ENSEIGNER LA PHYSIQUE PAR SITUATION PROBLÈME OU PAR PROBLÈME OUVERT Jean Marie
ENSEIGNER LA PHYSIQUE PAR SITUATION PROBLÈME OU PAR PROBLÈME OUVERT Jean Marie Boilevin La littérature pédagogique française utilise fréquemment depuis quelques années les expressions situation-problème ou problème ouvert dans le domaine de l'enseignement de la physique. Pour justifier cette utilisation, l'intérêt didactique des problèmes est souvent mis en avant, la relation entre- tenue entre problème et apprentissage de la physique apparaissant essen- tielle. Mais la signification même des expressions utilisées pour convoquer le problème de physique ne semble pas stabilisée. N'y a-t-il pas alors un risque que des malentendus surgissent et que des divergences sur les ques- tions d'enseignement-apprentissage naissent de l'utilisation de termes divers (problème, situation-problème, problème ouvert, problématisation) sans qu'un travail sur le sens n'ait été accompli ? Nous proposons dans cet article d'analyser plus précisément deux types d'activités rencontrées dans l'enseignement de la physique en France et qui ont fait l'objet de réflexions théoriques et de tentatives de validation par certains chercheurs en didactique : la situation-problème et l'activité de résolution de problème ouvert. La comparaison d'un point de vue épistémo- logique, psychologique et didactique de ces deux outils amène à interroger notamment la nature et la place du problème dans l'apprentissage de la physique. 1. INTRODUCTION Depuis quelques années, concernant l'enseignement de la physique, on trouve une utilisation fréquente de l'expression situation-problème, parfois de problème ouvert (ou situation ouverte] dans la littérature pédagogique (manuels, revue d'associations de spécialistes (1), sites Internet institution- nels ou non) comme chez les prescripteurs (instructions offi- cielles) ou encore dans les documents d'accompagnement des programmes (2). Ainsi, à propos de la place de l'expé- rience dans l'enseignement, les programmes de seconde et de première S (3) indiquent que l'enseignement expérimental « offre la possibilité de répondre à une situation-problème par la mise au point d'un protocole, la réalisation pratique de ce ( 1 ) Nous pensons au Bulletin de l'union des physiciens et à VàRevue de l'association des professeurs d'initiation aux sciences physiques. (2) Ces documents sont élaborés par le Groupe d'experts en programme scolaire (GEPS) de sciences physiques. (3) BOEN Hors Série n° 2 du 30 août 2001 et BOEN Hors Série n° 7 du 30 août 2000. ASTER N° 40. 2005. Problems et problématisation INRP - ASTER - 19, mail de Fontenay - BP 17424 - F-69347 Lyon cedex 07 un usage d'expressions diverses... 14 ...convoquant le problème de physique mais des significations non stabilisées protocole, la possibilité d'aller-retour entre théorie et expé- rience, l'exploitation des résultats ». De même, les documents d'accompagnement proposent des mises en œuvre du programme de première S s'appuyant abondamment sur l'idée de situation-problème. Pour justifier cette utilisation, l'intérêt didactique des problèmes est souvent mis en avant par différents auteurs en mettant l'accent notamment sur la relation entre problème et apprentissage de la physique. Mais la significa- tion même des expressions utilisées pour convoquer le problème de physique ne semble pas stabilisée. De même, les points de vue épistémo logiques, psychologiques et didacti- ques sous-jacents ne sont pas souvent explicités. N'y a-t-il pas alors un risque que des malentendus apparaissent et que des divergences sur les questions d'enseignement apprentis- sage naissent de l'utilisation de termes divers [problème, situation-problème, problème ouvert, problématisation) sans qu'un travail sur le sens n'ait été accompli ? De très nombreux travaux de recherche sur la résolution de problème en contexte scolaire existent. Ainsi le « Problem Based Learning » semble-t-il très développé comme démarche d'enseignement (4) dans le monde anglo-saxon. Pour notre part, nous proposons dans cet article d'analyser plus précisé- ment deux types d'activités rencontrées dans l'enseignement de la physique en France et qui ont fait l'objet de réflexions théoriques et de tentatives de validation par certains cher- cheurs en didactique : la situation-problème et l'activité de résolution de problème ouvert. La comparaison de ces deux outils didactiques devrait permettre d'interroger notamment la nature et la place du problème dans l'apprentissage de la physique. 2. QUEST-CE gU'UN PROBLEME EN PHYSIQUE ? gUELLES SONT SES FONCTIONS DANS L'ENSEIGNEMENT ? Nous essayons de préciser le sens que nous pourrions attri- buer au mot problème. Nous analysons ensuite ses rôles didactiques possibles dans l'enseignement apprentissage de la physique. 2.1. Un détour linguistique Le Petit Robert propose deux sens au mot problème. Dans un premier cas, un problème est « une question à résoudre qui prête à discussion, dans une science ». Cette « question à (4) Voir par exemple Pochet (1995) pour une étude de cette question. 15 résoudre porte soit sur un résultat inconnu à trouver à partir de certaines données, soit sur la détermination de la méthode à suivre pour obtenir un résultat supposé connu. » Dans une deuxième proposition plutôt orientée vers la vie courante, un problème est une « difficulté qu'il faut résoudre pour obtenir un certain résultat ; une situation instable ou dangereuse exigeant une décision. » question En fait, le mot problème est apparu tardivement dans la de physique ? langue française, remplaçant peu à peu le mot question. Qu'est-ce donc qu'une question ? Le Dictionnaire historique de la langue française (1993) précise à ce propos que « question » est emprunté par notre langue au latin quaestio au XIIe siècle. Ce terme « désigne la recherche en général » et « s'est spécialisé en droit au sens d'"enquête" », "interrogatoire", plus spécialement "enquête avec torture", et dans la langue philosophique "interrogation, discussion" ». Le même diction- naire précise : « Le mot, sans reprendre le sens général du latin, ou problème réservé enfrançais à quête et à recherche, a été emprunté pour de physique... désigner une demande faite en vue d'une information, d'un éclaircissement. Avant la fin du xif siècle, question désigne un point qui prête à discussion, soulève un débat théorique ou pratique ». Le mot problème ne s'est imposé en français que depuis le xviie siècle : longtemps après, on continuera de parler de questions de physique (ou de mathématiques, etc.) plutôt que de problèmes de physique. Selon le Dictionnaire histo- rique de la langue française encore, le mot dérive, par le latin problema, qui désigne une question à résoudre, d'un mot grec signifiant, « ce que l'on a devant soi, et spécialement un obstacle, une tâche, un sujet de controverse, une question à résoudre ». Le mot grec est en effet formé à partir de pro, « devant », et de ballein, « lancer » : l'idée essentielle est celle d'une difficulté, d'un défi-intellectuel, par exemple - que l'on lance (P<M.co) devant soi (rcpô). Que deviennent ces différents points de vue dans le domaine de la physique et de son enseignement ? Pour notre part, il nous semble qu'une question appelle en général une réponse alors qu'un problème appelle une procédure de résolution. De plus, comme le soulignent De Vecchi & Carmona-Magnaldi (1996), l'instabilité liée à l'existence du problème à résoudre (évoquée par le Petit Robert) semble fournir une situation tout, à fait favorable à l'apprentissage. 2.2. Représentation du problème, résolution de problèmes et problématisation De l'étude étymologique, Fabre (1999) tire trois réseaux trois dimensions du sémantiques délimitant le mot « problème » : l'initiative ou le mot problème. . projet, la difficulté ou l'obstacle, la saillance ou le significatif. Ces trois dimensions sont questionnées par cet auteur à 16 .questionnées par la psychologie cognitive par l'épistémologie l'aide d'une part des travaux de la psychologie cognitive et d'autre part de certains points de vue épistémologiques. La première orientation permet de mettre l'accent sur la tâche et sur l'activité du sujet résolvant le problème (Weil-Barais, 1993). Il faut alors distinguer la description objective de la tâche faite par l'expert de la représentation subj ective que s'en fait le sujet qui traite le problème. Les recherches portent alors sur le processus de résolution de problèmes insistant en parti- culier sur deux étapes importantes : la représentation du problème et l'élaboration de la solution. L'étude des rapports entre théorie et faits d'observation a amené les épistémologues contemporains à abandonner une vision inductiviste de la démarche scientifique pour une approche hypothético-déductive. Dans le rapport dialectique entre théorie et réalité, la démarche du physicien se fait alors résolution de problème. Pour Fabre, « le problème devient la catégorie centrale de l'épistémologie antipositiviste », repré- sentée par Bachelard et Popper. Mais « le soucis omniprésent du problème ne garantit en rien que soient sauvegardées toutes les exigences de laproblématicité ». Fabre met en garde contre trois propositions sur lesquelles s'appuie le paradigme du problème : « les réponses sont plus fondamentales que les questions ; savoir si les réponses sont vraies ou fausses est la seule chose vraiment importante ; le plus déterminant dans la pensée, c'estde savoir résoudre les problèmes. » Mais pour cet auteur, cette vision dogmatique du problème peut être compensée par les idées de Bachelard ou celles du pragma- tisme qui mettent l'accent sur la construction du problème (la problématisation). distinguer problème de science et problème de classe 2.3. Essai de définition dans le domaine de l'enseignement de la physique Chez Dumas-Carré & Goffard (1997) «pour qu'il y ait problème, il doit y avoir uploads/Sante/ enseigner-situation-probleme.pdf
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- Publié le Jan 12, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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