La médecine sacrée en Égypte par Claudine Brelet-Rueff (Revue Question De. No 5

La médecine sacrée en Égypte par Claudine Brelet-Rueff (Revue Question De. No 5. 4e trimestre 1974) La médecine égyptienne, pour une bonne part encore inconnue de nos jours, était auréolée de la gloire et de l'énigme des dieux, mais elle était également, et dès le IVe millénaire avant notre ère, une science précise, infiniment nuancée. Les thérapies de l'âge pharaonique peuvent nous étonner, mélanges de précisions objectives et de formules magiques. Cependant, elles recèlent déjà tout le devenir médical de la Grèce et de Rome, et de Rome jusqu'à nous. L’article nous informe ici de ce qu'était l'univers médical égyptien. En Égypte, science et religion sont étroitement liées. Les médecins-magiciens ne prétendent pas être les auteurs des incantations et des exorcismes, des préparations médicamenteuses ou autres techniques thérapeutiques : ils apprennent leur science et leur puissance dans les « Maisons de Vie », sortes de temples-universités, léguées directement par Thot, le dieu compatissant que Râ, le dieu soleil, chargea de protéger l'humanité. Leur savoir leur vient directement des dieux. « Je suis sorti d'Héliopolis avec les Grands des temples (les dieux), ceux qui détiennent la protection, les seigneurs de l'éternité... Ils m'ont donné leur protection ; j'ai des formules qu'a faites le Maître universel (le dieu soleil, Râ) pour faire disparaître la douleur causée par un dieu ou une déesse, par un mort ou une morte... et qui est dans ma tête, dans mes vertèbres, dans mes épaules, dans ma chair, dans mes membres, et pour châtier le Calomniateur (le diable), le chef de ceux qui font entrer le désordre dans ma chair et la maladie dans mes membres, comme quelque chose qui entre dans ma chair, ma tête, mes épaules, mon corps, mes membres. J'appartiens à Râ. Il a dit: "C’est moi qui protégerai le malade contre ses ennemis. Ce sera Thot son guide, lui qui fait parler les écrits et qui est l'auteur des formules; il donne l'habileté aux savants et aux médecins-magiciens, ses disciples, pour soulager de la maladie celui que Dieu désire maintenir en vie." » Ce texte provient du papyrus Ebers1, document le plus célèbre sur la médecine égyptienne et qui fut exhumé à Thèbes. Comment on devient médecin Hérodote écrit: « La médecine est si sagement distribuée en Egypte qu'un médecin ne s'occupe que d'une seule espèce de maladie et non de plusieurs. Tout y est plein de médecins: les uns pour les yeux, les autres pour la tête, ceux-ci pour les dents, ceux-là pour les maux de ventre, d'autres, enfin, pour les maladies Internes. » 1 De tous les papyrus médicaux, c'est le mieux conservé et l'un des documents capitaux sur la Médecine sacrée des Égyptiens. Long de 20,23 m et large de 0,30 m, il comporte 108 pages mais, dans le numérotage, l'on passe de la page 27 à la page 30. Il comporte donc effectivement 110 pages, nombre qui est celui du terme ultime de la longévité humaine pour les Égyptiens. Ceci est sans doute valable pour la période des Ptolémées. Mais, dans les périodes anciennes, les médecins les plus réputés n'étaient pas des spécialistes et ils pratiquaient la médecine conjointement à la magie. Si, les temps des Pharaons ne connaissaient pas la spécialisation du médecin, il existait néanmoins des traités spécifiques pour chaque catégorie de maladie. Le papyrus Smith2, traduit et commenté par J.-H. Breasted, révèle un ordre logique des connaissances, qui démontre irréfutablement que les Égyptiens de l'époque pharaonique étaient loin d'être dépourvus d'esprit scientifique, comme on l'a cru si longtemps, pour en attribuer la paternité aux Grecs. Une fois de plus, soulignons ici que nous ne tenons pas notre médecine d’Hippocrate en tant qu'inventeur, mais que le « Vieillard de Cos », grand initié des temples de Thot, fut chargé par leurs prêtres et médecins-magiciens de porter le flambeau de leurs connaissances jusqu'à une autre étape du développement de l’humanité occidentale3. Une lecture attentive des traités d'Hippocrate permet de reconstituer le chemin que doit parcourir celui qui devient prêtre et médecin-magicien. Pour Hippocrate, fidèle à l'enseignement des temps anciens de l'Égypte, il est une première et principale condition : le talent naturel. L'être doué de bonnes dispositions parviendra seul à acquérir cet art qu'on ne peut posséder sans intelligence, qu'il faut étudier tant qu'on est jeune, et dans un lieu propice à cet apprentissage. Il faut, de plus, être capable de travailler beaucoup et longtemps, commencer d'étudier de bonne heure et être de bonnes mœurs. Il existe encore une ultime condition : avoir le temps, qui seul donne la possibilité de fortifier, nourrir et mûrir toutes choses. Hippocrate ajoute encore4 : « Les choses sacrées ne doivent être enseignées qu'aux personnes pures ; c'est un sacrilège de les communiquer aux profanes avant de les avoir initiés aux mystères de la science. » Cette petite phrase lue dans ses Prolégomènes doit inviter le curieux à méditer longuement sur l'enseignement de celui qui a donné son nom au serment que prêtent toujours nos jeunes médecins le jour de leur intronisation. 2 Rédigé en écriture hiératique (= abrégée et cursive), le papyrus Edwin Smith se divise en trois parties. La première est un traité de chirurgie, de médecine chirurgicale, de thérapeutique externe et d'anatomie; la seconde est une incantation « pour détourner le vent de l'année de la peste » ; la troisième, une incantation pour « transformer un vieil homme en un jeune homme de vingt ans ». Le corps humain y fait l'objet d'observations (titre général ou nom de la maladie, examen médical ou description des symptômes, diagnostic, pronostic) comparables à celles que l'on trouve dans nos traités modernes. 3 Voir Mythes et Mystères Egyptiens, Rudolf Steiner (Paris, éditions Triades, 1971). 4 Cf. « Institutions d'Hippocrate », ou exposé philosophique des Principes Traditionnelle de la Médecine, suivi d'un résumé historique du Naturisme et du Vitalisme et de l'Organicisme et d'un essai sur la Constitution de la Médecine », par le Dr T.C.E. Edouard Auber (Paris, Germer Baillière Libraire-Editeur, 1864). La marche du cœur et sa connaissance Le signe hiéroglyphique qui représente le cœur suspendu à l'artère est composé phonétiquement par trois signes qui signifient respectivement : la vibration ou l'air, l'être individualisé porteur de vie sur terre et la bouche par laquelle passe la respiration qui se manifeste dans le battement du cœur. Ce signe du cœur signifie « être bon ». Il constitue la base à partir de laquelle se forment d'autres hiéroglyphes signifiant le bien, l'utilité, la beauté. L'intelligence se place au cœur pour les Égyptiens. La première référence à la numération du pouls remonte à l'Égypte pharaonique dans l'histoire de la médecine occidentale5. « Le cœur parle », dit le papyrus Ebers, la première encyclopédie médicale. « Si l'on met les doigts sur la tête, sur la nuque, les mains, les deux bras, les jambes, partout l'on rencontre le cœur, car ses vaisseaux vont dans tous les membres. » Le cœur est un organe qui a toujours fasciné les anciens Égyptiens. Deux mots le désignent : haty ou ib. Parfois, le mot ib désigne aussi l'estomac qui est considéré comme « l'ouverture du cœur ». Une inscription de la XXIIe dynastie nous laisse ce témoignage : « Le cœur » est un dieu dont la chapelle est l'estomac, et celui-ci se réjouit quand les autres membres sont en fête. » Le commencement du secret du médecin est : connaissance de la marche du cœur et connaissance du cœur. Le papyrus Ebers contient un Traité très ancien consacré spécifiquement au cœur et aux vaisseaux. Il se compose d'un exposé théorique sur cet organe, ses fonctions et les « vaisseaux », ainsi que d'un recueil de gloses. Le mot metou est traduit par « vaisseaux ». Mais ce mot désigne aussi ce que nous nommons muscles et ligaments. Ces metou, au nombre de quarante-six dans ce Traité, sont décrits comme des conduits creux remplis de liquides, de déchets et d'air. Le cœur, par l'intermédiaire des metou, distribue l'énergie et régularise dans tous ses détails le fonctionnement régulier de l'organisme humain. Le cœur, siège de l'intelligence et de la bonté, est également le centre moteur et directeur du corps physique de l'homme. Le sang fait partie de ces liquides conduits par les metou. 5 Selon le papyrus Smith, traduit et commenté par Breasted, les Egyptiens utilisaient de petits clepsydres (= horloges à eau) portatifs, dès la XVIIIe dynastie, pour mesurer le pouls. L'un de ces instruments a été trouvé dans les fouilles de Gaza, en Palestine, et porte le nom du Pharaon Mine-Ptah (XIXe dynastie). Dans le célèbre Traité de la marche et de la connaissance du cœur du papyrus Ebers, on peut lire : « Quatre metou vont aux deux oreilles, deux à la droite et deux à la gauche. Le souffle de vie entre par l'oreille droite et le souffle de mort par l'oreille gauche. Ou bien ce souffle de vie entre du côté droit et le souffle de mort du côté gauche. » Les metou sont donc aussi bien conducteurs des forces de vie que des uploads/Sante/ la-medecine-sacree-en-egypte-1974-claudine-brelet.pdf

  • 37
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 15, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2658MB