Jean-Robert Armogathe Conférence de M. Jean-Robert Armogathe In: École pratique

Jean-Robert Armogathe Conférence de M. Jean-Robert Armogathe In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 111, 2002-2003. 2002. pp. 339-344. Citer ce document / Cite this document : Armogathe Jean-Robert. Conférence de M. Jean-Robert Armogathe. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 111, 2002-2003. 2002. pp. 339-344. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_2002_num_115_111_12134 Histoire des idées religieuses et scientifiques dans l'Europe moderne Conférences de M. Jean-Robert Armogathe Directeur d'études I. Atomisme et eucharistie : l'enquête du Saint-Office en 1671-1673 d'après des documents inédits La poursuite de nos recherches dans les Archives de la Congrégation pour la doctrine de la foi (ACDF) a fourni la matière de notre première conférence, à partir d'un épais dossier du Saint-Office sur la question eucharistique (St. St. 03-f)- En 1663, les documents (publiés et annotés avec Vincent Carraud, « La première condamnation des Œuvres de Descartes, d'après des documents inédits aux Archives du Saint-Office », Nouvelles de la République des lettres (Naples), 2001-H, p. 103-137) avaient permis la mise à l'Index de Descartes sur des bases métaphysiques (et cosmologiques). En 1671, c'est la physique qui est en cause, dénoncée par le père jésuite Honoré Fabri (1607-1688) comme contraire à l'explication physique traditionnelle de la transsubstantiation eucharistique. La machine administrat ive se met en route : recherche historique (on exhume les archives d'une précédente affaire de physique eucharistique, celle du sicilien Giuseppe Balli conclue par un non-lieu en 1629, et celle de son disciple Giovanni Battista Chiavetta conclue par une mise à l'Index en 1655), enquêtes à Paris et à Louvain par les nonciatures, jugements et qualifications doctrinales par des experts. Une partie de cet abondant dossier doit paraître en anglais dans Réceptions of cartesianism, Tad SCHMALZ (éd.), Routledge, 2004. L'examen des pièces (et en particulier d'un long votum du théologien franciscain Lorenzo de Laurea, en 1673) a permis de comprendre comment la physique de Descartes a pu être perçue comme atomistique. Atomisme et corpuscularisme sont des théories différentes (voir le recueil Late Médiéval and Early Modem Corpuscular Matter Théories, Chr. LOTHY et alii éd., Leyde, 2001 et les travaux d'Antonio Clericuzio), mais même si Descartes a explicitement rejeté les atomes (Principia II, § 20) et la physique de Démocrite (IV, § 202), ses particulae ont été comprises comme des sortes d'atomes. C'est ainsi que son ancien correspondant de Louvain, le docteur Plempius, l'accuse, dans une lettre à ses collègues, datée du 21 décembre 1652 (publiée dans la 3e édition, Louvain, 1654, des Fundamenta medicinaé) de renouveler la philosophie de Démocrite. Cette ambiguïté se généralise dès la fin de la vie de Descartes (1650) et dans la décennie qui suivit sa mort (voir l'excellent article de Sophie Roux « Descartes atomiste ? », dans E. FESTA et R. GATTO éd., Atomismo e continuo nel XVII secolo, Naples, 2000, p. 21 1-273). Elle ne conduisit pas cependant à une décision doctrinale le Saint-Office, qui, peut-être instruit par l'affaire Galilée, répugnait à entrer dans les matières de « philosophie » (c'est-à-dire de philosophie naturelle). Annuaire EPHE, Section des sciences religieuses, t. 1 11 (2002-2003) 340 Histoire des idées religieuses et scientifiquesdans l 'Europe moderne Les enjeux s'étaient en effet déplacés depuis la condamnation de 1663, avec une décision de l'Inquisition romaine, communiquée le 2 octobre 1673. Il s'agissait là d'une procédure disciplinaire, et non pas d'une décision doctrinale. D'une part, elle ne pouvait s'appliquer que dans le domaine géographique où l'Inquisition romaine était reçue, c'est-à-dire à peu près les Etats pontificaux, et d'autre part, cette mesure réglementaire visait à refuser l'approbation d'imprimer aux auteurs niant la réalité des accidents et favorisant l'atomisme. Les instructions données étaient claires : il fallait interdire toute publication enseignant que « les composés substantiels ne sont pas composés de matière et de forme, mais de corpuscules ou atomes ». Cette mesure est intéressante à un double titre : d'une part, elle sera invoquée pour justifier la condamnation doctrinale de l'atomisme, d'autre part elle démontre la faiblesse même d'une telle condamnation, qui n'ayant pas été obtenue par un jugement théologique, se trouve enforcée dans une mesure réglementaire, en interdisant la publication de livres contenant ces thèses, ce qui n'en interdisait pour autant ni l'enseignement ni la diffusion manuscrite. Parmi les éléments découverts, nous avons retenu deux cas particuliers : celui de Francesco Pisolini, qui voulait en 1673 publier une Physica antiperipatetica et qui soumit son manuscrit à la Congrégation (l'impression fut interdite) et celui d'Andréa Pissini. Ce religieux bénédictin (olivétain) avait commencé à publier sa Naturalium doctrina à Augsbourg en 1673 (après avoir essuyé les refus des Inquisiteurs de Padoue et de Venise). Le Saint-Office reprit dans l'édition de 1675 la proposition suivante : « il suffit à la foi (de fidé) que les espèces (eucharistiques) soient tenues pour une pure apparence, image et similitude du pain et du vin », ce qui revenait à nier la réalité des accidents. Condamné le 22 août 1675 dans une Congrégation générale en présence du pape, Pissini a publié une rétractation détaillée en italien. Bien qu'il ne soutienne pas directement de théorie atomistique, sa condamnation intervient dans le contexte indiqué, avec le souci doctrinal d'une réalité physique du sacrement, incluant celle des accidents. Les années considérées attestent la vigueur et la diffusion du cartésianisme en Flandres et en Italie. La vigilance romaine est justifiée par le déplacement de l'inquiétude. Il ne s'agit plus désormais de métaphysique, mais de physique. En niant la réalité des accidents, la physique cartésienne semble mettre en péril le réalisme eucharistique. Elle renverse l'explication traditionnelle et celles qu'elle propose en échange paraissent soit insuffisant es soit réductrices. Les propositions d'Andréa Pissini en sont la meilleure expression. Par ailleurs, l'ambiguïté de Descartes sur la question des atomes et la facilité avec laquelle certains de ses disciples, comme Cordemoy (1620- 1684), ont adapté l'atomisme au cartésianisme expliquent cette attaque couplée contre les cartésiens et les atomistes à la fois. L'exemple le plus développé, sur lequel nous reviendrons, est la longue attaque du dominicain Antoine Goudin (1639-1695). Sa Philosophia juxta inconcussa tutissimaque Divi Thomae Dogmata, qui contient le texte du cours qu'il avait enseigné vers 1666-1669, est parue à Lyon en 1671 (2e éd. Paris, 1673). La polémique contre Descartes se trouve aux p. 20-52 du volume 2 (Primam partent Physicae complectens) de l'éd. Paris, 1685, in-16 (BNF R-9787). Après sa réfutation des Épicuriens, Goudin passe aux Cartésiens : dans une attentive lecture des Principia, il note à la fois les ressemblances et les différences entre les atomes des anciens ou de Gassendi et les éléments du monde cartésien. Jean- Robert Armogathe 341 Les enquêtes que nous venons de rappeler n'ont pas abouti à une nouvelle condamnation (il a suffi de confirmer celle de 1663), mais elles ont permis d'élargir les chefs d'accusation en motivant par les risques que la nouvelle physique faisait courir à l'explication de la transsubstantiation eucharistique (DECKER, Cartesius seipsum destruens, Louvain, 1675) une interdiction systématique du cartésianisme, condamné par l'Université d'Angers en 1675, puis par celle de Caen en 1677. IL La sainteté moderne : formes et procédures canoniques aux XVIIe et XVIII* siècles Ma conférence de 1995-1996 avait permis de montrer à mes auditeurs les schémas d'organisation mis en place par l'Église catholique pour fabriquer des saints à l'âge moderne. On peut en gros distinguer trois phases : le temps des juristes, entre 1587 (Sixte Quint confie les causes des saints à la Congrégation des rites) et 1625 (premier décret pris sous Urbain VIII), celui des historiens (d'Urbain VIII à Innocent XII), et celui des médecins (avec l'action décisive de Prosper Lambertini 1675-1758, élu pape Benoît XIV en 1740). Le dispositif est de toutes façons particulièrement lourd, ce qui explique le petit nombre de canonisations, vingt-quatre au XVIIe siècle (dont la moitié sont des saints ibériques) et vingt-neuf au XVIIIe, et sa complexité requérait la pratique de la cour romaine : sur les deux cent soixante-seize causes mises en œuvre au XVIIe siècle, cent trente-sept étaient italiennes, soixante espagnoles et neuf françaises. J'ai abordé cet aspect général dans une étude à paraître dans les Mélanges de la Casa de Velâzquez (Madrid) : « La fabrique des saints : causes espagnoles et procédures romaines d'Urbain VIII à Benoît XIV ». J'avais retenu pour cette année un aspect particulièrement important, celui des miracles et leur place dans le processus de canonisation, à partir du manuel de Benoît XIV. Une comparaison avec celui établi en 1634, après les décrets d'Urbain VIII, par Felice Contelori (Tractatus et praxis de canonizatione sanctorum, Lyon, Laurent Durand, BnF : B-6852) montre la radicale nouveauté de Lambertini, qui insiste sur la recherche et l'élimination des causes naturelles dans l'examen des miracles. De façon globale, on est frappé par l'importance de Pétiologie et de la symptomatologie des maladies à juger : on juge la maladie, non le miracle. Assisté par deux grands médecins de Bologne, Ipolito Francesco Albertini (1662-1746) et Gian Giacinto Vogli (1697-1762), Lambertini reste débiteur du grand archiatre pontifical du XVIIe siècle, Paolo Zacchia (1584-1659) dont les Quaestiones medico-legales sont remarquablement modernes par leur uploads/Sante/ armogathe-pdf.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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