Batterie d’évaluation cognitive du langage BECLA Joël Macoir, Ph.D., Catherine
Batterie d’évaluation cognitive du langage BECLA Joël Macoir, Ph.D., Catherine Jean, M.Sc. et Caroline Gauthier, M.Sc. (2015). Illustration designed by Freepik.com La Batterie d’Évaluation Cognitive du Langage (BECLA) est libre d’utilisation pour un usage clinique. Toute adaptation devra cependant faire l’objet d’une autorisation préalable par les auteurs. A cet effet, veuillez communiquer avec: Joël Macoir Université Laval Faculté de médecine Département de réadaptation Pavillon Ferdinand-Vandry 1050, Avenue de la Médecine G1V 0A6 Québec (QC) Canada joel.macoir@fmed.ulaval.ca DOI: 10.13140/RG.2.1.2077.8328 i Introduction 1 “Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la ma- tière.” – Charles Baudelaire 2 L ’évaluation des troubles acquis du langage est une des tâ- ches les plus importantes de la pratique clinique en ortho- phonie. Le premier contact avec la personne et son entou- rage se fait le plus souvent lors de la séance d’évaluation, qui constitue le point de départ de toutes les interventions cliniques. En raison de l’absence de marqueurs biologiques ou de méthodes diagnostiques simples et rapides, le repé- rage et le diagnostic orthophonique des troubles du lan- gage restent dépendants d’évaluations indirectes dont le but est d’inférer le fonctionnement linguistique de la per- sonne sur la base de sa performance dans diverses tâches et tests destinés à identifier les atteintes et domaines préser- vés. Il existe différents motifs d’évaluation du langage en clinique orthophonique. Le but principal d’un test de dépis- tage est de déterminer si la personne présente ou non un trouble du langage. Le résultat d’un tel test prend habituel- lement la forme d’un indice de «réussite» ou «d’échec», ba- sé sur un critère préétabli et permettant ensuite de propo- ser une évaluation exhaustive du langage ou encore une évaluation de suivi (follow-up). Les évaluations diagnosti- ques sont habituellement effectuées pour identifier la na- ture du problème de communication et/ou le différencier des autres troubles dans lesquels des atteintes similaires sont rencontrées (i.e. diagnostic différentiel). Un autre but important de l’évaluation est de fournir au clinicien une description complète du fonctionnement de base de la personne dans toutes les sphères de la com- munication de manière à lui permettre d’identifier les do- maines préservés ou au contraire affectés, planifier son plan d’intervention individualisé, prendre les mesures desti- nées à établir l’efficacité du traitement ou suivre les pro- grès dans le temps au moyen de réévaluations périodiques. En plus des domaines spécifiques au langage (ex., accès lexical, compréhension, production écrite), le clinicien doit aussi prendre en considération les aspects liés à la parole (ex., articulation, voix, résonance), ainsi que les fonctions et domaines associés tels que les habiletés pragmatiques, les fonctions cognitives (ex., attention, mémoire, gnosies), les émotions, la prise de conscience des troubles, etc. La sélec- tion des tests et instruments est conditionnée par les objec- tifs de l’évaluation. Le dépistage des troubles est habituelle- ment effectué à l’aide d’échelles standardisées d’administra- tion simple et rapide. L ’évaluation destinée à établir le diag- nostic orthophonique ou le diagnostic différentiel est plutôt réalisée à l’aide de tests standardisés et normés, qui peuvent également servir pour l’établissement des mesures cliniques de traitement (i.e. ligne de base, efficacité, progrès, main- tien), bien que l’utilisation de mesures spécifiques aux cibles thérapeutiques soit préférable. Le choix d’une méthode spécifique d’évaluation, la sé- lection d’un instrument ainsi que l’interprétation des résul- tats sont largement dépendants de la conception personnelle du clinicien quant au fonctionnement du langage, mais égale- ment de son adhésion à une conception théorique anatomo- clinique ou cognitive d’évaluation. Dans les conceptions ana- tomo-cliniques, les troubles du langage sont des caractéristi- ques inhérentes aux syndromes cliniques. Ces derniers sont en effet organisés et classifiés selon la présence de caractéris- tiques neurologiques et neuropathologiques (ex., détériora- tion du tissu cortical dans une aire cérébrale spécifique) et selon une sémiologie déterminée (ex., présence de déficits sensoriels et/ou moteurs, de troubles du langage, de trou- bles visuo-spatiaux, etc.). Selon cette approche, le but de l’évaluation est donc l’identification précise de «l’étiquette» diagnostique qui correspond le mieux aux déficits observés et de leur étiologie possible. Plutôt que de s’appuyer sur une conception médicale de type anatomo-clinique, les cliniciens peuvent adopter une approche cognitive d’évaluation, directement inspirée des modèles théoriques du traitement de l’information linguisti- que (ex., Denes & Pizzamiglio, 1999; Patterson & Shewell, 1987). Dans ces modèles, les fonctions du langage sont sous- tendues par des composantes de traitement, spécialisées et interconnectées au sein d’un modèle d’architecture fonction- nelle permettant de rendre compte de toutes les étapes et de toutes les voies de traitement impliquées dans les diverses habiletés linguistiques (i.e. répétition, lecture, compréhen- sion orale, etc.). À titre d’exemple, la capacité d’une personne à nom- mer oralement un objet implique la mise en oeuvre succes- sive de divers processus cognitifs, partant de l’activation des représentations conceptuelles dans la mémoire sémantique (après les étapes gnosiques de reconnaissance visuelle des objets) jusqu’à l’activation des programmes moteurs articula- toires (voir figure 1). Figure 1. Schématisation des étapes cognitives impliquées en dénomination Une évaluation basée sur cette approche cognitive con- siste en la localisation fonctionnelle des troubles par l’identi- fication des composantes de traitement altérées ou préser- vées dans chaque domaine linguistique. Cette localisation 3 est effectuée via l’administration de tests, de tâches ou de batteries d’évaluation (ex., Psycholinguistic Assessments of Language Processing in Aphasia, PALPA; Kay, Lesser & Col- theart, 1992) destinées à évaluer chaque composante et cha- que voie de traitement du modèle. Par exemple, l’évaluation des capacités de dénomination d’une personne aphasique sera effectuée par l’administration de tests explorant les com- posantes sémantique (ex., appariement d’images sur base sémantique) et lexicale (ex., jugement de rime sur présenta- tion imagée) ainsi que la mémoire tampon phonologique (ex., répétition de mots et de non-mots de diverses lon- gueurs syllabiques). Une source importante d’information relative à l’origine fonctionnelle de l’atteinte cognitive dé- coule également de l’analyse des erreurs produites. En utili- sant le même exemple, un comportement anomique (i.e. diffi- culté à trouver les mots en mémoire) pourrait résulter de di- vers déficits sous-jacents (ex., déficit dans l’activation des représentations conceptuelles en mémoire sémantique ou dans l’activation des formes phonologiques correspondantes dans le lexique de sortie), responsable de la production d’er- reurs de nature différente (i.e. paraphasie sémantique; erreur phonologique). Ainsi, l’évaluation cognitive complète du langage de- vrait permettre au clinicien de bien appréhender les atteintes linguistiques de la personne évaluée (manifestations en sur- face, déficits sous-jacents, composantes affectées et préser- vées), ainsi que d’identifier ses forces et ses faiblesses sur le plan plus général de la communication. S’il est recommandé, le traitement orthophonique portera alors sur les composan- tes de traitement affectées, dans une optique de restauration des fonctions affectées, ou visera plutôt leur réorganisation ou leur compensation via des modes alternatifs de communi- cation. En langue anglaise, il existe de nombreuses échelles de dépistage (ex., Reitan, 1991) et de nombreuses batteries d’évaluation (ex., Goodglass et al., 2001;Kertesz, 1982) des troubles acquis du langage. En ce qui concerne l’évaluation basée sur l’approche cognitive du fonctionnement linguisti- que, les cliniciens de langue anglaise peuvent utiliser la batte- rie PALPA (Kay, Lesser & Coltheart, 1992) qui comprend 60 tâches contrôlées permettant d’identifier les fonctions préser- vées ou altérées d’un individu. La cotation et l’analyse des erreurs produites dans ces tâches fournissent au clinicien un profil complet des capacités linguistiques, incluant la lecture et la production écrite, qui peuvent être interprétées selon le modèle théorique de traitement de l’information verbale. Dans d’autres langues, comme en français, l’étendue des possibilités est cependant beaucoup plus limitée. Il existe quelques tests pour effectuer un dépistage (ex., LAST- Q; Bourgeois-Marcotte, 2015) ou une évaluation complète du langage (Protocole Montréal-Toulouse d'examen linguisti- que de l'aphasie; Nespoulous et al., 1992) selon l’approche anatomo-clinique. Les cliniciens peuvent également sélec- tionner des tests explorant des capacités spécifiques, tels que le DO-80 (Deloche &Hannequin, 1997) pour la dénomina- tion d’images ou l’adaptation française du Pyramids and Plam Trees test (Howard & Patterson, 1992; Callahan et al., 2010) pour la mémoire sémantique. Cependant, il n’existe en français aucune batterie d’évaluation basée sur les modè- les de la psychologie cognitive du langage. L ’utilisation de versions adaptées de tests développés dans d’autres langues est peu recommandée, compte tenu de l’influence possible des variables psycholinguistiques (ex., fréquence lexicale, longueur) et culturelles (vocabulaire, familiarité des con- cepts) propres à chaque langue sur la performance dans les tâches administrés. A titre d’exemple, une étude récente (Ar- senault-Lapierre et al., 2011), menée auprès de personnes souffrant de déficit cognitif léger, a démontré l’importance de développer des tests et des normes adaptés à la culture de la population à laquelle ils s’adressent. La Batterie d’Évaluation Cognitive du Langage (BE- CLA) a été spécifiquement développée pour combler ce man- que d’instruments cliniques en langue française, basés sur les modèles de la psychologie cognitive du langage. Elle fera l’objet d’une description détaillée dans la prochaine section. 4 Batterie d’Évaluation Cognitive du Langage 2 “Quel est le point commun entre le visage et les mains? C'est le langage, que l'un parle et les autres écrivent.” – Amélie Nothomb 5 La Batterie uploads/Sante/ becla-batterie-d-x27-evaluation-cognitive-du-langage.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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