doi:10.1684/abc.2016.1153 517 Pour citer cet article : Bilhou-Nabéra C, Bidet A

doi:10.1684/abc.2016.1153 517 Pour citer cet article : Bilhou-Nabéra C, Bidet A, Eclache V, Lippert E, Mozziconacci MJ. Place de la cytogénétique dans la prise en charge des néoplasmes myéloprolifératifs autres que la leucémie myéloïde chronique : actualisation par le Groupe francophone de cytogénétique hématologique (GFCH). Ann Biol Clin 2016 ; 74(5) : 517-23 doi:10.1684/abc.2016.1153 Synthèse Ann Biol Clin 2016 ; 74 (5) : 517-23 Place de la cytogénétique dans la prise en charge des néoplasmes myéloprolifératifs autres que la leucémie myéloïde chronique : actualisation par le Groupe francophone de cytogénétique hématologique (GFCH) Cytogenetics in the management of Philadelphia-negative myeloproliferative neoplasms: an update by the Groupe francophone de cytogénétique hématologique (GFCH) Chrystèle Bilhou-Nabéra1 Audrey Bidet2 Virginie Eclache3 Eric Lippert4 Marie-Joëlle Mozziconacci5 1 Laboratoire d’hématologie, Unité de cytogénétique onco-hématologique, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP , Paris, France <chrystele.bilhou-nabera@aphp.fr> 2 Laboratoire d’hématologie-cytogénétique, Hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, Pessac, France 3 Laboratoire d’hématologie et de cytogénétique, Hôpital Avicenne, AP-HP , Bobigny, France 4 Laboratoire d’hématologie biologique, CHRU de Brest & Equipe Ecla, Inserm U1078, Université de Bretagne occidentale, Brest, France 5 Laboratoire de cytogénétique et biologie moléculaire, Institut Paoli-Calmettes, Marseille, France Article rec ¸u le 24 février 2016, accept´ e le 29 février 2016 Résumé. Ces dernières années ont vu la description de très nombreuses anoma- lies moléculaires dans les néoplasmes myéloprolifératifs (NMP) hors leucémie myéloïde chronique (LMC). Outre une meilleure compréhension physiopatho- logique, ces anomalies constituent souvent des tests diagnostiques fort utiles dans des pathologies dont le diagnostic était souvent un diagnostic d’exclusion. La cytogénétique conventionnelle et moléculaire garde pourtant toute sa place dans ce contexte, soit en seconde intention, en l’absence de marqueurs molé- culaires spécifiques, afin d’apporter une preuve de clonalité ou d’aider au diagnostic différentiel, soit d’emblée dans les formes hyperleucocytaires à titre de diagnostic différentiel (LMC), pour mettre en évidence des anomalies pou- vant être ciblées par des traitements spécifiques (ABL1, RET, PDGFR. . .) ou encore pour l’évaluation pronostique. Nous passons en revue ici l’intérêt de la cytogénétique dans ces différentes pathologies. Mots clés : anomalies cytogénétiques, FISH, néoplasmes myéloprolifératifs Philadelphie-négatifs Abstract. The recent years have witnessed tremendous progress in the mole- cular characterization of Philadelphia-negative myeloproliferative neoplasms (MPN). Beside a better understanding of pathophysiology, these abnormalities often constitute very useful diagnostic markers in diseases where exclusion of reactive states used to be the strongest argument. However, conventional and molecular cytogenetics keep a major interest in MPN, either as a second line exploration, in cases where no molecular marker is available, for differential diagnosis or as a proof of clonality or in first line for cases with hyperleuko- cytosis, for differential diagnosis (CML), to evidence druggable targets (ABL1, RET, PDGFR. . .) or as a prognosis marker. In this article, we will review the interest of cytogenetic techniques in myeloproliferative neoplasms. Key words: cytogenetic abnormalities, FISH, philadelphia-negatives myelo- proliferative neoplasms On regroupe classiquement sous le terme de néoplasmes myéloprolifératifs (NMP) autres que la leucémie myé- loïde chronique (LMC), la polyglobulie de Vaquez (PV), la thrombocytémie essentielle (TE) et la myélo- fibrose primitive (MFP). S’y ajoutent les entités rares comme les leucémies neutrophiles chroniques ou les syndromes myéloprolifératifs inclassables. À noter, les syndromes myéloïdes ou lymphoïdes caractérisés par une Tirés à part : C. Bilhou-Nabéra 518 Ann Biol Clin, vol. 74, n◦5, septembre-octobre 2016 Synthèse hyperéosinophilie et un remaniement des gènes PDGFRA (4q12), PDGFRB (5q33) ou FGFR1 (8p11), bien que fai- sant l’objet d’une catégorie spécifique dans la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 2008 (World health organization (WHO 2008)) [1], seront également traités ici. Enfin, selon la classification de l’OMS, les syndromes myé- loprolifératifs/myélodysplasiques (NMP/SMD) peuvent être rapprochés de ce groupe et sont représentés par la leu- cémie myélomonocytaire chronique (LMMC), la leucémie myélomonocytaire juvénile (LMMJ), la leucémie myéloïde chronique atypique (LMCa), les syndromes myéloproli- fératifs/myélodysplasiques inclassables (NMP/SMD-U) et l’anémie réfractaire sidéroblastique avec thrombocytose (ARSI-T). L’intérêt diagnostique d’une étude cytogénétique est avant tout d’écarter le diagnostic de leucémie myéloïde chro- nique (LMC) devant tout néoplasme myéloprolifératif en effectuant un caryotype (ou une recherche du transcrit BCR- ABL1 en fonction de l’organisation des laboratoires). Dans le cadre de l’exploration d’une thrombocytose et d’une polyglobulie, l’analyse cytogénétique n’est pas un examen de première intention. Il pourra être éventuellement réa- lisé dans un second temps pour mettre en évidence un marqueur de clonalité si la recherche des marqueurs molé- culaires, réalisée après avoir éliminé les causes classiques de thrombocytose et polyglobulie secondaire, s’est avérée négative. En effet, si aucune anomalie cytogénétique n’a de carac- tère spécifique pour chacun de ces syndromes, la mise en évidence de l’une d’elles signe le caractère clonal et est en faveur du caractère malin de ces pathologies. Elle peut donc permettre un diagnostic différentiel. Pour quelques entités comme la MFP et la LMMC, une valeur pronostique est attribuée à un groupe de risque cyto- génétique identifié. La découverte des mutations de JAK2, puis des autres ano- malies moléculaires « driver » (MPL, CALR) a totalement changé la prise en charge des NMP au diagnostic par rapport aux recommandations de 2004 [2]. Il faut également souligner la nécessité de conserver des cellules pour effectuer la recherche rétrospective de mar- queurs qui seraient ultérieurement décrits, recherche utile dans le cadre du diagnostic et du suivi thérapeutique. Les différents néoplasmes myéloprolifératifs autres que la LMC L’incidence des anomalies cytogénétiques dans les NMP est évaluée, selon une étude de Bacher et al. [3] à 35 % pour la PV, 3 % pour la TE, 40 % pour la MFP, 24 % pour la LMMC et 7 % pour les syndromes hyperéosinophiliques. Les principales anomalies et leur fréquence sont décrites dans le tableau 1. Les anomalies moléculaires successivement identifiées dans les néoplasmes myéloprolifératifs (NMP) depuis 2005 ont conduit à une modification de la démarche diagnostique dans ce groupe de pathologies. Une leucémie myéloïde chronique est éliminée devant la négativité du transcrit BCR-ABL1 recherché en biologie moléculaire et/ou par une absence de chromosome Philadelphie en cytogéné- tique conventionnelle ou moléculaire. Il faut cependant être prudent dans ce cas compte tenu de la possibilité d’un rema- niement BCR-ABL1 en l’absence de t(9;22) à la faveur d’un réarrangement infra-cytogénétique (Philadelphie masqué). Une recherche de la mutation JAK2V617F est réali- sée en première intention. La fréquence de la mutation JAK2V617F varie selon les NMP : polyglobulie de Vaquez (∼95 %), myélofibrose primitive (∼50 %), thrombocyté- mie essentielle (50-60 %). La mutation JAK2V617F est plus faiblement représentée dans les syndromes myéloproliféra- tifs mixtes (19 %) et la leucémie myélomonocytaire (8 %). Si la mutation JAK2V617F n’est pas retrouvée, elle pourra êtresuiviedelarecherched’unremaniementmoléculairede l’exon9delacalréticuline(CALR)(délétionet/ouinsertion) Tableau 1. Fréquence des principales anomalies cytogénétiques : d’après une étude effectuée par Bench et al. [5]. Types d’anomalie Polyglobulie de Vaquez (%) Myélofibrose primitive (%) Thrombocytémie essentielle (%) del(20q) 8,4 7,1 0,2 del(13q) 3,0 6,3 0,7 trisomie 8 6,9 5,0 0,9 trisomie 9 6,6 1,0 0,2 trisomie 1q 3,6 3,5 0 del(7q)/-7 0,9 3,8 0 del(5q)/-5 3,2 1,5 0 Pourcentage de patients avec une ou plusieurs anomalies 33,7 39,5 5,0 Ann Biol Clin, vol. 74, n◦5, septembre-octobre 2016 519 Place de la cytogénétique dans la prise en charge des NMP et de l’exon 10 de MPL (surtout W515) pour les suspicions de TE ou de MFP, et de la recherche d’une mutation de l’exon 12 de JAK2 pour les suspicions de PV. La mutation du régulateur épigénétique TET2 est pré- sente dans toutes les classes de NMP en faible proportion. D’autres anomalies moléculaires sont plus fréquemment identifiées pour une entité donnée et seront précisées dans le chapitre les concernant [4]. Polyglobulie de Vaquez Il s’agit d’une maladie de la cellule-souche hémato- poïétique, caractérisée par une production excessive de précurseurs érythroblastiques (augmentation du volume globulaire total) associée parfois à une hyperleucocytose et une thrombocytose. Son incidence est faible, estimée à deux nouveaux cas/100 000 habitants par an. Les critères de diagnostic sont ceux énoncés dans la clas- sification OMS 2008 [1]. L’évolution comporte un risque de transformation en myélofibrose (20 %) ou en leucémie aiguë (5-10 %, souvent secondaire au traitement). Le caryotype est effectué en deuxième intention, après l’analyse moléculaire, en particulier lorsque celle-ci est négative pour la recherche de mutations JAK2V617F/exon 12. Aucune anomalie de structure ou de nombre mise en évi- dence n’est spécifique. Les cinq plus fréquentes anomalies sont par ordre décroissant de fréquence : del(20q) (19,2 %), +8 (19,2 %), +9 (21,1 %), del(13q) (13,4 %), trisomie par- tielle 1q (11,5 %). Des anomalies chromosomiques ont été rapportées dans 15-20 % des cas en phase initiale et 40 % des cas lors de la phase tardive de la maladie. L’incidence des anomalies chromosomiques est supérieure chez les patients ayant rec ¸u un traitement par chimio- ou radiothé- rapie (45 %) en comparaison des patients non traités (17 %) [5]. Dix à 15 % des cas évoluent vers une myélofibrose secon- daire avec, dans 70 % des cas, une trisomie complète ou partielle 1q21q32. Les monosomies 5 et 7 (9,6 %) sont essentiellement retrouvées lors de transformation aiguë [6]. Thrombocytémie essentielle Il s’agit d’une maladie de la cellule-souche hémato- poïétique, uploads/Sante/ nmp-gfch.pdf

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  • Publié le Sep 02, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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