Cœur et grossesse P Lewy, G Leroy L ’état gravidique en présence d’une cardiopa

Cœur et grossesse P Lewy, G Leroy L ’état gravidique en présence d’une cardiopathie s’accompagne d’un risque fœtomaternel accru, conséquence directe des modifications cardiovasculaires gestationnelles, de la sévérité et de la nature de l’atteinte cardiaque. La prévalence de cette association se stabilise entre 0,4 et 4,1 %, bien qu’une variation sensible de sa distribution s’observe au profit des cardiopathies congénitales et valvulaires opérées. Des complications d’ordres hémodynamique, thrombotique, infectieux et hémorragique viennent contrarier le pronostic maternel et des troubles de croissance, des risques de prématurité, d’embryopathie, d’avortement et de récurrence malformative pèsent sur l’enfant. Leur prévention nécessite une meilleure détection et une prise en charge précoce des cardiopathies, une intervention thérapeutique optimale et une planification idéale des grossesses. C’est une collaboration pluridisciplinaire efficace conjuguée aux progrès des traitements et des outils de surveillance qui permettra de réduire le risque et d’améliorer les conditions de la grossesse. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. I Introduction La prévalence de l’association d’une cardiopathie et d’une grossesse représente 0,4 à 4,1 % des femmes en âge de procréer [5]. Ces chiffres restent stables dans les séries publiées, encore qu’une évolution à la baisse se fasse jour selon la nature de l’atteinte cardiaque. En effet, actuellement, les données épidémiologiques montrent une régression du nombre de cardiopathies rhumatismales non opérées au profit des valvulopathies corrigées. Il en va de même pour les cardiopathies congénitales dont la prise en charge et la correction sont plus précoces qu’auparavant, ce qui leur permet d’atteindre l’âge de procréation. Certaines de ces cardiopathies, peu nombreuses à ce jour, n’autorisent pas l’état gravidique en raison du risque extrême maternofœtal. Elles regroupent les myocardiopathies très évoluées avec insuffisance cardiaque classe III-IV de la NYHA (New York Heart Association), les cardiopathies malformatives symptomatiques corrigées ou non et celles présentant une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) sévère. Actuellement, la plupart des patientes porteuses d’une cardiopathie bénéficient d’une contraception provisoire qui permet de déterminer une date optimale de la grossesse pour un meilleur contrôle du risque gravidocardiaque. La stabilité thérapeutique et la tolérance de la cardiopathie sous-jacente sont les garants d’une grossesse sans encombre. Pour atteindre cet objectif, une planification et une surveillance pluridisciplinaire doivent être précocement entreprises. Nous consacrons notre réflexion aux modifica- tions cardiocirculatoires induites par la grossesse, aux risques gravidocardiaques encourus et à leurs mécanismes, conséquences, traitements respectifs. L’association d’une cardiopathie et d’une grossesse constitue un problème fréquent qui justifie une prise en charge clinique, thérapeutique et une surveillance adaptée faisant intervenir le médecin généraliste, le cardiologue et le gynéco- logue-obstétricien. I Modifications cardiocirculatoires physiologiques pendant la grossesse et le péripartum De nouvelles contraintes cardiovasculaires résultent de la grossesse et du péripartum. Elles sont à l’origine de l’instabilité clinique et hémodynamique de certaines cardiopathies [2, 5, 7]. ‚ Modifications hémodynamiques Au cours de la grossesse On observe des perturbations de l’équilibre hormonal marquées par une élévation des taux plasmatiques de progestérone et de prostaglandine E2 qui entraînent une chute des résistances systémiques. Ces hormones provoquent une vasodilatation et une augmentation de la capacité du système vasculaire périphérique. On constate conjointement une augmentation de la sécrétion d’aldostérone responsable d’une rétention hydrosodée extracellulaire. Tous ces facteurs hormonaux apparaissent dès le début de la grossesse et concourent à l’augmentation rapide de la volémie. L’élévation des volumes plasmatiques et globulaires peut, à terme, atteindre 50 % de leur valeur de base. L’équilibre hémodynamique pergravidique passe nécessairement par la majoration du débit cardiaque. On l’explique par l’inflation de la masse sanguine, la baisse des résistances périphériques, le développement placentaire réalisant un shunt périphérique entre les artérioles placentaires et les lacunes, ce qui entraîne une réduction de la différence artérioveineuse, et par un gain de contractilité myocardique œstrogénodé- pendant. L’accroissement du débit cardiaque est précoce et important, atteignant 30 % à la 12e semaine de grossesse avec un pic à 40 % vers la 24e semaine ; des chiffres hémodynamiques supérieurs de 10 à 15 % s’observent en cas de gémellité. Le débit cardiaque est modulé par des circonstances mécaniques variant selon la position des patientes. Ainsi, une élévation s’observe en décubitus latéral gauche, liée à l’absence de compression de l’utérus gravide sur la veine cave inférieure, facteur de diminution du retour veineux. Au cours du péripartum Le travail augmente le débit cardiaque et la pression artérielle. Chaque contraction utérine entraîne une chasse brutale de la circulation maternelle d’environ 300 à 500 mL de sang. À cet instant, l’élévation du débit cardiaque est en rapport avec l’augmentation du volume d’éjection systolique, alors que la fréquence cardiaque tend à diminuer. Pour atténuer les brusques variations du débit cardiaque pendant l’accouchement, on préconise le décubitus latéral gauche qui améliore le retour veineux. Quel que soit le mode de l’anesthésie, elle en diminue le degré. Lors de l’expulsion, le débit cardiaque peut augmenter brutalement de 30 %. Dans le post-partum, le débit cardiaque, les résistances vasculaires périphériques, ainsi que le volume sanguin se normalisent en 4 à 6 semaines. ‚ Modifications de la coagulation La grossesse et le péripartum s’accompagnent d’un état d’hypercoagulabilité par augmentation des facteurs prothrombotiques : prothrombine, proconvertine, facteurs antihémophiliques A et B, facteur Stuart, fibrinogène, majoration de l’adhésivité plaquettaire et enfin diminution de l’antithrombine 3. À ces modifications biologiques se mêlent des variations hémodynamiques qui, dans le cadre 1 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 2-0425 2-0425 d’une cardiopathie, potentialisent le risque de thrombose. L’utérus gravide par compression cave diminue le retour veineux. Ce facteur mécanique aggrave la stase sanguine, elle-même à l’origine d’une insuffisance veineuse superficielle et d’une potentialisation du risque thromboembolique. ‚ Modifications cliniques La grossesse normale s’accompagne généra- lement d’un syndrome hyperkinétique. Une tachycardie et un souffle systolique éjectionnel sont habituellement présents (90 % des cas) à l’examen clinique, avec parfois un dédoublement des bruits cardiaques. Une tension artérielle basse, ne dépassant pas 130/80 mmHg, et des œdèmes des extrémités complètent l’expression clinique. L’électrocardiogramme montre une horizontali- sation du cœur avec déviation axiale gauche ou droite, ainsi que des atypies de la repolarisation. L’échocardiographie retrouve un état hyperkinétique et constate parfois dans le dernier trimestre un épanchement péricardique en règle modéré (40 % des cas) qui, toujours transitoire, disparaît après l’accouchement. I Risques de la grossesse chez la cardiaque Bien que chez la femme cardiaque le taux d’accidents gravidocardiaques ait diminué depuis une quinzaine d’années, un certain nombre de risquespersistent [2, 5, 7, 9]. ‚ Risques maternels (tableau I) Insuffisance cardiaque Bien qu’actuellement plus rare, ce risque peut survenir tôt dans la grossesse selon la sévérité de la cardiopathie ou révéler une cardiopathie méconnue ou insuffisamment contrôlée sur le plan thérapeutique. Il découle de l’augmentation du débit cardiaque et de l’état hypervolémique pergravidique, ou encore survient à la faveur d’une embolie pulmonaire ou d’une arythmie. Sa gravité dépend de la nature et de la sévérité de la cardiopathie sous-jacente. La décompensation cardiaque peut revêtir toutes les formes cliniques, de la simple dyspnée d’effort à l’œdème pulmonaire aigu ou subaigu, de l’insuffisance cardiaque droite, gauche ou mixte parfois jusqu’au choc cardiogénique. Elle peut apparaître pendant la grossesse, l’accou- chement et le post-partum immédiat, mais s’exprime volontiers au cours du deuxième semestre. Elle impose l’hospitalisation immédiate et l’instauration d’un traitement médical. Embolie pulmonaire L’état gravidique accentue le risque thromboem- bolique chez la femme saine et plus encore chez la femme cardiaque. La conjonction d’une insuffisance veineuse avec stase sanguine et d’un état d’hypercoagulabilité fait le lit de l’embolie pulmonaire. Elle survient à toute période de la grossesse mais s’observe fréquemment dans le péripartum et surtout dans les suites de couches. Sa prévention fait appel aux anticoagulants administrés après estimation du risque en période gravidique et systématiquement au cours du post-partum. Endocardite bactérienne Elle reste une complication exceptionnelle des valvulopathies fuyantes, mitrales et aortiques, ainsi que des canaux artériels. Elle représente une complication élective du péripartum et doit être prévenue dans certains cas par une antibiothérapie [7, 9]. ‚ Risques fœtaux (tableau I) Ils dépendent de l’âge maternel, du type de cardiopathie, de la présence d’une insuffisance cardiaque ou d’une arythmie complète par fibrillation auriculaire, de l’existence d’un traitement anticoagulant, mais ils sont aussi indissociables du statut socioéconomique de la patiente : le degré et la stabilité de la cardiopathie maternelle conditionnent le risque de prématurité et d’hypotrophie fœtale [2, 5, 7, 9]. En dehors des cardiopathies cyanogènes non corrigées, les taux d’avortement spontané et de mortalité fœtale tendent à rejoindre ceux des femmes saines. Dans ce cas précis, le taux d’hématocrite et l’hypoxémie modulent le risque fœtal. Le traitement anticoagulant, indispensable dans certaines situations (prothèse valvulaire, maladie thromboembolique), est un des éléments potentialisateurs du risque fœtal. Il est à l’origine d’accident hémorragique fœtal et de mort périnatale auxquels s’ajoute le risque d’embryopathie coumarinique (4 à 5 %) lorsque les antivitamines K (AVK) sont administrés entre la 4e et la 12e semaine de grossesse. ‚ Risques liés aux prothèses valvulaires Le risque thromboembolique dépend du type et de l’état de la prothèse valvulaire, de la nature et du niveau d’anticoagulation, et enfin de l’état myocardique sous-jacent [4, 8]. Il est plus important sur les prothèses uploads/Sante/ coeur-et-grossesse 1 .pdf

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  • Publié le Mai 03, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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