Chapitre 4 Épidémiologie Jean Bouyer, Sylvaine Cordier, Patrick Levallois La ré

Chapitre 4 Épidémiologie Jean Bouyer, Sylvaine Cordier, Patrick Levallois La référence bibliographique de ce document se lit comme suit: Bouyer J, Cordier S, Levallois P (2003) Épidémiologie. In : Environnement et santé publique - Fondements et pratiques, pp.89-118. Gérin M, Gosselin P, Cordier S, Viau C, Quénel P, Dewailly É, rédacteurs. Edisem / Tec & Doc, Acton Vale / Paris Note : Ce manuel a été publié en 2003. Les connaissances ont pu évoluer de façon importante depuis sa publication. Chapitre 4 Épidémiologie Jean Bouyer, Sylvaine Cordier, Patrick Levallois 1. Introduction 2. Domaine de l'épidémiologie 3. Mesures utilisées en épidémiologie 3.1 Prévalence 3.2 Taux d'incidence 3.3 Risque cumulé de maladie (ou incidence cumulée) 3.4 Mesures d'association 4. Types d'enquêtes épidémiologiques 4.1 Études expérimentales 4.2 Enquêtes descriptives 4.3 Enquêtes étiologiques 5. Validité et précision 5.1 Introduction 5.2 Biais de sélection 5.3 Biais de classement 5.4 Facteurs de confusion 6. Analyse des données 6.1 Estimation et tests 6.2 Analyse 7. Interprétation des résultats. Causalité 7.1 Jugement de signification 7.2 Jugement de causalité 7.3 Critères de causalité 8. Conclusion 90 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE 1. INTRODUCTION L'épidémiologie est une des disciplines qui con- courent de façon importante aux progrès des connaissances en santé environnementale et en santé au travail. Son atout majeur est d'étudier les relations entre environnement et santé à un niveau global. Cette globalisation est faite selon deux «dimensions». En premier lieu, les résultats des études épidémiologiques portent sur des groupes de sujets, définis par exemple par leur exposition à telle ou telle condition environ- nementale ou de travail. Ce niveau d'analyse permet de dégager des moyennes et des ten- dances stables que l'observation individuelle ne rend pas perceptibles en raison de la variabilité importante entre les individus, qu'elle soit d'o- rigine «biologique» ou qu'elle résulte de condi- tions d'exposition variables. Le second niveau de globalisation se situe au sein de l'individu lui- même. L'épidémiologie ne cherche pas à étudier ni à définir les mécanismes d'action des exposi- tions sur l'organisme humain. Elle mesure leur effet «intégratif» par la survenue de pathologies ou, de façon plus générale, d'événements de santé. C'est le côté «boîte noire» de l'épidémio- logie qui a été beaucoup débattu (Savitz, 1994; Skrabanek, 1994), et dont on voit bien les l i - mites, mais aussi les avantages puisqu'à la fois il masque la connaissance des mécanismes biologiques fins et la rend non indispensable à la progression des connaissances des effets de l'en- vironnement sur l'Homme. L'épidémiologie n'est bien sûr pas seule et, comme dans la plupart des domaines scien- tifiques, les avancées en santé environnementale ont été et seront le fruit des résultats conjoints de plusieurs disciplines. C'est ainsi que la toxi- cologie apporte les «preuves» expérimentales de la nocivité de certaines substances que l'épidémiologie ne peut pas donner, mais elle les apporte sur l'animal ou dans des conditions «idéales», souvent éloignées de la réalité des expositions humaines. À l'inverse, l'épidémiolo- gie est proche des conditions réelles d'exposi- tion, mais a parfois du mal à séparer les effets d'expositions survenant de façon conjointe. Ce chapitre présente les méthodes épidémio- logiques en mettant l'accent sur les mesures uti- lisées en épidémiologie et les principaux types d'étude. Il permettra aussi d'aborder succincte- ment les principes de l'analyse des données épidémiologiques et de leur interprétation. Il devrait permettre de comprendre les résultats des études épidémiologiques en ayant un regard critique sur leur méthodologie. 2. DOMAINE DE L'ÉPIDÉMIOLOGIE L'épidémiologie est une discipline plutôt récente. Son champ d'intérêt s'accroît d'années en années, et sa méthodologie est encore en pleine évolution. Même si on a coutume de rappeler que déjà Hippocrate 400 ans avant Jésus-Christ s'intéressait aux déterminants de la maladie, nous devons reconnaître que l'épidé- miologie comme science a commencé à voir le jour au X I X e siècle (en particulier en Angleterre et en France) et qu'elle s'est véritablement développée au XX e siècle en particulier, et de plus en plus à l'aide des statisticiens et de la révolution informatique. L'épidémiologie est classiquement définie comme l'étude de la distribution des maladies et de leurs déterminants dans les populations humaines (Bouyer et coll., 1993; Rothman et coll., 1998). Cependant, son champ s'est rapi- dement étendu pour couvrir l'étiologie de l'ensemble des problèmes de santé ainsi que leur contrôle (Last, 1983). Les définitions mo- dernes de l'épidémiologie incluent même l'éva- luation des interventions et le support aux poli- tiques de santé. Cependant, dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur sa définition pri- maire, soit l'étude de l'apparition de la maladie dans les populations humaines et son apport à l'évaluation des risques environnementaux. 3. MESURES UTILISÉES EN ÉPIDÉMIOLOGIE La définition de l'épidémiologie montre qu'il faut s'intéresser à deux types de mesures. D'une part, celles qui permettent de caractériser la dis- tribution des maladies; il s'agit des mesures de risque et d'incidence (nous verrons la préva- lence, le taux d'incidence et le risque cumulé). D'autre part, celles qui permettent de quantifier le lien entre une exposition et la maladie; il s'agit des mesures d'association (nous verrons princi- palement le risque relatif et l'odds ratio). Les mesures qui caractérisent la distribution des maladies englobent des mesures de risque au sens strict, c'est-à-dire les probabilités d'être ou de devenir malade, et les mesures d'incidence ÉPIDÉMIOLOGIE 91 qui indiquent la «vitesse d'apparition» des cas de maladie (pour le taux d'incidence) ou de décès (pour le taux de mortalité). Une probabilité est un nombre sans unité de mesure, compris entre 0 et 1, alors qu'un taux d'incidence est pourvu d'une unité et peut être supérieur à 1. 3.1 Prévalence La façon la plus «naturelle» de mesurer la fréquence d'une maladie dans une population est de calculer la proportion de malades présents dans la population à un instant donné. Cette mesure est dénommée la prévalence, notée P, et définie par où M est le nombre de malades et N le nombre total de sujets (malades et non malades) de la population. La prévalence intègre deux dimensions dif- férentes de la fréquence de la maladie. D'une part, la durée de maladie (ou, du moins, la durée de la présence d'un malade dans la popu- lation). D'autre part, la «vitesse d'apparition» de nouveaux cas de maladie au sein de la popula- tion (c'est-à-dire le taux d'incidence qui est défi- ni plus bas). La prévalence est surtout utile en santé publique lorsqu'on s'intéresse à la planification des ressources de santé nécessaires dans une population. En recherche étiologique, cet indice est rarement utilisé, sauf dans quelques domaines particuliers, comme la périnatalité, ou dans le cas de pathologies fréquentes et sous- diagnostiquées (la dépression, par exemple). L'estimation de la prévalence sur un échantil- lon est notée p0, et l'intervalle de confiance cor- respondant est, lorsque la taille n de l'échantil- lon est assez grande, * 3.2 Taux d'incidence Par définition, le taux d'incidence (TI) de la maladie est la «vitesse de production» de nou- veaux cas au cours d'un intervalle de temps. Il est égal au nombre de nouveaux cas survenus dans cet intervalle de temps divisé par la taille de la population à risque. La «taille» de la popula- tion se mesure en «personnes-temps». Il s'agit de la somme des durées, cumulées sur l'ensemble de la population à l'étude et sur l'ensemble de la durée de suivi, pendant laquelle les sujets sont susceptibles d'être enregistrés comme de nou- veaux cas. La population peut être ouverte, c'est-à-dire que des sujets peuvent y entrer ou en sortir au cours de la période de suivi. Dans ce cas, les durées cumulées correspondent aux périodes où le sujet est présent dans la popula- tion. L'unité de mesure la plus fréquente en épidémiologie est la personne-année, au point que le terme «personnes-années» est souvent employé comme terme générique à la place de «personnes-temps». Cependant, si l'unité de mesure du temps est le mois, la semaine ou le jour, on peut être amené à compter en person- nes — mois — semaines ou jours. La définition formelle du taux d'incidence est où m est le nombre de nouveaux cas pendant la période [t, t+Dt[ et PA le nombre de personnes-années cumulé sur la période [t, t+Dt[. Le taux d'incidence n'est pas une proba- bilité. En particulier, on exprime sa valeur en nombre de cas par personnes-temps. Par exem- ple, si l'unité de temps est l'année, TI = 10-4 se lit 1 cas pour 10 000 personnes-années (ou 10 cas pour 100 000 personnes-années). Lorsqu'on estime le taux d'incidence sur un échantillon, son intervalle de confiance est donné par : La plupart des calculs concernant le taux d'incidence sont sous-tendus, sur le plan mathé- matique, par l'existence d'une variable T qui mesure la date de survenue de l'événement étudiée (par exemple, la maladie ou le décès), et par la notion d'incidence instantanée (notée l(t)) qui lui est associée. La variable T a la pro- priété d'être «censurée» pour certains sujets, ceux pour lesquels l'événement n'est pas survenu pendant la période de suivi et pour lesquels la seule information est que T est supérieure à leur durée de suivi. Ces notions uploads/Sante/ 10chap04-pdf 1 .pdf

  • 30
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 16, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.0535MB