Médecine du sommeil (2012) 9, 93—100 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.
Médecine du sommeil (2012) 9, 93—100 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Le mazindol : une alternative dans le traitement des troubles de l’éveil et du maintien de l’attention ? Mazindol: An alternative in the treatment of awakening disorders and attention deficit? É. Konofal a,∗,b,c, M. Lecendreux a,c, E. Jacqz-Aigrain c, I. Arnulf b a Centre pédiatrique des pathologies du sommeil, centre de référence national narcolepsie et hypersomnies, hôpital Robert-Debré, AP—HP , 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France b Inserm U975, Unité des pathologies du sommeil, centre de référence national narcolepsie et hypersomnies, hôpital Pitié-Salpêtrière, AP—HP , 75013 Paris, France c Centre d’investigation clinique (CIC 9202), département pharmacologie clinique et pharmacogénétique, hôpital Robert-Debré, AP—HP , 75019 Paris, France Rec ¸u le 16 septembre 2011 ; accepté le 24 janvier 2012 Disponible sur Internet le 20 mars 2012 MOTS CLÉS Mazindol ; Trouble déficit de l’attention hyperactivité ; Narcolepsie ; Stimulant de l’éveil Résumé Le mazindol est un stimulant du système nerveux central qui est longtemps resté dans l’ombre de l’amphétamine et de ses apparentés. Au retrait de ces derniers, le mazindol ne s’est pas imposé. Quand le modafinil, après des essais cliniques contrôlés, a obtenu l’indication dans le traitement de la narcolepsie, le mazindol a alors perdu toute possibilité de développe- ment. La revue de la littérature sur les effets du mazindol à doses thérapeutiques (1—6 mg/j) dans le traitement de la somnolence diurne excessive et des cataplexies des patients narcolep- tiques montre un profil d’efficacité clair de cette molécule, un risque d’abus inexistant et la survenue rarissime d’effets indésirables sévères, y compris après une exposition à long terme. Il n’en demeure pas moins que le mazindol souffre d’une connaissance limitée de son usage et de son intérêt en pratique clinique. À l’heure où l’appauvrissement des options pharmaco- thérapeutiques s’étend aux affections rares chez l’adulte, est-il possible de nous pencher sur cette molécule dont les effets bénéfiques pourraient être étendus aux troubles du maintien de l’attention chez l’enfant ? © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Mazindol; ADHD; Summary Mazindol is a non-amphetamine central nervous system stimulant. When the amphetamines were withdrawn, mazindol did not dominate the drug landscape in narcolepsy. When modafinil was registred for primary hypersomnias (e.g. narcolepsy), mazindol definitely lost any opportunity to be indicated for hypersomnias, despite clinical studies showing its safety ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : eric.konofal@rdb.aphp.fr (É. Konofal). 1769-4493/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.msom.2012.01.005 94 É. Konofal et al. Narcolepsy; Wake-prototing agent and benefit. The review of the literature about the effects of mazindol at therapeutic doses (1—6 mg/d) confirms its clear efficacy profile in the treatment of excessive daytime sleepiness and cataplexy, with no potential for abuse, no withdrawal syndrome, and rare serious adverse events, even after a long-term exposure. The fact remains that mazindol suffers from limi- ted knowledge of its use and interest in clinical practice. At a time when the depletion of pharmacotherapeutic options extends to orphan diseases in adults, is it possible to consider its therapeutic benefit as extended to attention disorders in children? © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Historique : le mazindol, un rendez-vous manqué ? Le mazindol (Téronac®, Sanorex®) est un composé original découvert en 1967 par les laboratoires Sandoz (deve- nus Ciba-Geigy puis Novartis) [1]. Positionné initialement comme un anorexigène, il suscita très vite un intérêt pour son avantage de ne pas être une amphétamine. En effet, sa structure tricyclique (Fig. 1) offre un profil pharma- cologique très voisin de celui des amphétaminiques sans en reproduire les effets secondaires. Il a donc été pro- posé comme anorexigène chez des sujets jeunes, obèses et à risque cardiovasculaire élevé avec hypertension arté- rielle [2]. Une étude multicentrique en ouvert, menée en Irlande chez 274 enfants et adolescents présentant une obé- sité morbide, montra déjà une efficacité certaine sur la réduction de l’appétit associée à une diminution du poids significative, sans les effets indésirables notoires considérés jusqu’alors comme indissociables des propriétés inhérentes aux composés amphétaminiques [3—5]. Ultérieurement, d’autres auteurs confirmèrent la bonne tolérance du mazin- dol chez l’adulte, et notamment l’absence d’effets de cette molécule sur l’humeur ou l’anxiété, ou d’effets euphorisants qui sont couramment rencontrés avec les amphétamines [6,7]. De même, bien que recherchée, aucune accoutu- mance n’a été décrite chez l’enfant [3]. Malgré un rapport bénéfice—risque avantageux et l’extrême rareté d’effets cardiovasculaires péjoratifs ainsi que de dépendance psy- chique, le mazindol semble avoir été développé « trop tôt » pour venir se substituer aux amphétaminiques et « trop tard » pour venir s’imposer dans les prescriptions [8,9]. Figure 1. Formule chimique du mazindol : 5-(4-chlorophényl)- 2,5-dihydro-3 H-imidazo [2,1-a]isoindol-5-ol. Quelles cibles thérapeutiques pour le mazindol ? Le mazindol semble avoir été développé initialement comme « coupe-faim », mais aussi comme antidépresseur dans l’obésité [1,2,5]. Son rôle thérapeutique sur les voies dopaminergiques et noradrénergiques impliquées dans les dysfonctionnements des mécanismes de l’éveil et de la régulation de satiété a suscité des recherches cliniques dans la narcolepsie [10]. À la suite de ce travail qui démontrait une efficacité du mazindol (3—8 mg/j) sur la vigilance comparable à celle des amphétamines, avec des effets secondaires très modestes obtenus chez des adultes présentant une narcolepsie—cataplexie, le mazin- dol laissa entrevoir, quelque temps encore, des perspectives encourageantes en termes de développement clinique. À l’instar d’opportunités réservées au mazindol, la place donnée au développement d’une autre molécule arrivant dans le champ des investigations dès la fin des années 1970, le modafinil, abrégea définitivement son chemine- ment pharmaco-industriel vers la mise sur le marché [1]. En France, c’est uniquement par la voie de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative qu’il peut être indiqué dans le traitement de l’obésité et la narcolepsie, et ce après l’échec des traitements classiques, notam- ment pour la narcolepsie après échec du méthylphénidate (Ritaline®, Concerta®, Quasym®), du modafinil (Modiodal®) et de l’oxybate de sodium (Xyrem®). Dès les premières investigations cliniques, plusieurs questions se sont posées, en particulier celles concernant son potentiel d’action, et donc ses propriétés pharma- cologiques (cinétique, dynamiques), ainsi que ses cibles thérapeutiques potentielles [2]. Mécanisme pharmacologique Pharmacocinétique Après administration orale unique ou répétée, le mazin- dol est absorbé avec un Tmax de 2—4 heures. La prise concomitante d’alimentation est susceptible de retarder (d’environ une heure) l’absorption mais ne modifie pas la quantité totale absorbée. La demi-vie plasmatique varie entre 33 et 55 heures. La durée moyenne d’action du mazin- dol se situe entre huit et 15 heures pour une dose unique de 1,0 à 2,0 mg/j, ce qui correspond à des taux plasmatiques de 3 à 12 ng/mL. Au-dessous de 3 ng/mL (0,5 mg/j), l’effet thé- rapeutique sur l’éveil n’est pas manifeste [11]. Il n’existe Le mazindol dans le traitement des troubles de l’éveil et du maintien de l’attention ? 95 pas d’étude pharmacocinétique chez l’enfant publiée à ce jour. Chez l’adulte, la pharmacocinétique du mazindol est linéaire (indépendamment de la dose) pour des doses comprises entre 1 et 4 mg/j, avec une activité plasmatique encore mesurable 24 heures après la prise. Le métabolisme principal du mazindol est urinaire : le produit est éliminé pour trois quarts dans les urines et pour un quart dans les selles. La biotransformation du mazindol chez l’adulte donne lieu à de nombreux métabolites. En particulier, son hydroxylation (50—80 %) conduit au 2-(2-Aminoéthyl)- 3-(p-chlorophenyl)-3-hydroxyphthalimidine (Met) qui est le principal métabolite du mazindol. Le Met est dosable dans le plasma à partir de six heures et ce jusqu’à 24 heures après la prise [12]. Pharmacodynamique Le mécanisme d’action du mazindol reste encore aujourd’hui imparfaitement connu. Néanmoins, son action centrale réductrice de l’appétit et de la sensation de fatigue, ainsi que stimulante de la vigilance (avec une diminution des besoins de sommeil), de la locomotion et de la prise de parole (logorrhée) suggère un profil d’action catécholaminergique (notamment dopaminergique et noradrénergique). L’action pharmacologique essentielle du mazindol, chez l’animal comme chez l’homme, semble hypothalamique et privilégierait les centres dopaminer- giques régulateurs de l’appétit [1,13] et les systèmes du maintien de l’éveil [14,15]. Les études ont montré que le mazindol agissait, in vitro et in vivo, comme un inhibiteur de recapture de la dopamine et de la noradrénaline mais, à la différence de l’amphétamine et du méthylphénidate, avec une action plus sélective sur le transporteur de la noradrénaline que sur celui de la dopa- mine. De plus, ses constantes de dissociations pour ces deux neuromédiateurs lui confèrent un profil pharmacothé- rapeutique moins psychostimulant que l’amphétamine ou le méthylphénidate et potentiellement un intérêt thérapeu- tique dans le sevrage à certaines drogues psychostimulantes noradrénergiques et dopaminergiques (cocaïne) [16—18]. Expériences cliniques du mazindol dans la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique Le mazindol a fait l’objet depuis plus de 30 ans d’études contrôlées en double insu et contre placebo dans le trai- tement de l’obésité chez l’adulte. En revanche, les études dans le traitement de la narcolepsie et de l’hypersomnie sont limitées en nombre. Au total, quelques 75 adultes (17—60 ans) ont été inclus dans des protocoles d’essais cliniques randomisés et dans des séries cliniques avec trai- tement uploads/Sante/2012-le-mazindol-une-alternative-dans-le-traitement-des-troubles-de-l-x27-eveil-et-du-maintien-de-l-x27-attention.pdf
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- Publié le Jan 07, 2021
- Catégorie Health / Santé
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