10 adsp n° 101 décembre 2017 Télémédecine : des pratiques innovantes pour l’acc
10 adsp n° 101 décembre 2017 Télémédecine : des pratiques innovantes pour l’accès aux soins Pratique médicale à distance, la télémédecine peut être une réponse aux défis auxquels est confrontée l’offre de soins. Des politiques publiques sont mises en œuvre pour la développer. Téléconsultation, télé-expertise, télésurveillance médicale, téléassistance médicale et régulation sont les 5 actes reconnus en télémédecine. Les définitions de la télémédecine La littérature regorge d’expressions consacrées à la santé numérique ou connectée. Les professionnels de santé médicaux parlent essentiellement de télé- médecine, alors que les ingénieurs informaticiens ou du numérique parlent surtout d’e-santé. Beaucoup de termes français sont la traduction de mots utilisés dans la littérature anglo-saxonne. E-health se traduit en français par « e-santé », telehealth par « télésanté ». En France, le terme télésanté intègre tous les domaines de la santé numérique, mais dans les pays anglo-saxons telehealth est surtout utilisé pour décrire les services de la télémédecine informative et telemedicine la pratique de la télémédecine clinique. Les ingénieurs informaticiens français utilisent les termes « e-santé » ou « télésanté » en y englobant la pratique de la télémédecine clinique [33], en continuité avec le courant créé au début des années 2000 par l’ingénieur informaticien australien John Mitchell, qui souhaitait remplacer la télémédecine par l’e-santé [39]. Cela crée une confusion entre le marché des outils de la télésanté (e-commerce) et les nouvelles pratiques et organisations professionnelles de la télémédecine. Pour faire contrepoids à cette vision technologique de la santé numérique, des professionnels de santé médicaux ont créé une société savante en 2006, la Société française de télémédecine, afin de faire connaître et de développer les pratiques de la télémédecine clinique [51]. Télémédecine clinique et télémédecine informative La télémédecine clinique et la télémédecine informative ont été définies par l’OMS en 1998 de la façon suivante : « La télémédecine clinique est une activité pro- fessionnelle qui met en œuvre des moyens de télécommunication numériques permettant à des médecins et d’autres membres du corps médical de réaliser à distance des actes médicaux pour des malades. La télémédecine informative est un service de communication audiovisuelle interactif qui organise la diffusion du savoir médical et des protocoles de prise en charge des malades et des soins dans le but de soutenir et d’améliorer l’activité médicale. » Pratiques de télémédecine et politique actuelle Pierre Simon Néphrologue, juriste de la santé, ancien président de la Société française de télémédecine Définitions et apports de la télémédecine pour la santé publique Les références entre crochets renvoient à la Bibliographie générale p. 54. adsp n° 101 décembre 2017 11 Pratiques de télémédecine et politique actuelle Autrement dit, la télémédecine clinique est une pra- tique à distance de la médecine par les professionnels de santé médicaux, alors que la e-santé ou télésanté correspond aux services commerciaux de la société des systèmes d’information en santé [13], que l’on appelle télémédecine informative. La distinction entre ces deux formes de télémédecine est importante, car elles ne sont pas soumises aux mêmes réglementations. Les services de la télémé- decine informative sont des prestations régies par le droit de la concurrence, qui relèvent des directives européennes de 1998 et 2000 sur l’e-commerce [13]. Tandis que les pratiques de la télémédecine clinique relèvent, en France, du droit de la santé et sont inscrites au Code de la santé publique. La télémédecine est entrée dans le droit français par la loi Hôpital, patients, santé et territoires, promulguée le 21 juillet 2009, qui lui a donné une définition correspondant à la locution télémédecine clinique de l’OMS et au rapport Simon- Acker de novembre 2008 [51]. La télémédecine clinique dans le Code de la santé publique L’article L. 6316‑1 du Code de la santé publique définit la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication qui met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel de santé médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient ». La télémédecine cli- nique « permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients ». Les apports de la télémédecine pour la santé publique : un accès aux soins amélioré La télémédecine clinique permet d’améliorer l’accès aux soins des populations et de corriger les inégalités d’accès géographiques en réduisant les pertes de chance qui y sont liées [50]. Accès aux soins dans les zones sans ressources médicales Les lieux isolés comme les îles, les zones montagneuses et les zones rurales reculées sont particulièrement concernés par les difficultés d’accès aux soins. La télé- médecine clinique est susceptible d’apporter une réponse à ces problématiques. Par exemple, dans les régions françaises d’outre-mer, elle peut aider à mieux gérer par des téléconsultations/télé-expertises les demandes d’évacuations sanitaires (Evasan), fréquentes et coû- teuses. En métropole, elle peut contribuer à améliorer l’accessibilité aux soins primaires par l’intermédiaire de plateformes de téléconseil médical personnalisé. Accès aux soins en prison Dans les prisons françaises, l’accès aux soins est très inégalitaire, du fait du coût élevé de l’extraction des prisonniers vers un établissement de soins pour une consultation. La stratégie nationale vise à corriger cette inégalité en développant des téléconsultations spécia- lisées (psychiatrie, dermatologie, etc.) dans les maisons d’arrêt, les centres de détention et les maisons centrales. Des modèles organisationnels ont été développés depuis 2010 dans plusieurs régions françaises, notamment en Ile-de-France et en Midi-Pyrénées. Prise en charge des AVC ischémiques L’accès aux soins spécialisés lors de la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral (AVC) illustre également une inégalité entre les territoires. En cas d’AVC ischémique (80 % des AVC), un traitement thrombolytique peut réduire le handicap neurologique s’il est administré dans Les cinq actes de la télémédecine L e décret n° 2010‑1229 du 19 oc- tobre 2010 donne les conditions de mise en œuvre de la télémédecine clinique en précisant les différentes pratiques médicales (art. R. 6316‑1) : 1. la téléconsultation : lorsqu’un patient consulte à distance un pro- fessionnel de santé médical ; 2. la télé-expertise : lorsque deux professionnels de santé médicaux ou plus donnent à distance leurs avis d’experts spécialistes sur le dossier médical d’un patient ; 3. la télésurveillance médicale : lorsqu’un patient atteint d’une mala- die chronique est suivi à son domicile par des indicateurs cliniques et/ou biologiques choisis par un profes- sionnel de santé médical, collectés spontanément par un dispositif médi- cal grâce à des algorithmes construits pour la pathologie concernée ou sai- sis directement par le patient ou un auxiliaire médical, puis transmis au professionnel médical via des services commerciaux de telemonitoring ; 4. la téléassistance médicale : lorsqu’un professionnel médical assiste à distance un professionnel de santé non médical ; 5. la réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médi- cale : elle se décline en plusieurs prestations médicales, dont l’aide médicale urgente et le téléconseil médical personnalisé [23]. \ 12 adsp n° 101 décembre 2017 Télémédecine : des pratiques innovantes pour l’accès aux soins un délai pouvant aller jusqu’à 4 h 30 après le début de l’accident (chez les moins de 80 ans) et si possible le plus proche de la première heure (moins de 3 heures pour les plus de 80 ans). Si les personnes qui vivent dans les grandes villes peuvent généralement être prises en charge dans une unité neurovasculaire (UNV) proche de leur lieu de résidence, ce n’est pas le cas de ceux qui vivent dans de petites agglomérations ou dans des zones éloignées d’une UNV. Aussi, l’organisation du « télé-AVC » entre l’UNV territoriale ou régionale et le service d’urgences hospitalier le plus proche du domicile permet au patient qui fait un AVC ischémique de recevoir un traitement thrombolytique dans le délai d’efficacité thérapeutique, avant de rejoindre l’UNV. Permanence des soins en imagerie L’usage de la télémédecine clinique pour améliorer la permanence des soins en imagerie médicale relève de deux constats. Le premier est la pénurie des ressources médicales au sein des petits établissements publics de santé pour interpréter toute l’imagerie réalisée dans les services d’urgences au cours de la période de perma- nence des soins, notamment la nuit et les week-ends. Le deuxième constat est l’hyperspécialisation actuelle de la radiologie, responsable du fait qu’un radiologue généraliste peut avoir besoin d’un deuxième avis spé- cialisé (télé-expertise) pour l’interprétation d’une image de coupe d’un organe (scanner, IRM). C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics ont souhaité développer la téléradiologie entre les différents établissements de santé d’un territoire ou d’une région, en utilisant toutes les compétences médicales disponibles, qu’elles soient privées ou publiques. Suivi des maladies chroniques Un meilleur suivi au domicile ou dans ses substituts (éta- blissements d’hébergement des personnes âgées dépen- dantes [Ehpad], autres structures médico-sociales) des patients atteints de maladies chroniques est aujourd’hui un objectif prioritaire de santé publique pour réduire les uploads/Sante/ ad-1011013.pdf
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Licence et utilisation
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- Publié le Jan 21, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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