Épistémologie – Définition de la santé et de la maladie ÉPISTÉMOLOGIE ÉPISTÉMOL

Épistémologie – Définition de la santé et de la maladie ÉPISTÉMOLOGIE ÉPISTÉMOLOGIE Cours 5 – Les définitions de la santé et de la maladie : des normes de la médecine scientifique aux normes individuelles et sociales Pr Céline LEFEVE Ce document est un support de cours datant de l’année 2012-2013 disponible sur www.tsp7.net 1 I. La conception objective et quantitative de la santé et de la maladie A. L'apport de la physiologie de Claude Bernard B. L’identité de nature des états normaux et pathologiques aux variations quantitatives près C. La physiologie, science du normal et du pathologique II. La conception subjective et qualitative de la santé et de la maladie A. La philosophie biologique de Georges Canguilhem B. La critique de la définition bernardienne du normal et du pathologique : « Il n’y a pas de science du normal et du pathologique » (Georges Canguilhem) III. Conclusion : l’inscription des normes individuelles dans les normes sociales Épistémologie – Définition de la santé et de la maladie Objectifs du cours : • Montrer que les définitions de la santé et de maladie, du normal et du pathologique varient selon les moments de l’histoire et, aussi, selon que l’on adopte le point de vue du médecin ou le point de vue du malade, ou encore que l’on suive les normes de la médecine scientifique ou bien la normativité du sujet. • Montrer l’insuffisance de la conception objective et quantitative de la santé et de la maladie comme états physiologiques identiques par nature, conception héritée de Claude Bernard (1813-1878). • À l’aide de la lecture de G. Canguilhem (1904-1995), définir le normal et le pathologique comme des expériences du vivant qui est une individualité tissant une relation toujours singulière et normative à son milieu de vie. • Tirer les conséquences de cette définition biologique du normal et du pathologique pour le patient et pour la médecine : le normal et le pathologique sont des expériences globales, à la fois biologiques, psychologiques et sociales, d’un patient toujours singulier. La médecine apparaît non comme une science, mais comme un art ou une technique qui n’a affaire qu’à des individualités et dont les activités essentielles sont la clinique et la thérapeutique. • Il en ressort que le patient est une personne et un sujet dont on doit prendre en compte, dans chaque acte médical, l’expérience, les valeurs et le point de vue. I. LA CONCEPTION OBJECTIVE ET QUANTITATIVE DE LA SANTE ET DE LA MALADIE A. L'apport de la physiologie de Claude Bernard 1. La découverte du milieu intérieur et le concept de régulation Pour Claude Bernard la vie n’est pas seulement dans l’organisme mais aussi dans la relation d’échanges et d’ajustement entre le milieu intérieur et le milieu extérieur (La vie n’est pas bornée à l’organisme…). La physio- logie veut connaître et comprendre la régulation du milieu intérieur qui s’ajuste aux variations du milieu exté- rieur (homéostasie). 2. L’individualité biologique et son rapport au milieu L'organisme vivant est une totalité indivisible, une individualité et les phénomènes physiologiques à l'inté- rieur de l'organisme sont interdépendants les uns des autres (c'est-à-dire qu’ils sont intriqués et qu’ils s’in- fluencent). Dès lors, si l’on veut faire des expérimentations, il faut analyser l'organisme (le démonter, le décom- poser) mais, en fin de compte, il faut aussi réinscrire le mécanisme dans le tout (faire une synthèse). L'analyse à elle seule étant nécessaire à la compréhension mais insuffisante. (Cf les textes 7-10 du chapitre 2 et le texte de C.Bernard en méthodologie) B. L’identité de nature des états normaux et pathologiques aux varia- tions quantitatives près Pour Claude Bernard, les phénomènes pathologiques comme les phénomènes normaux s'expliquent par le déterminisme (pensée selon laquelle tous les phénomènes biologiques ont une cause et les mêmes causes pro- duisent les mêmes effets) et par le matérialisme (pensée selon laquelle les phénomènes biologiques, qu'ils soient normaux ou pathologiques, s'expliquent par leurs propriétés physico-chimiques). De ce fait, Claude Ber- nard en conclut que les phénomènes pathologiques sont identiques et de même nature que les phénomènes normaux, seules leurs conditions varient. Ceci conduit à une définition se ramenant aux variations quantitatives près de la définition du normal et du pathologique ; Dans la maladie, les constantes des fonctions physiolo- giques (glycémie, oxygénation du sang, taux de fer, température...) varient quantitativement, soit en excès, soit en défaut (Cf le texte 2) : pour Bernard, la physiologie et la pathologie sont des sciences identiques. Cette idée de la définition du normal et du pathologique comme variation quantitative de Claude Bernard, héritée du médecin français du début du XIXème siècle Broussais (Cf texte de Canguilhem dans les textes à com- menter), s'oppose à Bichat sur la nature des phénomènes normaux et pathologiques. En effet, pour Bichat, la santé et la maladie obéissent à des lois différentes : la santé traduit la supériorité des forces vitales contre les forces matérielles de mort dans l'organisme et la maladie traduit l'infériorité de ces forces vitales (pour Ber- nard, il s’agit là d’un résidu de philosophie métaphysique qu’il critique vivement). Ainsi, comme santé et mala- die relèvent de lois différentes (selon Bichat), elles relèveront aussi de sciences différentes (Cf le texte 1). Ce document est un support de cours datant de l’année 2012-2013 disponible sur www.tsp7.net 2 Épistémologie – Définition de la santé et de la maladie La conception qu'a Claude Bernard du normal et du pathologique lui vient en particulier de la découverte de la fonction glycogénique du foie et des mécanismes du diabète sucré. En effet, avant lui on croyait que la glycé- mie (présence de sucre dans le sang) était un phénomène pathologique ; Claude Bernard pose alors un certain nombre d’hypothèses et constate la présence de sucre dans le sang chez tous les sujets humains (1 er constat), et une élévation de la glycémie chez les diabétiques (2e constat). Il remarque aussi que la glycosurie (présence de sucre dans les urines) chez les diabétiques est plus élevée que chez les sujets sains (3 e constat). Il en déduit que la glycosurie est la conséquence d’une glycémie excessive et qu’elle existe aussi chez les sujets sains mais qu'elle est seulement faible (sur ce point il a tord) : entre la glycosurie des sujets sains et celle des diabétiques, la relation est quantitative. Claude Bernard conclut que la glycosurie élevée, un phénomène pathologique, s'ex- plique en définitive par la fonction glycogénique du foie qui est seulement quantitativement déréglée ; le dia- bète repose pour lui sur une modification quantitative de la fonction physiologique normale de la glycogénie (production de sucre par le foie découverte lors de l’expérience du foie lavé). Pour Claude Bernard, « le diabète est une maladie consistant seulement dans le dérangement d'une fonc- tion normale » (Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, page 34), par le mot « dérangement » Ber- nard entend variation quantitative (en plus ou en moins). La maladie est donc une variation quantitative de la santé et le pathologique est une variation quantitative du normal (Cf le texte 5). Il n’y a pas de différence de qualité entre ces 2 états, selon Bernard, et c’est pour cela qu’il désigne la physiologie comme science du nor- mal et du pathologique. C. La physiologie, science du normal et du pathologique Pour Claude Bernard, la physiologie réunit à la fois la connaissance des fonctions normales et celle des états pathologiques de l'organisme (rupture épistémologique avec Bichat, Cf le texte 1) : la physiologie et la patholo- gie ne sont qu'une seule science et pour connaître le pathologique il suffit alors de connaître le normal. La thé - rapeutique n'étant que l'application de la science physiologique, pour soigner, il suffit de savoir ; pour être un bon médecin, il suffit d'être un bon scientifique ; la médecine n'est qu'une application de la science. C’est une conception scientiste ou positiviste de la maladie (courant philosophique selon lequel la science est le moteur de tous les progrès humains et sociaux, ainsi le progrès médical vient du progrès scientifique). Cette conception scientifique de la médecine est caractéristique des XIXème et XXème siècles avec, par exemple, l’hygiénisme par lequel on va améliorer les conditions de vie de la population et rétablir l’ordre moral de la société en s’appuyant sur les progrès de la science : la politique ne peut aller que vers le progrès si elle s’appuie sur la science. II. LA CONCEPTION SUBJECTIVE ET QUALITATIVE DE LA SANTÉ ET DE LA MALADIE La définition du philosophe et historien de la médecine Georges Canguilhem (1904-1995) est opposée et complémentaire de la santé et de la maladie par rapport à celle de Claude Bernard. Cette définition est centrée sur le sujet (subjective) et affirme qu'il y a une différence de qualité et non pas de quantité. BIOGRAPHIE BIOGRAPHIE DE DE GEORGES GEORGES CANGUILHEM CANGUILHEM Né en 1904, il fut d'abord philosophe avant d'être médecin, élève de l'École Normale Supérieur, agrégé de philosophie. Il commence à enseigner la philosophie à la fin des années 1930 et parallèlement commence des études de médecine. Il entre dans uploads/Sante/ definitions-de-la-sante-et-de-la-maladie-pdf 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 02, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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