Végétarisme, végétalisme, véganisme : aspects motivationnels et psychologiques

Végétarisme, végétalisme, véganisme : aspects motivationnels et psychologiques associés à l'alimentation sélective Sasha Mathieu, Géraldine Dorard Université Sorbonne Paris Cité, université Paris Descartes, institut Henri-Piéron, laboratoire de psychopathologie et processus de santé (EA 4057), IUPDP , 71, avenue Edouard-Vaillant, 92100 Boulogne-Billancourt, France Correspondance : Géraldine Dorard, Institut Henri-Piéron, laboratoire de psychopathologie et processus de santé, 71, avenue Edouard-Vaillant, 92100, Boulogne-Billancourt, France. geraldine.dorard@parisdescartes.fr Points essentiels Le végétarisme est un mode de consommation alimentaire qui se définit par l'exclusion d'aliments d'origine animale. Le végétarisme, au sens large du terme, regroupe plusieurs modes d'alimenta- tion en fonction du degré de restriction (partiel ou total) des produits animaux (carnés ou lactés). Parmi ceux-ci, on distingue par ordre de restriction les régimes flexitarien, semi-végétarien, pesco- végétarien, ovo-lacto-végétarien, végétalien, crudivore et frugivore. Ces trois derniers modes d'alimentation peuvent s'étendre à un mode de vie appelé véganisme qui se définit par l'absence d'usage des produits animaux dans la vie quotidienne (cosmétiques, vêtements, matériaux, etc.). Cette diversité au sein du végétarisme s'explique notamment par des caractéristiques motiva- tionnelles individuelles et psychologiques. Les principales motivations rapportées par les individus ayant entrepris ce mode d'alimentation sont la santé et l'éthique. En fonction de la principale motivation, découlent des différences en termes de comportements, d'attitudes et de réactions quant à la perception des animaux vivants, à l'aversion des produits animaux et à la justification du mode d'alimentation choisi par rapport à ceux qui ont des pratiques différentes d'eux, notamment les omnivores. Key points Vegetarianism and veganism lifestyle: Motivation and psychological dimensions associated with selective diet Vegetarianism is a food consumption pattern. Vegetarianism, at large, includes several diets depending on exclusion's degree (partial or total) of animal products (meat or dairy). Among them we distinguish, according to the restriction order, flexitarian, semi-vegetarian, pesco- vegetarian, lacto-ovo-vegetarian, vegan food, raw food and fruit diets. These three last modes Disponible sur internet le : 16 août 2016 tome 45 > n89 > septembre 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2016.06.031 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 726 Mise au point NUTRITION Presse Med. 2016; 45: 726–733 en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Historiquement, l'exclusion des produits animaux de l'ali- mentation était légitimée par des raisons éthiques et spirituel- les, dont on trouve déjà mention chez certains philosophes grecs tels que Platon et Pythagore [1]. Cette exclusion se voit égale- ment motivée par une pratique religieuse, comme dans le Bouddhisme [2], où être végétarien renvoie à l'adoption d'une bonne hygiène de vie résumée dans la maxime « un esprit sain dans un corps sain ». Au XVIIIe siècle, dans un contexte de crises sociales et économiques conduisant à une certaine pénurie alimentaire, l'Église chrétienne, dont les mem- bres étaient principalement végétariens, propose une solution morale reposant sur une alimentation saine, sobre, dénuée de viande et d'alcool pour apaiser les conflits sociaux. Cette vision est renforcée par les prises de positions des hygiénistes tels que Kellogg et Carton. Ces différents mouvements donneront nais- sance aux Sociétés végétariennes en Angleterre puis aux États- Unis. Au cours de l'histoire, d'autres arguments moraux ont fait leur apparition comme l'anti-spécisme (mettre l'animal humain et l'animal non humain sur un pied d'égalité) et l'anti-carnisme (s'opposer aux omnivores qui acceptent de manger de la viande) [3]. Parallèlement, l'émergence des droits des ani- maux – attribuant notamment à ceux-ci le statut d'être « sen- tients » – ou encore la constitution de communautés centrées sur le partage de ces valeurs relatives au monde animal, ont soutenu l'existence du végétarisme, contribuant ainsi à la créa- tion d'une véritable entité [4]. Toutefois, ce n'est qu'au XIXe siècle que le terme « végétarien » apparaît. Il renvoie alors à différents types d'alimentation excluant quelques ou tout aliment d'origine animale [5]. À la même époque, un argumen- taire scientifique émerge quant aux bénéfices apportés par une alimentation végétarienne (au sens large) [6]. Depuis quelques années, l'évolution des styles de vie et des conditions socio-économiques s'est accompagnée d'une modi- fication des rythmes et des modes de consommation alimen- taire. Les normes autour de l'alimentation se sont déplacées, s'accompagnant de l'émergence ou de la résurgence de régimes alimentaires variés, tels que le régime sans gluten (exclusion des produits céréaliers à base de blé, d'avoine, d'orge et de seigle), le régime paléolithique (exclusion des produits céréa- liers et laitiers), ou encore le jeûne intermittent (alternance de consommations et de conduites de purge). Parmi ces régimes, le végétarisme occupe une place impor- tante, cependant les aménagements divers de ce mode d'ali- mentation participent à la confusion autour de ce régime alimentaire selon le degré d'exclusion (total ou partiel) des produits carnés (viandes et poissons) ou lactés. L'objectif de cette mise au point est de clarifier les définitions du végétarisme en mettant en lumière des éléments de différenciation des sous-entités, et de répertorier les motivations implicites et explicites à l'adoption de ces comportements alimentaires sélectifs. Définitions et prévalences Les végétariens se distinguent par leurs habitudes alimentaires en rejetant une norme sociale répandue, admise et pratiquée par la majorité, à savoir l'inclusion d'aliments provenant d'ani- maux ainsi que leurs dérivés dans leur alimentation [7]. Plu- sieurs degrés de restriction alimentaire s'observent dans le végétarisme avec comme point commun le refus de consommer de la viande rouge [8]. Le régime ovo-lacto-végétarien exclut la viande et inclut tout autre aliment d'origine animale, tels que le miel, les œufs, le poisson ainsi que les produits lactés. Ce régime se décompose en deux sous-types, le régime lacto-végétarien et le régime ovo-végétarien incluant respectivement uniquement des pro- duits à base de lait ou d'œufs [8]. Le régime végétalien exclut la totalité des produits provenant de l'exploitation animale et leurs dérivés comme le miel par exem- ple. Les végétaliens se nourrissent donc uniquement à partir d'aliments cultivés (légumes, fruits, oléagineux, légumineuses, graines). Ce mode d'alimentation peut également être associé au mouvement « végane ». Le véganisme correspond à un style de vie dénué de toute utilisation de produits animaux, tant sur le plan alimentaire que dans la vie quotidienne, excluant par exemple l'usage de cos- métiques, ou le port de vêtements ou de chaussures issus de matériaux animaux. Il s'agit davantage d'un mode de vie que d'une pratique alimentaire au sens strict du terme [9]. Parmi les alimentations les plus restrictives, on trouve le cru- divorisme (ou crudi-végétalisme) qui combine une alimentation végétalienne et l'absorption d'aliments exclusivement crus, ainsi que le fruitarisme (ou fructivorisme) qui se caractérise par une alimentation basée sur la seule consommation de fruits. can extend to a lifestyle called veganism, which is defined as the lack of use of animal products in daily life (cosmetics, clothing, materials, etc.). This diversity can be explained by individual, psychological and motivational characteristics. Main reasons reported by individuals who have undertaken this feeding method are health and ethics. We observe differences in behaviors, attitudes and reactions about animals, disgust and justification of each diet vs. others' diets especially the omnivorous diet. Végétarisme, végétalisme, véganisme : aspects motivationnels et psychologiques associés à l'alimentation sélective NUTRITION tome 45 > n89 > septembre 2016 727 Mise au point Certaines études distinguent d'autres catégories alimentaires comme le régime pesco-végétarien, qui tolère la consommation de poissons et fruits de mer, et le régime semi-végétarien qui exclut la viande rouge mais autorise la consommation d'autres produits carnés tels que la volaille, le porc et le poisson [7,8]. À ces modes d'alimentation, s'ajoute le flexitarisme qui renvoie à une certaine flexibilité de l'alimentation. En général, les flexitariens adoptent un régime alimentaire principalement de type végétarien ou végétalien, mais peuvent consommer de la viande lors d'occasions particulières (comme par exemple lors de repas de fêtes ou de sorties au restaurant). En somme, un flexitarien est un omnivore qui a réduit sa consommation de produits animaux. Dans cet article, nous nous focaliserons sur les deux régimes alimentaires les plus courants, à savoir le végétarisme et le végétalisme. Au niveau international, de récentes enquêtes indiquent des prévalences de végétariens comprises entre 1 % et 9 % (8 % des Canadiens, 3 % des Américains, 1 % à 2 % des Néo-zélandais, 3 % des Australiens, 6 % des Irlandais, 9 % des Allemands, 8,5 % des Israéliens). Une spécificité est observée en Inde où on relève 40 % de végétariens [2,10]. En France, la prévalence des végé- tariens est estimée entre 2 % et 3 %, ce qui représente 1,2 à 1,8 millions de personnes. Dans l'ensemble, peu de données épidémiologiques sont disponibles à ce jour ; pour autant quel- ques études suggèrent des prévalences d'adoption de régime végétarien en hausse, notamment dans les pays riches [11]. Quelques données épidémiologiques sont également rappor- tées spécifiquement sur le régime végétalien qui est présent chez 5 % de la population en Israël, 2 % en Angleterre et 1 % en Allemagne ainsi qu'en Australie [12]. De façon analogue à la tendance relevée pour le végétarisme, on observe une impor- tante augmentation des prévalences d'individus adoptant un régime végétalien. En effet, en 1997, on estimait que 300 000 à 500 000 Américains étaient végétaliens contre 2,5 à 6 millions en 2012, ce qui uploads/Sante/ 1-s2-0-s0755498216302019-main 1 .pdf

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  • Publié le Dec 17, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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