un sujet de mémoire original et sur lequel peu de choses ont déjà été écrites. Pensez donc à élargir votre point de vue, dans la mesure du possible évidemment (il peut y avoir des obstacles financiers ou linguistiques insurmontables, par exemple, ou encore un accès aux sources difficile), en fonction de vos opportunités (si vous avez un lien personnel avec tel pays, par exemple, ou que vous partez dans tel autre en tant qu'étudiant Erasmus durant votre Master). Pensez également aux approches comparatives entre différentes aires géo-culturelles sur un sujet donné, qui peuvent donner d'intéressantes pistes pour ébaucher une problématique originale et renouveler les questionnements traditionnellement posés à l'intérieur d'une seule de ces aires. - Un bon sujet doit être problématisé. Un mémoire de recherche n'est pas un livre. Dans un livre, il y a souvent la volonté d'effectuer une vaste synthèse descriptive sur un sujet ; cette dernière ne suit pas nécessairement une problématique précise. A l'inverse, un mémoire (comme tout travail de recherche) repose sur un problème, un questionnement principal, qui est l'enjeu majeur que la recherche devra traiter (ce qui ne veut pas dire qu'elle répondra une fois pour toutes à la question posée, mais qu'elle aura contribué à la faire émerger et à construire des éléments de connaissance et des pistes de réflexion à son sujet). Aussi, pensez votre sujet, non comme une description de quelque chose, mais bien comme un questionnement sur quelque chose - un questionnement "vivant", pour lequel vous n'avez pas déjà la "réponse", qui vous permettra de faire vous-même des découvertes (pour faire de la recherche, il faut apprendre à "aimer les questions"). Pour vous aider concrètement : dans la présentation de votre projet, vous pouvez par exemple présenter un sur-titre concernant l'objet de votre étude, et un sous-titre amenant la problématique principale et prenant la forme d'une question. - Pensez à vous émanciper de ce qui vous est trop familier. Le réflexe n°1 des candidats à un Master est de proposer un sujet en rapport étroit avec leurs connaissances déjà établies, leurs goûts culturels, leurs centres d'intérêt spontanés, leurs idées déjà établies sur le monde. C'est parfois une bonne chose, surtout quand l'étudiant.e est véritablement passionné (et pas seulement "poliment intéressé") par son objet et qu'il amène avec elle/lui une véritable expertise sur un domaine peu familier à son/sa directeur/trice, ou peu/mal étudié jusqu'ici. Mais cela peut aussi se révéler une impasse lorsque, incité.e à la paresse par la maîtrise a priori qu'il lui semble avoir sur son objet de recherche, l'étudiant.e peine à embrayer, à problématiser, à se confronter à d'autres points de vue que le sien, et finit par étendre sur une centaine de pages les quelques idées qu'il développait déjà sur ledit objet dans les conversations entre amis qu'il/elle pouvait avoir avant de démarrer sa recherche. Beaucoup d'excellents travaux de mémoire ont été produits, de façon très fluide et efficace, par des étudiant.e.s qui "défrichaient" un sujet ou un domaine d'études nouveau pour eux : en l'abordant directement comme un objet d'étude et de problématisation, ils/elles pouvaient ainsi entrer beaucoup plus vite en profondeur dans le "vif du sujet", et ainsi rattraper en peu de temps le relatif "déficit" de repères et de connaissances qu'ils/elles pouvaient éprouver négativement au début de leur recherche - alors que dans le même temps celui/celle qui restait fixé.e sur ce qu'il/elle connaissait bien sans parvenir à approfondir sa réflexion, tournant en rond et restant à un niveau superficiel, peinait à écrire son mémoire, et surtout ne découvrait rien (ou pas grand chose). Vous pourriez alors vous demander si vous prendrez du plaisir à travailler sur un sujet dont vous ne savez pas grand chose et pour lequel vous n'avez à l'origine pas d'inclination profonde. Ce que l'on ne sait pas avant de débuter une recherche, mais dont on se rend compte assez vite en y travaillant, c'est que ce qui compte, ce n'est pas d'aimer les objets sur lesquels on travaille pour eux-mêmes, mais de les aimer en tant qu'objets (d'investigation et de réflexion). Si vous vous prenez au jeu de la recherche, même sur un sujet pour lequel vous n'aviez pas une franche inclination au départ, très tôt, ce sujet, vous allez l'aimer ; et ce d'autant plus qu'il aura été bien défini, et que le jeu intellectuel qu'il vous proposera sera riche et intéressant. - Méfiez-vous des sujets "à la mode". Par uploads/Science et Technologie/ vade-mecum-pour-l-elaboration-d-un-projet-de-recherche.pdf
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- Publié le Oct 28, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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