Mr. S âgé de 31 ans, célibataire et sans profession, atteint d’une schizophréni

Mr. S âgé de 31 ans, célibataire et sans profession, atteint d’une schizophrénie, a été admis en placement judicaire dans un service psychiatrique fermé après un non-lieu pour coups et blessures volontaires sur ascendant. Il était déjà connu pour comportement agressif pour lequel il a écopé de la prison ferme puis a bénéficié d’un suivi psychiatrique rapidement interrompu après une courte hospitalisation. A son admission le patient était excité, délirant et agité, il s’opposait à son hospitalisation et se montrait très sthénique. L’examen somatique et le bilan biologique étaient normaux. Un traitement oral par des neuroleptiques classiques est alors instauré dans un premier temps (halopéridol 20 mg/j ; lévomépromazine 100 mg/j) puis switché vers un NAP en forme injectable vu l’absence d’insight, les antécédents de rupture thérapeutique et le risque héréroagressif. Le switch a été réalisé selon le schéma suivant : J1 : 1 injection de 25 mg de décanoate de fluphénazine ; J8 : 1 injection 25 mg de décanoate de fluphénazine ; J15 : 1 injection de 50 mg de décanoate de fluphénazine. Entre temps, l’halopéridol a été diminué progressivement jusqu’à l’arrêt. La tolérance du médicament était bonne et il n’a pas été noté d’effets secondaires importants. L’hospitalisation dura 50 jours et à sa sortie le patient fût orienté vers la consultation externe de l’hôpital psychiatrique relevant de son secteur pour le relais du suivi en ambulatoire. Son traitement était alors : décanoate de fluphénazine 100 mg par mois, lévomépromazine 100 mg par jour et trihexyphénidyle 5 mg par jour. Il consulta l’hôpital psychiatrique de son secteur un mois après et eut le renouvellement de son traitement et l’injection après un examen médical. Treize jours après cette dernière consultation, le patient est admis dans le service de psychiatrie fermé pour un syndrome catatonique (faciès figé, cireux, rareté du clignement palpébral, mutisme et état stuporeux). Son état s’aggrave rapidement et il fût transféré le lendemain vers un hôpital général où il décéda dans un tableau de coma fébrile et état catatonique avant que des bilans complémentaires n’aient pu être réalisés. Suite à cela, la famille a déposé une plainte considérant le renouvellement du traitement et la deuxième injection comme étant la cause du décès et accusant le médecin d’avoir commis une faute médicale. La plainte a été retenue par la justice et une enquête fût diligentée. Une autopsie pratiquée sur requête du parquet a conclu à une mort naturelle. Le médecin légiste a conclu en ces termes : la cause du décès était secondaire aux troubles circulatoires et … hémodynamiques engendrés par une importante infection généralisée, avec une CIVD (coagulation intravasculaire disséminée) corollaire de l’infection qui aurait pu être aggravée par l’injection de la 2ème ampoule de décanoate de fluphénazine dont on ignore les circonstances exactes de son administration. Pour les compléments de l’enquête, un psychiatre a été réquisitionné par la police judicaire, en se référant à l’article 49 du code de procédure pénale, pour répondre à des informations techniques concernant le médicament en question (décanoate de fluphénazine). Il a établi un rapport détaillant les indications, les effets thérapeutiques, les effets secondaires bénins et graves et les conditions de prescription. A l’issue de l’enquête préliminaire de la police judiciaire, le juge d’instruction a qualifié l’affaire en homicide involontaire se référant à l’article 288 du code pénal qui stipule que : quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commet involontairement un homicide, ou en est involontairement la cause, est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans, et d’une amende de 1.000 à 20.000 DA [6]. Le médecin qui a renouvelé le dernier traitement s’est retrouvé le principal accusé alors que l’infirmière qui a procédé à l’injection du médicament et le psychiatre du service fermé qui a instauré le traitement ont été auditionnés comme témoins. S’en est suivies les auditions des concernés, par le juge d’instruction puis le renvoi de l’affaire pour jugement sans expertise préalable et sans que les faits ne soient complètement clarifiés tant sur le plan médical que légal. Sur requête du médecin accusé, la section ordinale régionale des médecins a donné un avis technique sur l’affaire considérant qu’au vu des informations du dossier il n’y a pas eu de faute ou d’erreur médicale et qu’on ne peut lier la cause du décès à l’injection en l’absence de preuves matérielles tangibles. Ce rapport a été utilisé par le médecin pour sa défense. Lors du procès, le procureur de la république a requis une année de prison ferme et 500 000 DA d’amende. L’avocat du médecin a mis en avant l’inconsistance du dossier d’instruction qui s’est fondé sur des faits hypothétiques et par l’absence d’expertise sur une affaire très technique et complexe, ce qui aurait justifié un non-lieu plutôt que le renvoi pour jugement. Finalement le médecin fût acquitté en première instance et en appel. DISCUSSION Discussion clinique Le SMN associe dans son expression clinique complète un état catatonique, une hyperthermie, des troubles neurovégétatifs (tachycardie, tachypnée, hypertension), et des troubles psychiques (agitation, excitation, confusion…) [1-4]. Il n’y a pas de consensus sur les critères diagnostiques du SMN, le DSM 5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) n’énumère pas des critères précis [7]. Le diagnostic du SMN est un diagnostic d’exclusion, ceci requiert d’écarter les diagnostics différentiels comme les états infectieux (méningite, encéphalite, sepsis), les autres syndromes neuropsychiatriques (catatonie maligne idiopathique, confusion, état de mal épileptique non …………….. CAS CLINIQUE Benmebarek Z, et al. Batna J Med Sci 2016;3:125-128 127 convulsif), les causes toxiques (abus de substance, agitation anticholinergique, syndrome sérotoninergique) et endocrinologiques (thyrotoxicose, phéochromocytome) [1,2,8,9]. La biologie du SMN consiste en une hyperleucocytose, une élévation des CPK, une myoglobinurie, élévation des transaminases et de LDH, une acidose métabolique, une hyperglycémie et une dysnatrémie [5]. Le SMN survient généralement dans les premiers jours surtout durant les premières 72 heures suite à l’initiation du traitement ou à son augmentation [7] et il est rare après le premier mois (environ 4%) [3]. Dans notre cas, la symptomatologie clinique était en faveur d’un SMN mais sa survenue 6 semaines après l’introduction du neuroleptique semble inhabituelle bien qu’elle reste possible. L’évolution rapidement létale vers le décès n’a pas permis de faire tous les examens complémentaires pour écarter d’autres étiologies, condition nécessaire pour envisager le diagnostic de SMN. Si le SMN peut se résoudre spontanément à l’arrêt des neuroleptiques, il peut être mortel dans 10 à 20 % des cas malgré les mesures de réanimation [1,3,5]. Le traitement se base sur l’arrêt du neuroleptique, des mesures de réanimation et un traitement symptomatique (Dantrolène, Bromocriptine ou Amantadine) [1,10]. Le décès est secondaire aux complications qui peuvent résulter du SMN (arrêt cardiaque ou respiratoire, insuffisance cardiaque, infarctus, arythmie, pneumonie, embolie pulmonaire, insuffisance rénale myoglobinurique ou CIVD) [3]. Les résultats de l’autopsie sont non spécifiques et variables dépendant des complications [3,11,12]. Les résultats de l’autopsie du cas décrit confortent les données de la littérature et sont en rapport avec les complications infectieuses et les troubles de la coagulation. Discussion légale Les poursuites légales suite au décès par SMN sont habituelles bien que les données de la littérature sur le sujet soient rares. Les poursuites peuvent être justifiés ou non. Il a été reproché aux médecins de poursuivre le traitement neuroleptique malgré l’apparition de symptômes du SMN, de ne pas évoquer le SMN devant toute catatonie fébrile chez un patient sous neuroleptique, de ne pas utiliser le dantrolène et la bromocriptine à forte doses et rapidement, ou l’utilisation d’un neuroleptique chez un patient qui a développé antérieurement un SMN [5]. Ce cas a été instruit sans avoir recours à une expertise judicaire (psychiatrique et légale) sur une affaire technique et complexe pour déterminer la cause réelle du décès, l'incrimination du médicament et la responsabilité du médecin. Elle était la seule qui aurait permis de répondre à des questions directes et précises et aurait tranché sur l’imputabilité du décès et sur la cause de la mort et de statuer sur la responsabilité ou non du médecin ou du médicament. Le juge ne peut donner son avis que sur la forme de l’affaire qui à priori ne comportait aucune faute ou erreur. Il faut rappeler que l’article 143 du code de procédure pénale recommande l’expertise dans les questions d’ordre techniques qui peut être demandée soit par le ministère public, soit d’office, soit à la demande des parties. Au cas où le juge estime ne pas devoir faire droit à une expertise il doit rendre une ordonnance motivée [13]. La conclusion du rapport d’autopsie a, certes, donné une cause présumée de la mort ainsi que sa forme médico-légale …. (naturelle), mais a passé outre son objectif et a semé un doute juridique par une formulation qui, normalement, n’aurait pas eu lieu à figurer dans un rapport médico-légal. Ce qui a fait qu’au lieu d’éclairer l’affaire et apporter des réponses objectives et crédibles, ce rapport a ajouté de la confusion et a semé le doute sur la cause de la mort et a été le point de départ de l’incrimination du médicament dans le décès. Dans un uploads/Sante/ med-legale.pdf

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  • Publié le Mai 07, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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