ÉVOLUTION DU DEUIL ET DES PRATIQUES FUNÉRAIRES Michel Hanus L’Esprit du temps |
ÉVOLUTION DU DEUIL ET DES PRATIQUES FUNÉRAIRES Michel Hanus L’Esprit du temps | « Études sur la mort » 2002/1 no 121 | pages 63 à 72 ISSN 1286-5702 ISBN 2913062857 DOI 10.3917/eslm.121.0063 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2002-1-page-63.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps. © L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Elles montrent que la mort et le deuil restent des réalités difficiles auxquelles la plupart des gens ne savent pas se préparer. Le renouveau d’intérêt pour les mourants n’est pas contestable et le dévelop- pement du mouvement des soins palliatifs continue hardiment son chemin. Mais il faut bien réaliser que concrètement il ne touche qu’une modique partie de la population alors que, pour le plus grand nombre, mourir est toujours aussi difficile. Les avis sont partagés sur la qualité des soins durant cette période terminale. Certains se montrent très reconnaissants à l’égard d’équipes soignantes qui les ont bien accompagnées alors qu’un bon nombre trouve que la mort est souvent ignorée dans les hôpitaux ou traitée comme un artefact. Les contacts avec les services de l’état civil relèvent souvent du cauchemar si bien que les assistants funéraires sont souvent perçus très positivement comme des spécialistes compétents capables d’aider les familles dans ces circonstances pénibles. Il existe ainsi un décalage entre ce renouveau d’intérêt publiquement manifesté et des pratiques qui semblent à beaucoup ne pas avoir beaucoup évolué sur le terrain. Une réalité permet certainement de réduire ce fossé, c’est la prise en compte actuelle et le soulagement de la douleur. Sans crier victoire et en restant conscient que de grands progrès restent encore à faire, il est avéré aujourd’hui que la ÉVOLUTION DU DEUIL ET DES PRATIQUES FUNÉRAIRES MICHEL HANUS Études sur la mort, 2002, n° 121, 63-72. © L?Esprit du temps | Téléchargé le 29/11/2022 sur www.cairn.info via Haute École Léonard de Vinci (IP: 193.190.75.181) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 29/11/2022 sur www.cairn.info via Haute École Léonard de Vinci (IP: 193.190.75.181) 64 ÉTUDES SUR LA MORT douleur est mieux prise en compte. Ce qui est un objectif central du mouvement des soins palliatifs a aussi été soutenu par le Ministère de la Santé depuis bientôt une dizaine d’années. Il est maintenant possible de pouvoir mourir sans souffrir, même si, dans certaines situations, il n’en est pas réellement ainsi et que la question de l’euthanasie est toujours en discussion. Les soins palliatifs et le mouvement qu’ils ont entraîné ont déterminé un changement important dans la philosophie des soins. Jadis les grands centres hospitaliers étaient surtout préoccupés par les progrès techniques d’une médecine de plus en plus performante ; actuellement les soins sont bien davantage centrés sur la personne malade et même son entourage commence à être pris en compte. Des droits sont officiellement reconnus aux malades. Un autre changement d’envergure s’initie également: c’est l’entrée des soins palliatifs dans les études des soignants et en particulier les études de médecine. Enfin les futurs médecins vont recevoir un embryon de formation sur la mort, le deuil et les rites. Un autre signe indique l’importance nouvelle prise par le deuil et les réalités de la mort : c’est l’accroissement constant, ces dernières années, des demandes de formation sur ce thème. Elles ne viennent pas que des soignants qui en sont cependant les principaux bénéficiaires ; elles intéressent également les personnels de l’éducation nationale, les travailleurs sociaux, les bénévoles d’associations, les funéraires et les religieux, toutes personnes qui se retrouvent en particulier au sein des diplômes universitaires centrés sur le deuil qui vont se multipliant. Le grand public également se presse nombreux à des conférences régulièrement organisées sur le thème des nouvelles approches de la mort. La multiplication des publications sur ce thème est un autre indice de ce renouveau. L’évolution du deuil au cours des dernières décennies avait été son occul- tation sociale et sa privatisation. Elle s’est modifiée durant les dernières années du XXe siècle. Nous assistons à l’éclosion de nouvelles pratiques sociales. Cependant la mort et le deuil sont toujours considérés comme relevant de l’intimité familiale. La lecture des avis de décès dans les journaux indique que les enterrements dans l’intimité se multiplient. Mais dans le même temps plus de la moitié de la population souhaite personnaliser les cérémonies et les pratiques. Les rites traditionnels sont ressentis comme trop formels, déshabités, imper- sonnels ; ce peut être une des raisons de leur effacement. Il semble que la nécessité du deuil, son inévitabilité, soient mieux perçues de la population de même que l’utilité de donner cours et expression aux émotions douloureuses. Sur ce point l’évolution du deuil entre en résonance avec une évolution sociale plus générale. Il était jadis recommandé d’éviter l’expression émotionnelle en public; s’il n’en est plus ainsi actuellement mais il n’est rien moins que certain que les pleurs attireront la compassion. © L?Esprit du temps | Téléchargé le 29/11/2022 sur www.cairn.info via Haute École Léonard de Vinci (IP: 193.190.75.181) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 29/11/2022 sur www.cairn.info via Haute École Léonard de Vinci (IP: 193.190.75.181) MICHEL HANUS • ÉVOLUTION DU DEUIL ET DES PRATIQUES FUNÉRAIRES 65 L’éclosion de nouvelles pratiques sociales se manifeste dans différents domaines : celle qui concerne la crémation est plus visible et prioritaire étant donné son augmentation mais celle qui intéresse les morts in utero, les morts dans les établissements d’enseignement et dans les maisons de retraite sont aussi du plus grand intérêt tant pour les personnes qui en bénéficient que pour indiquer cette évolution sociale. Nous reviendrons dans un instant sur la crémation. En l’espace de ces quelque vingt dernières années, les pratiques ont beaucoup évolué dans les maternités et services de réanimation néonatales. Les petits-enfants morts in utero n’étaient, la plupart du temps, pas présentés aux parents et dispa- raissaient sans laisser de traces. L’idée était d’éviter des souffrances supplémentaires aux parents et c’était aussi pratiquement plus simple. Maintenant la plupart des intervenants ont appris qu’éviter le chagrin du deuil n’est pas la bonne voie, qu’il est inutile, voire potentiellement dangereux, de vouloir éviter la douleur du deuil.Aussi bien maintenant, dans la plupart de ces services, les parents sont régulièrement accompagnés dans leur souffrance, encouragés à rencontrer leur bébé et à participer à des cérémonies mises en place à l’intérieur de l’hôpital. Là encore il ne faut pas croire que tous ces progrès sont déjà réalisés dans tous les hôpitaux. Mais l’évolution générale va dans ce sens et se généralisera de plus en plus. La transformation des services mortuaires à l’hôpital est une évolution en cours qui témoigne également de l’humanisation des hôpitaux. La chambre mortuaire, jadis appelée ‘morgue’ – et malheureusement ce terme est encore couramment employé – était centrée sur les locaux techniques: tables d’autopsie et frigidaires de conservation des cadavres et était tenue par des personnels techniques.Actuellement la priorité est donnée à l’espace d’accueil des familles qui est organisé de manière plus chaleureuse. Dans plusieurs hôpitaux ce service est géré par des soignants ; on passe ainsi de la ‘chambre mortuaire’au ‘service mortuaire’. C’est là un indice d’une évolution plus générale de la vie hospitalière. Il est maintenant recommandé de laisser la personne morte dans son lit pendant quelque temps avant de la transférer à la chambre ou au service mortuaires. De même les enfants jadis interdits d’entrée à l’hôpital commencent à être admis afin de pouvoir dire au revoir à leur parent qui va décéder. D’une manière plus générale, le comportement vis-à-vis des enfants peut être considéré comme un bon indicateur des évolutions en cours. Jusqu’à ces derniers temps la tendance prioritaire, celle qui était la plus suivie était de les écarter de tout ce qui concernait la mort. Les évolutions se faisant plus lentement en milieu rural, il existe encore de nombreux villages dans la France profonde où les enfants ne sont pas admis à l’église lors des funérailles alors uploads/Sante/ evolution-du-deuil-et-des-pratiques-funeraires.pdf
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- Publié le Jan 19, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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