23 mars 2020, 14h 1 Membres du Conseil scientifique : Jean-François Delfraissy,
23 mars 2020, 14h 1 Membres du Conseil scientifique : Jean-François Delfraissy, Président Laetitia Atlani Duault, Anthropologue Daniel Benamouzig, Sociologue Lila Bouadma, Réanimatrice Simon Cauchemez, Modélisateur Franck Chauvin, Haut Conseil de la Santé Publique Pierre Louis Druais, Médecine de Ville Arnaud Fontanet, Epidémiologiste Bruno Lina, Virologue Denis Malvy, Infectiologue Yazdan Yazdanapanah, Infectiologue Correspondant Santé Publique France : Jean-Claude Desenclos La mise en œuvre du confinement a modifié profondément les comportements et la situation du pays. Le confinement est actuellement la seule stratégie réellement opérationnelle, l’alternative d’une politique de dépistage à grande échelle et d’isolement des personnes détectées n’étant pas pour l’instant réalisable à l’échelle nationale. Le confinement doit être strictement mis en œuvre et bénéficier d’une large adhésion de la population, comme ceci semble être le cas. Avis du Conseil scientifique 23 mars 2020 23 mars 2020, 14h 2 1. Prolongement du confinement Questionné par le ministre des Solidarité et de la Santé sur la reconduction du confinement au-delà des quinze premiers jours, le Conseil scientifique rappelle que cette intervention vise en premier lieu à soulager les services de réanimation français, en réduisant le nombre de formes graves nécessitant un séjour en service de réanimation. Il rappelle que les effets épidémiologiques du confinement ne peuvent être observés qu’à partir d’une durée de deux à trois semaines à partir de sa mise en œuvre. Trois semaines après le démarrage du confinement sont donc nécessaires pour obtenir une première estimation de son impact. Cela s’explique par le délai de deux à trois semaines entre l’infection d’une personne et son admission éventuelle en réanimation dans les cas les plus graves. Avant d’envisager une sortie du confinement, le gouvernement devra s’assurer que l’objectif de l’intervention est atteint. Cette décision pourra être prise sur la base d’indicateurs épidémiologiques indiquant notamment que la saturation des services hospitaliers, et des services de réanimation en particulier, est jugulée. Le gouvernement devra en outre s’assurer que les éléments d’une stratégie post-confinement sont opérationnels. Le Conseil scientifique émettra prochainement un avis sur la stratégie de « sortie du confinement ». Etant donné les incertitudes scientifiques mentionnées sur la dynamique de l’épidémie, il n’est pas encore possible d’anticiper précisément l’évolution de ces indicateurs clés, et donc de proposer une date de sortie de confinement. Le confinement durera vraisemblablement au moins six semaines à compter de sa mise en place. Pour appuyer la décision de sortie de confinement, il est important de consolider les systèmes de surveillance épidémiologique en place dans les hôpitaux. Ce recueil de données est difficile lorsque les établissements hospitaliers sont débordés. Le Conseil scientifique considère dès lors indispensable de prolonger le confinement. 2. Renforcement du confinement Questionné sur ce point par le ministre des Solidarités et de la Santé, et après en avoir délibéré au regard des éléments à sa disposition, avec une grande humilité et dans un contexte évolutif et de grande incertitude, le Conseil scientifique estime de manière consensuelle nécessaire un renforcement du confinement. S’en tenant à son rôle de conseil, il souligne que la mise en œuvre du confinement relève de mesures de police sanitaire qui incombent aux autorités publiques, y compris locales. Elles tiennent compte de l’inégale application du confinement d’une part, et de ses effets socialement différenciés, d’autre part. Ces mesures visent non seulement l’efficacité pour des raisons sanitaires mais aussi l’équité, la coopération et l’adhésion de la population, également indispensables. Observé et très largement approuvé par la grande majorité de nos concitoyens, le confinement a donné lieu à date à 92 000 contraventions pour non-respect (données 22 mars). Des organisations, notamment médicales, expriment un souhait de durcissement (référé en Conseil d’Etat, appels LE CONFINEMENT 23 mars 2020, 14h 3 solennels…), tandis que tous nos concitoyens ne sont n’est pas également sensibles aux exigences sanitaires. Des analyses multivariées du Cevipof font apparaître, à partir de données des 16 et 17 mars, des profils a priori inégalement réceptifs aux mesures de confinement parmi nos concitoyens. Ils justifient une communication plus spécifiquement orientée vers le respect du confinement, d’une part, et des messages plus variés que la seule menace de sanctions, afin de favoriser une adhésion et des changements de comportements. Le Conseil scientifique identifie deux options pour renforcer le confinement. Sans être nécessairement exclusives, elles ont des conséquences variables en termes d’efficacité et d’équité. Une première option vise à durcir les mesures de confinement en les appliquant à toute la population dans un esprit d’égalité. Cette option peut conduire à restreindre les possibilités de déplacement, de transport voire de sortie du domicile, ou l’accès à certaines activités, y compris le travail hors du domicile pour des activités non essentielles. Cette option rend de fait le confinement plus rigoureux pour la population. Rien ne garantit qu’elle parvienne à tous les effets escomptés si son application est inégale ou incomplète. Une seconde option vise à l’application stricte du confinement dans ses modalités actuelles sans en modifier les règles en vigueur à l’échelle nationale. Cette seconde option préserve la situation du plus grand nombre, et conduit les autorités publiques à renforcer l’application du confinement partout où il est insuffisamment observé. Une attention particulière pourrait cependant être portée à certaines situations locales, dont l’organisation devrait être plus clairement précisée par les mairies, qui disposent d’un pouvoir de police sanitaire. Des mesures locales pourraient être mises en place telle que l’encadrement des marchées alimentaires ou la mise en place d’un couvre-feu nocturne (22h-5h). Il doit être souligné que cette seconde option peut donner lieu à une stricte application des règles de confinement en vigueur auprès de personnes disposant de conditions d’habitat moins propices que d’autres au confinement (peu d’accès à l’air libre, surface domestique réduite, difficulté d’isolement individuel…), souvent conjuguées à des conditions sanitaires, sociales voire familiales moins favorables. L’application stricte du confinement dans ses modalités actuelles, constituant en tout état de cause une priorité, doit être conduit dans un esprit d’équité attentif à la situation des plus vulnérables. Le Conseil scientifique souligne la nécessité de mesures d’accompagnement spécifiques pour les personnes en situation de précarité ou sans domicile ainsi que pour des personnes particulièrement susceptibles de faire l’objet de discrimination, comme les gens du voyage. A cet égard, les stratégies de regroupement (type gymnase) posent d’importants risques d’émergence de nouveaux foyers de contamination et une prise en charge plus individualisée est souhaitable. En l’absence de nombreuses mesures spécifiques, la diffusion de l’épidémie parmi ces personnes pourrait être responsable d’une morbidité et d’une mortalité élevées. Le Conseil scientifique considère indispensable de renforcer les conditions dans lesquelles est mis en œuvre le confinement. 23 mars 2020, 14h 4 Le Conseil scientifique souhaite alerter sur différents aspects liés à la crise sanitaire et à la mise en œuvre du confinement. 1. Approvisionnement en matériels indispensables Après avoir alerté les autorités sur ce point dès sa création, le Conseil scientifique fait sienne les nombreuses alertes lancées par les professionnels de santé et les représentants d’autres activités essentielles à la vie de la nation à propos de la pénurie réelle ou ressentie de divers types de matériels, à commencer par les matériels de protection sanitaires indispensables dans le contexte épidémique. Dans les hôpitaux publics comme dans d’autres types de structures, sociales ou médico-sociales (établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), cliniques, groupes médicaux, médecins en exercice isolé) les difficultés logistiques pour l’approvisionnement en équipement personnel de protection (EPP), en dispositifs médicaux ou en appareil de ventilation mécanique traduisent de nombreuses difficultés, sources d’inquiétude et de colère, même si les remontées des établissements hospitaliers ne signalent pas pour le moment de ruptures de stocks. Dans les établissements de santé, ces difficultés créent une anxiété croissante chez les soignants mais aussi le personnel de l’administration. Certains hôpitaux anticipent une pénurie et mettent parfois d’eux-mêmes en œuvre des stratégies d’épargne, possiblement au détriment de la protection des soignants ou des soins aux patients (voir également avis du Haut Conseil de la Santé Publique et de l’Académie de Médecine sur l’utilisation des masques). Dans ces conditions, il semble indispensable pour les pouvoirs publics de faire preuve d’une entière transparence et de plus de clarté, afin de répondre aux questions que se posent les hôpitaux et les soignants quant aux stocks existants et à la manière dont les services seront approvisionnés. L’incertitude augmente considérablement la charge émotionnelle pour les soignants ce qui est préjudiciable à la qualité des soins réalisés. Il semble indispensable d’améliorer la visibilité des professionnels sur ce sujet, tout en insistant également sur la responsabilité de tous les acteurs de santé. Parallèlement, diverses activités essentielles à la vie de la nation, liées notamment au bon fonctionnement des infrastructures en particulier des infrastructures stratégiques et des services essentiels, à l’ordre public, à l’approvisionnement, à la distribution alimentaire ou à certains services essentiels ne sont pas encore dotées de protections sanitaires indispensables, ce qui peut potentiellement menacer la santé de ces personnes ainsi que la continuité de leurs activités. Il semble indispensable de faire ici la preuve de la même transparence et de la même clarté afin de répondre aux questions que se posent ces acteurs indispensables uploads/Sante/ avis-conseil-scientifique-23-mars-2020-2.pdf
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- Publié le Jan 27, 2022
- Catégorie Health / Santé
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