Volume 8, Numéro 4, Décembre 2001 Hygiène des mains : nouvelles recommandations

Volume 8, Numéro 4, Décembre 2001 Hygiène des mains : nouvelles recommandations Didier Pittet, Genève, Andreas Widmer, Bâle La transmission croisée des agents pathogènes par les mains du personnel soignant au cours des soins est la cause principale des infections nosocomiales. La pratique optimale de l'hygiène des mains, que ce soit par le lavage conventionnel à l'eau et au savon, médicalisé ou non, ou par friction hydro-alcoolique, demeure la première mesure de prévention de ces infections. Malheureusement, l'observance des soignants à ce geste pluriquotidien est très faible, ne dépassant que rarement 50%. Cet article fait le point sur les différentes techniques d'hygiène des mains, l'observance des pratiques et les principales raisons de non-observance, les indications et nouvelles recommandations par rapport à l'hygiène des mains, le choix et l'acceptabilité des produits, ainsi que les options et l'impact des stratégies de promotion. Les auteurs rendent le lecteur attentif au fait que cette revue ne considère pas la préparation des mains à l'acte chirurgical. Flore cutanée On distingue habituellement deux types de flore sur la peau : flore résidente et flore transitoire. La flore résidente joue un rôle important dans la résistance à la colonisation. Elle prévient en effet la colonisation par d'autres micro-organismes potentiellement plus pathogènes. D'une façon générale, les antiseptiques ont une action limitée sur la flore résidente, mais rapide et efficace sur la flore transitoire. La flore transitoire est composée de contaminants récemment acquis de patients colonisés ou infectés, ou à partir de l'environnement ou d'un matériel contaminé. Les caractéristiques de cette flore sont de ne pas se multiplier à la surface des mains et de ne pas survivre très longtemps sur la peau à cause de l'effet protecteur de la flore résidente et d'un environnement peu favorable (froid, sécheresse...). La flore transitoire la plus courante comprend des bactéries à Gram négatif de type entérobactéries et des bactéries à Gram positif comme Staphylococcus aureus. Techniques d'hygiène des mains En pratique, une procédure d'hygiène des mains doit réduire l'inoculum bactérien de 2 à 3 logarithmes au moins. L'hygiène des mains comprend globalement le lavage et la désinfection hygiénique des mains (voir tableau 1). Tableau 1: Hygiène des mains : définitions Lavage hygiénique des mains : Action visant à éliminer des mains les souillures et la flore transitoire ou de contamination. Eau + savon simple Désinfection hygiénique des mains : Action visant à éliminer et détruire la flore transitoire ou de contamination soit : eau +savon désinfectant soit : solution hydro-alcoolique 1. Lavage des mains au moyen d'un savon L'efficacité du lavage des mains au moyen d'un savon est influencée par de nombreux facteurs. Les savons antiseptiques ont une action qui dépend de la dose administrée; une quantité de 3 à 5 ml est recommandée. La technique du lavage des mains décrit de manière très précise la façon de frotter les mains l'une contre l'autre avec le savon pour que toutes les surfaces soient en contact avec l'agent détergent ou désinfectant. Les pouces, le dos des doigts et de la main, le dessous des ongles sont souvent mal lavés. La durée du lavage est également un facteur important, non seulement à cause de l'action mécanique mais aussi pour obtenir un temps de contact suffisant pour que l'agent désinfectant agisse. Le temps de friction des mains dépend donc du savon antiseptique utilisé mais ne peut en aucun cas être inférieur à 10-15 secondes. La qualité du rinçage est importante car d'une part l'effet mécanique de l'eau élimine les micro-organismes et d'autre part les résidus de savon peuvent, à long terme, abîmer la peau des mains. Le séchage des mains au moyen de serviettes en papier jetables est la solution adoptée dans la plupart des hôpitaux pour des raisons pratiques. Elle est également plus hygiénique que l'utilisation multiple de serviettes en tissus. L'opération de lavage des mains prend du temps. Pour un soignant, la durée moyenne mesurée pour se rendre au lavabo, se laver les mains suivant les recommandations et revenir au chevet du patient est supérieure à 1 minute (extrêmes mesurées : 37-84 secondes) (Infect Control Hosp Epidemiol 1997; 18:205-208). La durée de la procédure effectuée au moyen d'un savon ordinaire (non antiseptique) est très similaire. 2. Friction hydro-alcoolique La friction des mains au moyen d'une solution hydro-alcoolique est une alternative au lavage des mains qui peut être choisie lorsque les mains ne sont pas souillées par des sécrétions, du sang ou tout autre liquide biologique. En effet, l'alcool perd une partie de son activité désinfectante en présence de matières organiques. Pour une efficacité optimale, le temps de contact doit être de 10-15 sec. Cette alternative au lavage des mains a l'avantage de pouvoir être réalisée rapidement, sans déplacement, et en l'absence de lavabo. Elle permet entre autre d'épargner le temps nécessaire au déplacement, au rinçage, ainsi qu'au séchage des mains. Par ailleurs, compte tenu de la dynamique de colonisation bactérienne des mains des soignants qui est constante et pratiquement linéaire au cours des soins (Arch Intern Med 1999; 159:821- 826), seule l'application d'un agent antiseptique immédiatement disponible, rapide à appliquer et efficace en quelques secondes seulement, constitue une alternative compatible avec l'enchaînement des processus de soins, en particulier qunad ils sont pratiqués chez le même patient. Sur le plan microbiologique, la solution hydro-alcoolique présente l'avantage d'un spectre large, ainsi que d'une efficacité sur les bactéries végétatives 100 fois supérieure sur la flore résidente à tous les savons antiseptiques disponibles sur le marché européen. Le tableau 2 compare les différentes techniques d'hygiène des mains. Tableau 2: Comparaison des différentes techniques d'hygiène des mains Lavage hygiénique Désinfection hygiénique Savon simple savon antiseptique solution hydro- alcoolique Elimination de la flore transitoire 90% 99,9% 99,999% Elimination de la flore résidente Aucune action 50 % 99 % Elimination des souillures + + - Durée du traitement 30 secondes minimum 30 secondes 10-15 secondes Durée de la procédure 60-90 secondes 60-90 secondes 20 secondes Irritation des mains + ++ (+) Observance des pratiques Bien que le lavage hygiénique des mains soit la mesure de prévention des infections la plus efficace et la moins coûteuse, elle est aussi l'une des moins suivies. Les recommandations établies sont mal respectées tant sur le plan qualitatif que quantitatif. De nombreuses études ont montré que, par exemple, la durée moyenne de friction des mains avec un savon est rarement supérieure à 10 secondes, au lieu des 30 secondes recommandées, ou que la mauvaise observance pouvait être liée à des contraintes de structure, comme le trop faible nombre ou la localisation inopportune des lavabos, ou encore le recours à un savon inacceptable. Diverses investigations ont également révélé que les soignants connaissent mal les indications à l'hygiène des mains et que la perception de leur niveau propre de performance est bien supérieure à la réalité: ainsi, des médecins estimant leur attitude cohérante à 80%, affichaient une observance mesurée inférieure à 30%. Finalement, le niveau d'éducation médicale moyen des soignants sur ce sujet semble extrêmement faible. Plusieures études observationnelles ont chiffré l'observance moyenne des soignants à l'hygiène des mains au cours des soins; en moyenne, celle-ci est inférieure à 50%. Certains des paramètres clés associés à la mauvaise observance des pratiques d'hygiène des mains ont récemment été identifiés. Parmi ceux-ci, le nombre d'opportunités horaires au lavage hygiénique des mains: plus celui-ci est élevé, moins bonne est l'observance (Ann Intern Med 1999 ; 130 : 126-130). En d'autres termes, le mauvais respect des pratiques d'hygiène des mains semble être étroitement lié au nombre d'indications horaires et au temps à disposition pour sa pratique. La relation entre ces deux paramètres est linéaire et les conséquences importantes. Ainsi, en réanimation par exemple, on a pu démontré qu'une infirmière devrait recourir à un geste d'hygiène des mains pas moins de 20 fois par heure de soins en moyenne. Appliquant avec rigueur la technique conventionnelle de lavage des mains à l'eau et au savon, elle devrait donc passer au moins 30 minutes par heure de soins au seul geste d'hygiène des mains, ne laissant que la moitié du temps disponible aux soins dispensés au patient... Cette situation n'est pas compatible avec des soins de qualité (Ann Intern Med 1999; 130:126-130 - Infect Control Hosp Epidemiol 1997; 18:205-208). On comprendra dès lors aisément qu'une surcharge en soins puisse être associée à une mauvaise observance des pratiques élémentaires de soins, voire à un risque accru d'infections croisées. Les principaux éléments ou facteurs de risque impliqués dans les comportements d'observance de l'hygiène des mains figurent au tableau 3. Certains d'entre eux ont été identifiés par des enquêtes d'observation des pratiques doublées d'analyses épidémiologiques et statistiques permettant de les identifier comme facteurs de risque et de quantifier leur importance (facteurs de risque documentés); d'autres sont principalement mentionnés de façon répétée par les soignants (raisons rapportées). Les auteurs renvoient le lecteur à différentes revues récemment publiées sur le sujet pour ce qui est des nombreuses références bibliographiques relatives aux paramètres figurant au tableau 3 (voir notamment références : Lancet Infectious Diseases 2001 ; April : 9-20 - J Hosp Inf 2001 ; S40-46 - Am J uploads/Sante/ hygiene-des-mains.pdf

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  • Publié le Oct 23, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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