26 | La Lettre du Rhumatologue • N° 346 - novembre 2008 mise au point Les antia
26 | La Lettre du Rhumatologue • N° 346 - novembre 2008 mise au point Les antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) Slow acting drugs X. Chevalier*, P. Richette** * Service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil. ** Fédération de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Paris. L a prise en charge de l’arthrose additionne des moyens non médicamenteux à une prise en charge pharmacologique. En l’absence de trai tement ayant véritablement montré une capacité à ralentir la maladie arthrosique, les traitements médicamenteux sont principalement ciblés sur la diminution de la douleur et l’amélioration de la fonction. Les traitements médicamenteux sympto matiques de première intention dans la gonarthrose et la coxarthrose sont le paracétamol et les AINS (1) tels qu’ils figurent dans les recommandations inter nationales les plus récentes. D’autres médicaments oraux peuvent être utilisés dans la pathologie arthro sique : ce sont les antiarthrosiques symptomatiques à action lente (AASAL), pour lesquels une modeste efficacité symptomatique rémanente après un délai d’action de plusieurs semaines a le plus souvent été démontrée. En plus d’un effet symptomatique permettant une diminution de la douleur et une amélioration de la fonction articulaire, cette classe thérapeutique revendique un effet structuromo dulateur. Les différentes molécules Sont classés dans la catégorie des AASAL des médica ments de natures très différentes : les insaponifiables de soja et d’avocat (ISA) [Piasclédine®], la diacéréine (Art 50®, Zondar®), la chondroïtine sulfate (CS) [Chondrosulf®, Structum®] et la glucosamine sulfate (GS) [Dona®]. Certains, comme la glucosamine et quelques chondroïtines, ont le statut de nutriments et sont en vente libre aux États-Unis. Nous mettrons à part les acides hyaluroniques et la doxycycline, qui ne font pas partie de cette revue. Tous les médica ments cités ci-dessus sont disponibles en France. La glucosamine a obtenu récemment une autorisation européenne. Études in vitro et in vivo chez l’animal Des arguments solides fondés sur de nombreuses études in vitro montrent un effet bénéfique de cette classe thérapeutique. Schématiquement, les AASAL ont montré in vitro leur capacité à la fois à augmenter l’expression de gènes codant pour certaines protéines matricielles du cartilage et à diminuer la dégradation de la matrice extracellulaire par des mécanismes divers. L’effet anabolique porte principalement sur la synthèse des protéoglycanes (PG) et a été en parti culier bien démontré avec les chondroïtines et la glucosamine qui entre dans la composition des glyco saminoglycanes du cartilage (figure 1) [2]. L’effet anabolique peut être le fait d’une augmentation de la production de certains facteurs de croissance. Les extraits de soja ainsi que la diacéréine augmentent l’expression du TGFβ, qui est un puissant facteur anabolique pour le chondrocyte (3). Les AASAL ont également démontré une activité anti catabolique portant sur l’expression des cytokines pro-inflammatoires et des enzymes. Ainsi, la diacé réine diminue la sécrétion d’IL-1β et la production de monoxyde d’azote induite par cette cytokine (4). Le mécanisme d’action de la diacéréine passerait par une inhibition des facteurs de transcription induite par l’IL-1β (5). La glucosamine et les chondroïtines ont également démontré leur capacité à contrecarrer les effets procataboliques de l’IL-1β (6). Figure 1. Effet in vitro de GS. Synthèse des PG : + 28-150 % Glycosylation SP1 GLNt Expression gène agrécane Synthèse des GAG Diminution de MMP-3 et des agrécanases du NF-κB Prévient l’effet de l’IL-1 GAG : glycosaminoglycanes ; SP1 : facteur de transcription ; GLNt : glycuronyl-transférase ; PG : protéoglycane. Effet antiradicalaire GS : 10 μmol La Lettre du Rhumatologue • N° 346 - novembre 2008 | 27 Points forts Mots-clés Arthrose Antiarthrosiques Chondroprotection diacéréine Chondroïtine sulfate Glucosamine Insaponifiable de soja Keywords Osteoarthritis Slow acting drugs Diacerhein Chondroïtin sulfate Glucosamin Soja and avocado extracts Les antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) sont des traitements qui ont montré une efficacité » » symptomatique supérieure au placebo dans des études contrôlées et randomisées concernant la gonarthrose ou la coxarthrose. Ils semblent capables de diminuer la douleur, d’améliorer la fonction articulaire et peut-être de diminuer la consom » » mation d’AINS. Cet effet antalgique est généralement différé après un délai de 1 à 2 mois et semble rémanent pendant les 4 à » » 6 semaines qui suivent l’arrêt du traitement. En dehors de la diacéréine , fréquemment responsable de diarrhées, ces molécules sont remarquablement bien tolé » » rées. Le rapport bénéfice/risque favorable de ces molécules a permis de les retenir dans différentes recommandations internationales portant sur la prise en charge de la gonarthrose et de la coxarthrose. En plus d’un effet symptomatique, plusieurs études suggèrent un effet modeste de protection vis-à-vis de la chon » » drolyse, dont la pertinence clinique reste à démontrer. Certains mécanismes d’action nouveaux se font jour. Ainsi, la glucosamine peut interférer avec les mécanismes de peroxydation des protéines et des lipides, ce qui pourrait diminuer la dégradation de molécules comme le collagène de type 2 (7). Les CS augmentent ainsi la synthèse d’ATP et protègent les mitochondries contre des phénomènes de dépolari sation membranaire à l’origine de l’apoptose de la cellule induite par le TNFα (8). Classiquement, ces molécules n’inhibent pas les voies de synthèse des différentes prostaglandines, ce qui les différencie sur ce point des AINS. Pour autant, il a été récemment montré que la GS pouvait interférer spécifiquement (sans effet sur la cyclo- oxygénase de type 1) avec la glycosylation de la COX-2 et sa dégradation par le protéasome, avec pour conséquence une diminution de production de PGE2 (9). L’association des deux molécules pour rait avoir un effet additif. Ainsi, sur des explants de cartilage bovin stimulés par l’IL-1β, l’association glucosamine/chondroïtine entraîne une diminu tion significative de l’expression des facteurs pro- inflammatoires (COX-2, PGE2, NF-kB, NO) et des enzymes telles que les agrécanases et la MMP-3 (10). L’interprétation de ces études in vitro doit être très prudente : les résultats peuvent en effet varier consi dérablement selon le type de cellules, leur mode de culture et la concentration du médicament testé. Ainsi, à des doses micromolaires, la glucosamine a un effet globalement positif, alors qu’à des concen trations millimolaires, elle peut entraîner la mort des chondrocytes par apoptose (11). In vivo, dans différents modèles d’arthrose expé rimentale chez l’animal, la CS, la diacéréine et les ISA et, à un degré moindre, la glucosamine en intra-articulaire ont montré leur capacité à dimi nuer la perte en protéoglycanes et l’extension des lésions histologiques d’arthrose (12, 13). De façon plus originale, ces médicaments pourraient cibler d’autres tissus comme l’os sous-chondral. C’est ce que suggère une étude récente avec la GS, qui montre un ralentissement du remodelage de l’os sous-chondral dans un modèle d’arthrose induite par section du ligament croisé chez le lapin (14). L’interprétation de ces données in vivo chez l’animal doit rester également prudente, car les modèles expérimentaux d’arthrose chez l’animal diffèrent les uns des autres et la progression relativement rapide des lésions d’arthrose s’éloigne de celle qui est observée chez l’homme. Il n’est donc pas inutile de rappeler qu’aucun des effets observés in vitro ou in vivo chez l’animal avec ces différents médicaments ne permet d’affirmer un effet symptomatique ou structural in vivo chez l’homme. Pharmacocinétique Il est important de vérifier que les concentrations obtenues in vivo chez l’homme sont compatibles avec les effets observés in vitro. Ces mesures ne sont pas toujours aisées et, en général, l’absorption intestinale de ces produits est médiocre. Ainsi, la très faible absorption intestinale des glucosamines (< 10 % de la dose ingérée) explique les taux sériques bas après une dose charge, la Cmax à 2 heures étant de 0,12 ± 0,06 mg/ dl après ingestion de 1 500 mg de GS chez le volontaire, ce qui représente moins de 2 % de la dose ingérée (15). Chez des volontaires sains (n = 12), après la prise orale de GS à la dose de 1 500 mg per os pendant 3 jours, le pic plasmatique est multiplié par 30 et atteint la concentration de 30 mM (15). Une étude récente portant sur 5 patients ayant une gonarthrose a montré que, après 14 jours de GS (1 500 mg/ jour), les taux de glucosamine passent de 39 ng/ ml avant traitement à 1 400 ng/ ml après le traitement (7,9 μM ± 3,9) dans le plasma, et de 28 | La Lettre du Rhumatologue • N° 346 - novembre 2008 Les antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL) mise au point 151 ng/ ml à 1 291 ng/ ml (7,2 μM ± 3,2) dans le liquide synovial (× 10) [16]. Ces concentrations circulantes sont compatibles avec celles qui sont utilisées in vitro. Le problème est encore plus complexe pour les CS, où les molécules sont dépolymérisées dans la circulation sanguine. De plus, le dosage sérique des CS circulants peut être modifié par la libéra tion de protéoglycanes des plaquettes. Entre 5 et 10 % des CS ingérées sont absorbées. Le taux de base varie seulement de 5 à 10 μg après absorp tion d’une dose unique et ce taux ne semble pas influencé par une prise au long cours de 1 200 mg de CS (17). La rhéine est dosable dans le liquide synovial à la concentration de 1 à uploads/Sante/ anti-arthrose.pdf
Documents similaires










-
40
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 15, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.6912MB