Hyperoxalurie primitive P. Cochat, S. Fargue, J. Bacchetta, F. Beby, J.-F. Sabo
Hyperoxalurie primitive P. Cochat, S. Fargue, J. Bacchetta, F. Beby, J.-F. Sabot, J. Harambat Les hyperoxaluries primitives sont transmises sur le mode autosomique récessif ; il s’agit d’affections aussi rares que graves, engageant toujours le pronostic rénal et parfois aussi le pronostic vital, notamment dans les formes à début précoce. Le type 1, de loin le plus fréquent en Europe, résulte d’un déficit enzymatique (alanine-glyoxylate aminotransférase) au niveau des peroxysomes du foie, à l’origine d’une hyperoxalurie qui s’exprime initialement par des lithiases avec ou sans néphrocalcinose. Au fur et à mesure que la filtration glomérulaire se dégrade, une surcharge systémique apparaît et n’épargne aucun organe, mais l’essentiel du stockage de l’oxalate se fait au niveau du squelette. Le diagnostic repose sur l’hyperoxalurie et la confirmation du type d’hyperoxalurie est le plus souvent établie par l’analyse moléculaire (qui permet aussi un diagnostic prénatal). Le traitement conservateur (hyperhydratation, inhibiteurs de la cristallisation, pyridoxine) est essentiel et doit être entrepris le plus précocement possible. Aucune méthode de dialyse n’est suffisamment efficace pour compenser la surproduction d’oxalate, de sorte que la transplantation hépatique et rénale doit être planifiée relativement tôt, avant le stade d’insuffisance rénale avancée, pour limiter les dégâts de la thésaurismose. Il se peut que, à l’avenir, de nouvelles thérapeutiques remplacent ou complètent la transplantation d’organes (transplantation d’hépatocytes, molécules chaperonnes, etc.). © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Oxalose ; Hyperoxalurie primitive ; Lithiase ; Néphrocalcinose ; Pyridoxine ; Transplantation combinée hépatique et rénale Plan ¶ Introduction 1 ¶ Hyperoxalurie primitive de type 1 1 Introduction 1 Présentation 2 Diagnostic 2 Surcharge en oxalate 3 Approche moléculaire 4 Traitement conservateur 5 Traitements urologiques 5 Dialyse 6 Transplantation d’organes 6 Perspectives thérapeutiques 8 ¶ Hyperoxalurie primitive de type 2 8 Diagnostic 8 Approche moléculaire 8 Traitement 8 ¶ Autres types d’hyperoxalurie primitive 8 ¶ Conclusion 8 ■Introduction L’hyperoxalurie est un symptôme biochimique qui peut être la traduction d’une maladie héréditaire du métabolisme (hype- roxalurie primitive) ou la conséquence d’une pathologie acquise (hyperoxalurie secondaire). Deux types d’hyperoxalurie primitive (HP), seule abordée ici, sont identifiés : le type 1 (HP1) représente environ 80 % des cas et correspond à un déficit en alanine-glyoxylate aminotransfé- rase (AGT) ; le type 2 (HP2) est un déficit en glyoxylate- réductase/hydroxypyruvate réductase (GRHPR) ; tous deux sont la conséquence d’une anomalie sévère du métabolisme du glyoxylate. D’autres types d’HP (« non 1 – non 2 ») ont été rapportés dont la physiopathologie reste à préciser. ■Hyperoxalurie primitive de type 1 Introduction L’HP1 (OMIM#604285) est une affection de transmission récessive autosomique qui concerne une naissance vivante sur 120 000 en France [1] ; sa description initiale fut rapportée par Lepoutre en 1927. Depuis 1986, nous savons qu’elle est la conséquence d’un déficit en une enzyme normalement produite au niveau des peroxysomes hépatocytaires, l’AGT, dont le coenzyme est le phosphate de pyridoxine (vitamine B6) ; les premières mutations du gène AGXT ont été mises en évidence en 1990. La maladie s’exprime soit parce que la production de l’enzyme par le peroxysome est déficiente ou absente (déficit quantitatif en “ Point fort Oxalose provient du mot latin oxalis (oseille), lui même dérivé de oxus (aigu, pointu, acide). ¶ 18-064-M-10 1 Néphrologie AGT), soit parce qu’elle est délocalisée dans la mitochondrie, ce qui rend l’AGT inefficace (déficit fonctionnel en AGT). Ceci explique en partie la grande hétérogénéité phénotypique de l’affection, les déficits quantitatifs étant généralement plus sévères que les déficits fonctionnels. Ce déficit aboutit dans tous les cas à une production massive d’oxalate (Fig. 1). L’oxalate de calcium formé étant insoluble dans l’urine, les premiers symp- tômes concernent habituellement l’appareil urinaire. Présentation L’âge médian des premiers symptômes est de 5 à 6 ans, avec des extrêmes allant de la naissance à plus de 60 ans [1]. Il s’agit presque toujours de symptômes urinaires en rapport avec une pathologie lithiasique : douleur lombaire, colique néphrétique, hématurie macroscopique, infection urinaire, émission d’un calcul, découverte fortuite d’une néphrocalcinose ou de lithia- ses ; il peut aussi s’agir d’anomalies moins spécifiques en rapport avec l’altération de la fonction rénale : anémie, retard statural, découverte d’une acidose métabolique ou d’une augmentation de créatininémie. Outre les conséquences des épisodes d’obstruction et d’infection liés à la présence des lithiases, l’insuffisance rénale est le fait d’une atteinte tubulo- interstitielle progressive secondaire à la toxicité mitochondriale de l’oxalate sur les cellules épithéliales tubulaires d’une part [2], et à l’accumulation de l’oxalate de calcium dans le parenchyme rénal entraînant inflammation et fibrose d’autre part [3, 4]. Ceci conduit à une détérioration inéluctable de la filtration glomé- rulaire (FG) alors que la production hépatique d’oxalate reste inchangée. De ce fait, la concentration plasmatique d’oxalate augmente et les dépôts deviennent systémiques (on parle alors d’oxalose) : le squelette est le compartiment le plus concerné par la rétention d’oxalate. Le stade d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) est atteint entre 25 et 40 ans pour la moitié des patients [1]. Globalement, l’HP1 est à l’origine de 0,5 % des IRCT de l’enfant en Europe contre environ 10 % au Koweït et 13 % en Tunisie, probablement en raison du cumul d’une mutation fondatrice et de la fréquence de la consanguinité dans ces pays. L’HP1 se présente grossièrement sous cinq formes assez distinctes [5-7] : • la forme infantile (premiers symptômes avant l’âge de 1 an) est particulièrement sévère ; la progression vers l’IRCT résulte de l’importance de la production hépatique et de l’immatu- rité physiologique de la FG. La moitié des sujets atteints est déjà au stade d’IRCT lors du diagnostic et 80 % d’entre eux atteindront ce stade avant l’âge de 3 ans ; • la survenue de lithiases répétées associée à une altération progressive de la FG dans l’enfance ou l’adolescence ; • la forme tardive, avec émission de plusieurs lithiases à l’âge adulte ; • la récidive d’une symptomatologie lithiasique avec insuffi- sance rénale après transplantation sans diagnostic précis avant greffe ; • les sujets présymptomatiques à risque appartenant à une famille où un cas index a été identifié. Le phénotype de l’HP1 est donc très polymorphe, depuis les formes infantiles gravissimes jusqu’à l’élimination itérative de calculs après l’âge de 50 ans. Ceci s’explique en partie par la grande variété génotypique, mais il existe en outre d’importan- tes variations avec la même mutation au sein d’une même famille. Diagnostic Du fait de la rareté de la maladie et de la méconnaissance fréquente des maladies rénales héréditaires responsables de lithiases par les médecins, il se passe en moyenne 5 ans entre les premiers symptômes et le diagnostic. Ce diagnostic doit être évoqué sur des arguments principalement cliniques et radiolo- giques, et l’association lithiases (très radio-opaques, générale- ment multiples et bilatérales) - néphrocalcinose (topographie médullaire prédominante) - altération progressive de la fonction rénale est très évocatrice ; l’étude des antécédents collatéraux et la notion d’une consanguinité parentale renforcent l’hypothèse d’une maladie autosomique récessive. L’analyse morphologique du calcul, l’étude de la cristallurie et l’analyse des lithiases par spectrométrie infrarouge représentent une étape essentielle de l’approche diagnostique, permettant l’identification et la quantification des cristaux et des calculs (Fig. 2 à 4). Il s’agit de cristaux d’oxalate de calcium monohy- draté (ou whewellite de type 1c), et le volume cristallin excède généralement 200/mm3. Chez les patients ayant une FG normale ou peu altérée, l’association d’une hyperoxalurie (oxalate urinaire > 0,5 mmol/ 1,73 m2/24 h) et d’une hyperglycolaturie (glycolate urinaire > 0,5 mmol/1,73 m2/24 h) est très évocatrice d’HP1 (Tableau 1), mais quelques patients n’ont pas d’hyperglycolaturie [8]. Le dosage de l’oxalémie est techniquement délicat et ne permet pas à lui seul d’établir le diagnostic d’HP1 ; la concentration normale est inférieure à 7 μmol/l et elle augmente en cas d’insuffisance rénale de toute origine ; toutefois, les concentra- tions atteintes en cas d’HP1 sont généralement supérieures à 20 μmol/l. Au stade d’IRCT, et notamment chez les sujets devenus anuriques, les rapports oxalate/créatinine et glycolate/ créatinine plasmatiques sont utiles (Tableau 1), de même que le dosage d’oxalate et de glycolate dans le liquide de dialyse péritonéale le cas échéant. Lorsque le phénotype est évocateur, il est logique de proposer un génotypage ciblant les mutations les plus fréquentes en Peroxysome Hépatocyte Pyruvate Alanine Glycolate Glycine AGT DAO Glyoxylate Glyoxylate GO GO Oxalate Glycine Hydroxypyruvate GGT LDH LDH GR HPR D-glycérate L-glycérate Cytosol Oxalate Glycolate Augmenté en cas de HP1 et HP2 HP2 HP1 Blocage enzymatique de l'HP1 Blocage enzymatique de l'HP2 Figure 1. Métabolisme du glyoxylate dans le peroxysome hépatocy- taire humain : déficit enzymatique responsable de l’hyperoxalurie primi- tive de type 1 (HP1) et de type 2 (HP2). AGT : alanine-glyoxylate amino- transférase ; DAO : D-amino-oxydase ; GGT : glutamate-glyoxylate ami- notransférase ; GO : glycolate oxydase ; GR : glyoxylate réductase ; HPR : hydroxypyruvate réductase ; LDH : lactate déshydrogénase. “ À retenir « Chez un enfant de quatre ans et demi, opéré ou soigné pour calculs multiples de l’urètre, de l’uretère et des deux reins, une biopsie fait découvrir un parenchyme rénal bourré de concrétions cristallines d’oxalate de chaux. Ce cas réalise uploads/Sante/ hyperoxalurie-primitive-2006-pdf.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
- Catégorie Health / Santé
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