L’HANDICAP ET L’ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE 39 LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT SOUS
L’HANDICAP ET L’ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE 39 LA PRISE EN CHARGE D’UN PATIENT SOUS BIPHOSPHONATES : QUELLE CONDUITE A TENIR ? B. Chami*, K. Sikou**, W. El Wady*** * Professeur assistant, **Résidente*** Professeur de l’enseignement supérieur Département Pathologie Chirurgicale Faculté de Médecine Dentaire, Rabat. Introduction Les biphosphonates sont des médicaments qui agissent comme des agents inhibiteurs des ostéoclastes responsables de la résorption osseuse. Ceci est à l’origine de leur large utilisation depuis quelques années dans l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de pathologies osseuses primaires ou secondaires (1,2). Les biphosphonates sont administrés aussi bien par voie intra veineuse que par voie orale. La voie intra veineuse est fréquemment préconisée pour le traitement des métastases ostéolytiques des tumeurs malignes surtout lorsque celles-ci risquent de produire une grande morbidité liée aux douleurs osseuses, aux fractures osseuses pathologiques, à la compression spinale ou à l’hypercalcémie (1,3). Les molécules les plus utilisées par cette voie sont : le pamidronate et le zolendronate. Les biphosphonates oraux tels que l’alendronate et le risendronate sont prescrits dans le cadre de la prévention des fractures osseuses liées à l’ostéoporose (1). A côté de leur effet prouvé dans l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints des pathologies sus citées, l’utilisation des biphosphonates a été reliée depuis 2003, à la base de rapports de cas cliniques et d’études rétrospectives, à l’apparition d’un effet secondaire majeur qui est l’ostéonécrose des maxillaires (1). Celle-ci se traduit par l’apparition de zones d’exposition osseuse maxillaires persistantes sans aucune possibilité de cicatrisation parfois sans causes apparentes et souvent suites à des extractions dentaires ou à des gestes de chirurgie alvéolaire (3). Cette pathologie met les professionnels de santé devant un véritable problème car d’une part elle est responsable, à des stades évolués, d’une morbidité importante des patients et d’autre part aucun traitement codifié n’est disponible jusqu’à maintenant. volume 6, numéro 1, janvier 2011 L’HANDICAP ET L’ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE 40 1. Comment se produit l’ostéonécrose des maxillaires induite par les biphosphonates ? Le mécanisme étiopathogénique de l’ostéonécrose induite par les biphosphonates tout comme le réel mécanisme par lequel les biphosphonates agissent sur le métabolisme de l’os n’est pas encore totalement compris (4). Plusieurs hypothèses sont, cependant, proposées afin d’expliquer cette complication. Parmi ces hypothèses, il y a celles qui la décrivent comme la conséquence de l’altération par ces médicaments du remodelage osseux normal en exerçant un effet inhibiteur sur la fonction des ostéoclastes et en induisant une apoptose précoce de ces cellules (4). D’autre, incriminent la responsabilité de ces molécules dans la diminution de l’apport sanguin osseux ainsi que leur effet anti-angiogénique et inhibiteur de la fonction des cellules endothéliales (3,4). Récemment, en se basant sur un modèle biologique, un effet toxique direct des biphosphonates accumulés au niveau de l’os sur l’épithélium buccal a été suggéré. Cet effet toxique est responsable d’un défaut de cicatrisation des structures molles de recouvrement ce qui explique l’exposition osseuse prolongée rencontrée chez les patients traités par ces molécules suite à une extraction ou à un traumatisme buccal minime (3,4). 2. Comment évoquer le diagnostic d’ostéonécrose des maxillaires induite par les biphosphonates (5)? Afin de distinguer l’ostéonécrose des maxillaires induite par les biphosphonates des autres types d’ostéonécrose, l’association Américaine des chirurgiens buccaux et maxillo-faciaux (AAOMS) a établit trois critères de diagnostic: Traitement actuel ou antécédent de traitement par les biphosphonates ; Présence dans les territoires maxillo- faciaux d’une exposition d’os nécrosé persistante au delà de 8 semaines; Aucun antécédent de radiothérapie des maxillaires. 3. Quelle conduite à tenir faut-il adopter devant un patient candidat à un traitement aux biphosphonates ou en cours de traitement? 3.1 Les patients candidats à un traitement aux biphosphonates (3,4,5,6) En raison de la morbidité importante occasionnée par cette pathologie et en attendant la mise en place d’un traitement efficace, une approche préventive s’impose chez ces patients. Cette approche se base sur : • L’information du patient sur le risque d’ostéonécrose liée aux biphosphonates ainsi que son consentement éclairé avant de démarrer le traitement; • Une mise en état bucco-dentaire avant de commencer le traitement ; • L’éducation du patient aux mesures d’hygiène bucco-dentaire ainsi qu’au sevrage tabagique. La prise en charge bucco-dentaire des patients devant subir un traitement par ces molécules consiste en: La réalisation d’un bilan clinique et radiologique à la recherche des foyers infectieux ; Le traitement et la restauration des dents cariées; Le traitement des dents présentant des lésions parodontales ; volume 6, numéro 1, janvier 2011 L’HANDICAP ET L’ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE 41 L’extraction des dents non restaurables ou à mauvais pronostic ; La réalisation de prothèses dentaires à bords ajustés afin d’éviter tout risque d’irritation des structures molles adjacentes ; La contre indication de la mise en place d’implant chez ces patients. 3.2 Les patients en cours de traitementaux biphosphonates (3, 4, 5, 6): Jusqu’à maintenant, l’ostéonécrose des maxillaires liée aux biphosphonates n’a pas encore bénéficié d’un traitement basé sur des preuves scientifiques et ceci en raison de l’absence d’études prospectives et d’essais cliniques randomisés dans ce sens. Les modalités proposées dans la littérature se basent uniquement sur des opinions d’experts formulés sous forme de recommandations. L’AAOMS a proposée une classification en stades cliniques en vue d’établir la meilleure stratégie thérapeutique pour ces patients selon le stade évolutif de cette pathologie. Selon cette classification on distingue : Les patients à risque d’ostéonécrose: Ce sont les patients qui sont sous traitement par les biphosphonates soit par voie IV ou par voie orale sans aucun signe évident d’exposition osseuse ou d’os nécrosé. Chez ces patients il faut : Insister sur les mesures préventives ; Eviter les procédures thérapeutiques pouvant entraîner une exposition d’os y compris la mise en place d’implants ; Réaliser des coronectomies des dents non restaurables avec traitement endodontique des racines résiduelles ; Se mettre en rapport avec le médecin traitant afin de discuter la possibilité d’un éventuel arrêt temporaire du traitement par biphosphonates. Les patients présentant le stade clinique 1 ce sont les patients asymptomatiques qui présentent un os exposé ou une nécrose osseuse sans signe clinique évident d’infection. Chez ces patients il faut éviter la progression de la pathologie en insistant sur l’importance des rinçages de la cavité buccale à l’aide d’antiseptiques à base de chlorhexidine à 0.12 % et en instaurant une surveillance des lésions tous les 4 mois. Les patients présentant le stade clinique 2 ce sont les patients qui présentent un os exposé ou nécrotique avec présence de douleurs et d’infection des tissus mous ou de l’os. A ce stade il faut avoir comme but d’éviter la progression de la pathologie et de réduire les complications relatives à l’infection chronique. Ceci se fait par : La réalisation de rinçages locaux à l’aide d’antiseptiques ; La réalisation d’un débridement osseux superficiel afin d’éviter l’irritation des structures molles adjacentes par l’os séquestré; La prescription d’antibiotiques à large spectre ; La prescription d’antalgiques. Les patients présentant le stade clinique 3 ce sont des patients qui présentent un os exposé ou nécrotique avec présence des douleurs, de l’infection ainsi que des fractures pathologiques, des fistules extra orales ou d’ostéolyse étendue. Chez ces patients, en plus de la prescription des antiseptiques, des antibiotiques et des antalgiques, il est préconisé de réaliser des résections osseuses suivies de reconstruction mandibulaires. volume 6, numéro 1, janvier 2011 L’HANDICAP ET L’ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE 42 Conclusion L’ostéonécrose des maxillaires est un effet secondaire sérieux du traitement par les biphosphonates. En raison de l’efficacité de ces molécules dans le traitement de certaines pathologies cancéreuses et osseuses et en attendant l’élaboration d’un traitement précis de cette complication les mesures préventives s’imposent. Références 1. RuggieroSL, DrewSJ. Osteonecrosis of the jaws and Biphosphonate therapy. Journal DentRes2007; 86:1013-1021. 2. RuggerioSL, DodsonTB, AssaelLA, LandesbergR, MarxRE, MebrotaB. American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons position paper on Biphosphonate-Related Osteonecrosis of the Jaws-2009 Update.J OralMaxillofac Surg2009;67:2-12 3. FicarraG, BeninatiF. Biphosphonate-related osteonecrosis of the jaws: an update on clinical, pathological and management aspects. Head and Neck Pathol2007;1: 132-140. 4. MaldenN, BeltesC, LopesV. Dental extractions and biphosphonates: the assessment, consent, and management, a proposed algorithm. British Dental Journal2009; 206(2):93- 98. 5. RuggerioSL. Guidlines for the diagnosis of biphosphonates related osteonecrosis of the jaw. Clinical Cases in Mineral and Bone Metabolism2007;4(1):37-42. 6. BorgioA et al. Biphosphonate-related osteonecrosis of the jaws: clinical and physiopathological considerations. Therapeutics and Clinical Risk Management2009;5: 217-227. volume 6, numéro 1, janvier 2011 uploads/Sante/ conduite-a-tenir-faculte-de-medecine-dentaire-2.pdf
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- Publié le Oct 07, 2022
- Catégorie Health / Santé
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