le clinicien novembre/décembre 2008 76 L’insuffisance surrénalienne : une entit

le clinicien novembre/décembre 2008 76 L’insuffisance surrénalienne : une entité sérieuse Édith St-Jean, MD, FRCPC Présenté dans le cadre de la conférence : Insuffisance surrénalienne, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, mai 2008 Le cas de Fanny Il s’agit de Fanny, âgée de 33 ans, qui se présente pour une asthénie. Elle est G2A0P2 et son dernier accouchement remonte à deux mois. Cette grossesse a été compliquée par un diabète gestationnel, traité sous diète, et par une prééclampsie. Cette patiente est connue pour un syndrome des antiphospholipides et pour une hypothyroïdie. Depuis un mois, elle présente une fatigue extrême. Elle a perdu 15 kg depuis l’accouchement et a maintenant un poids de 5 kg inférieur à celui pré-grossesse. Elle a des nausées sans vomissement et sans douleur abdominale. Elle n’a pas fait de température et n’a pas de tableau infectieux. Depuis l’accouchement, il n’y a pas eu reprise des menstruations ni de montée laiteuse. Cependant, elle dit ne pas avoir eu de montée laiteuse lors du premier bébé. Elle avait consulté son médecin deux semaines auparavant, qui avait tenté un antidépresseur. Comme médication, elle prend de la lévothyroxine 0,150 mg p.o. une fois par jour ainsi qu’un antidépresseur. Qu’arrive-t-il donc à Fanny? Dre St-Jean est endocrinologue au réseau santé Richelieu-Yamaska. Copyright © Vente et distribution commerciale interdites L’utilisation non autorisée est prohibée. Les personnes autorisées peuvent télécharger, afficher, visualiser et imprimer une coupie pour leur usage personnel Les causes d’insuffisances surrénaliennes Les causes d’insuffisances surrénaliennes sont énumérées au tableau 1. • Aujourd’hui, en Occident, la cause d’insuffisance primaire la plus fréquente est auto- immune, et pour l’insuffisance secondaire, c’est la prise exogène de stéroïdes. • Les atteintes infectieuses des surrénales proviennent soit de la tuberculose ou de mycoses, telle l’histoplasmose. • Les métastases sont rarement la cause d’insuffisances surrénaliennes aiguës. Les cancers, qui envahissent le plus souvent les surrénales, sont celui du sein, du poumon, de l’estomac et des lymphomes. • Les médicaments qui peuvent atteindre la fonction surrénalienne sont la rifampine, le phénobarbital et la phénytoïne, qui en augmentent le catabolisme, ainsi que la lévothyroxine. Il est donc primordial, si l’on suspecte une insuffisance surrénalienne, de ne pas corriger une hypothyroïdie sans qu’il y ait eu couverture avec des stéroïdes en attendant la confirmation du diagnostic, pour ne pas précipiter une insuffisance surrénalienne aiguë. Le kétokonazole, en bloquant la synthèse du cortisol, peut causer une insuffisance surrénalienne. • L ’apoplexie hypophysaire est une hémorragie (souvent dans un adénome) qui peut provoquer un effet de masse avec une céphalée, une atteinte de nerfs crâniens et de la vision, ainsi qu’une insuffisance surrénalienne aiguë ou panhypopituitarisme. Cette entité peut nécessiter une chirurgie de décompression urgente. • Les causes de crises surrénaliennes sont les infections, un stress physiologique et l’arrêt rapide de corticostéroïdes. 77 Tout sur la toux le clinicien novembre/décembre 2008 La présentation clinique L’insuffisance surrénalienne aiguë La présentation clinique de l’insuffisance surrénalienne aiguë est clas- sique. La personne est en choc avec des douleurs abdominales, des vomissements et un tableau infectieux. L’insuffisance surrénalienne chronique La présentation clinique de l’insuffisance surrénalienne chronique est plus insidieuse (tableau 2). Les laboratoires peuvent démontrer une hyponatrémie dans 65 % des cas, généralement secondaire à un SIADH (syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique). L’insuffisance surrénalienne primaire Il peut y avoir une hyperkaliémie dans 85 % des insuffisances pri- maires. L ’hypoglycémie est plus fréquente dans l’insuffisance pri- maire. L ’hypercalcémie est présente dans 6 % des cas. Le cortisol ayant un effet inhibiteur de la TSH, celle-ci peut être élevée au diagnostic et se normaliser après l’administration de corticostéroïdes. On peut aussi rencontrer une éosinophilie. L ’hyperpigmentation dans l’insuffisance primaire provient de l’ACTH (Adreno CorticoTropic Hormone) aug- mentée, ayant une activité intrinsèque de stimulation des mélanocytes. L’insuffisance surrénalienne secondaire La zone glomérulée, qui produit l’aldostérone, est contrôlée princi- palement par le système rénine-angiotensine plutôt que par l’ACTH. Il en résulte que dans l’insuffisance secondaire, compte tenu de surré- nales intactes, il n’y a pas de déficit en aldostérone. La présentation clinique démontre souvent une déshydratation moindre, et le potassi- um demeure normal comparativement à une hyperkaliémie retrouvée dans 85 % des cas d’insuffisance surrénalienne primaire. Le diagnostic (figure 1) La mesure du cortisol Pour faire le diagnostic d’une insuffisance surrénalienne, on mesure le cortisol. Si la valeur est supérieure à 400 nmol/L, le diagnostic est exclu en période de non-stress. Des valeurs inférieures à 275 nmol/L sont suggestives et inférieures à 80 nmol/L, elles sont très suspectes d’insuffisance surrénalienne. Le test à la cosyntropine Pour prouver le diagnostic, on peut procéder au test à la cosyntropine, soit 250 ug IM ou IV avec un dosage de cortisol aux 30 minutes (trois fois). La cosyntropine est de Insuffisance surrénalienne Tableau 1 Les causes de l’insuffisance rénalienne Insuffisance primaire (origine surrénalienne) Cause auto-immune Cause infectieuse Cause métastatique Cause médicamenteuse Cause hémorragique Insuffisance secondaire (origine hypophysaire) Usage de corticostéroïdes Chirurgie hypophysaire Lésion hypophysaire tumorale Apoplexie hypophysaire Post-partum (sheehan) Hypophysite lymphocytaire Déficit isolé,ACTH Tableau 2 Présentation clinique de l’insuffisance surrénalienne chronique Graduelle et insidueuse Asthénie Faiblesse/myalgies/arthralgies Anorexie Perte de poids Sensibilité accrue à certains médicaments Nausée Alternance diarrhée/constipation Vomissement et douleur abdominale Hypotension Hyperpigmentation/vitiligo Aménorrhée 78 le clinicien novembre/décembre 2008 l’ACTH qui va donc stimuler la sécrétion de cortisol par les surrénales. La cortiso- lémie doit augmenter jusqu’à 550 nmol/L pour exclure une insuffisance surrén- lienne. La dose de la cosyntropine est parfois diminuée à 1 ug pour augmenter la sensibilité du test, particulièrement dans les cas où l’on suspecte une insuffisance surrénalienne secondaire récente où les surrénales atrophiées pourraient répondre à une dose supraphysiologique d’ACTH. Le test de stress à insuline Le stress à insuline est le test de référence, et celui-ci consiste en l’induction d’une hypoglycémie (glycémie au moins à 2,2 mmol/L) pour stimuler la sécrétion de cortisol. Donc, on ne peut pas faire ce test si le taux de cortisol du matin est très bas chez les coronariens et ceux atteints d’épilepsie. Ce test est de plus en plus remplacé par les tests à la cosyntropine. Le dosage de l’ACTH Une fois l’hypocorticisme prouvé, on doit en déterminer l’étiologie, et le dosage de l’ACTH nous permettra de différencier une atteinte des surrénales (s’il est élevé) ou de l’hypophyse (s’il est abaissé ou normal). La tomographie axiale S’il s’agit d’une insuffisance primaire, on complète l’investigation par une tomo- graphie axiale des surrénales. On peut aussi faire le dosage des anticorps et la mesure de la rénine et de l’aldostérone. P our faire le diagnostic d’une insuffisance surrénalienne, on mesure le cortisol. Si la valeur est supérieure à 400 nmol/L, le diagnostic est exclu en période de non-stress. Insuffisance surrénalienne Investigation Figure 1. Le diagnostic de l’insuffisance surrénalienne Investigation Suspicion insuffisance surrénalienne Cortisolémie abaissée normale Test à la cosyntropine Stress insulinique anormal ACTH normale ou basse élevée Hypophyse Surrénales IRM Anticorps Scanner 79 le clinicien novembre/décembre 2008 Le bilan hormonal hypophysaire S’il s’agit d’une insuffisance secondaire, on complète par un bilan hormonal hypophysaire comprenant la mesure de la prolactine, un dosage de la FSH + LH, une mesure de la testostérone ou d’estradiol, selon le sexe, et un dosage de la TSH, T3 et T4. On ajoute aussi une résonance magnétique de la selle turcique. Le traitement La crise surrénalienne aiguë Le traitement d’une crise surrénalienne aiguë consiste en une réani- mation volémique et un apport en stéroïdes, habituellement de l’hydrocortisone 50 à 100 mg IV aux huit heures. On se doit d’écarter toute causes infectieuses. Selon l’évolution clinique, les doses d’hydro- cortisone sont diminuées rapidement en gardant l’hydrocortisone 20 mg le matin et 10 mg en soirée avec de la fludrocortisone, dans la majorité des cas d’insuffisance primaire. L’insuffisance chronique Le traitement chronique consiste à déterminer la dose minimale requise. La production de cortisol oscille entre 8 et 15 mg/jour. Celle-ci peut augmenter jusqu’à 150 mg par jour en situation de stress. De ce fait, plusieurs personnes nécessitent moins de 30 mg/jour d’hydrocortisone, et on administre souvent entre 15 à 25 mg par jour en deux ou trois doses. La clinique est le meilleur outil que l’on ait actuellement pour juger la dose. Un changement de poids, des nausées, des vertiges et une hypertension peuvent être des signes de sous- ou surtraitement. Il y a trop de variabilité intra-individuelle pour se fier aux cortisoluries des 24 heures. Les dosages de la rénine, de l’aldostérone ainsi que des électrolytes aident à l’ajustement de la médication. Il est important d’enseigner aux personnes qu’elles doivent porter un bracelet qui explique leur condition. De plus, si elles ont une maladie virale fébrile, elles doivent doubler ou tripler leur dose pendant deux ou trois jours pour éviter une crise surréna- lienne. V ous trouverez au tableau 3 les ajustements de dosage suggérés pour certaines situations. Le sevrage de la médication Pour éviter de précipiter une crise surrénalienne chez ceux qui ont reçu une cortico- thérapie à long terme, on se doit de sevrer la médication. L ’effet sur l’axe est très varia- ble d’une personne à l’autre. Habituellement, on mentionne que 5 uploads/Sante/ l-x27-insuffisance-surrenalienne-une-entite-serieuse.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 29, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1070MB