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HAL Id: hal-01486803 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01486803 Submitted on 10 Mar 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Analyse critique du principisme en éthique biomédicale Eric Delassus To cite this version: Eric Delassus. Analyse critique du principisme en éthique biomédicale. 2017. hal-01486803 1 Analyse critique du principisme en éthique biomédicale Éric Delassus Le principisme est une théorie morale s’inspirant à la fois de l’utilitarisme et du kantisme, c’est-à-dire d’une morale plutôt conséquentialiste – l’utilitarisme – et d’une morale déontologique fondée sur l’intention – le kantisme. Cette synthèse apparemment paradoxale entre une éthique qui considère que la valeur morale de l’action se juge à ses conséquences et une morale qui juge l’action à ses intentions, c’est-à-dire au respect d’un devoir ou d’une obligation fondée en raison, à donné lieu à une doctrine qui à laquelle il est souvent fait référence aujourd’hui en éthique médicale. Celle-ci a été élaborée par Tom Beauchamp et James Childress dans un ouvrage publié pour la première fois aux États-Unis en 1979 et dont la traduction française est parue en 2007 aux éditions Les Belles Lettres sous le titre Les Principes de l’Éthique Biomédicale. Cette théorie est constituée de quatre grands principes : - Autonomie ; - Non-malfaisance ; - Bienfaisance ; - Justice. Les principes d’autonomie et de justice peuvent être considérés comme étant plutôt d’origine déontologique étant donné que quelles que soient les conséquences de l’acte médical, il est considéré comme étant du devoir du médecin ou du soignant de respecter l’autonomie du patient et de répondre à une certaine exigence de justice dans la manière de prodiguer les soins et les traitements. En revanche, la non-malfaisance et la bienfaisance relèvent plutôt du conséquentialisme dans la mesure où ils invitent à se soucier des effets de l’acte effectué sur la vie et la qualité de vie du patient. Le choix de ces quatre principes ne repose pas sur une déduction a priori, mais plutôt sur l’étude des jugements moraux tels qu’ils sont portés dans des situations concrètes : Le fait que les quatre groupes de « principes » moraux soient centraux dans l’éthique biomédicale est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus en étudiant les jugements moraux bien pesés et la façon dont les convictions morales se coordonnent entre elles 1. Nous allons donc examiner ces quatre principes et tenter d’en dégager les capacités et les limites, ainsi que les contradictions qui peuvent traverser le principisme dans sa globalité. 1 Tom L. Beauchamp & James F. Childress, Les principes de l’éthique biomédicale, Les Belles Lettres, Paris, 2007, p. 30-31. 2 Le principe d’autonomie Ce principe s’inspire en grande partie de l’impératif catégorique kantien qui nous oblige à toujours traiter l’humanité, en sa personne, comme en celle d’autrui, jamais simplement comme un moyen, mais toujours également comme une fin. Il s’agit donc de reconnaître en chacun un sujet libre capable de juger et de se déterminer par lui-même. C’est d’ailleurs le sens littéral du mot autonomie dont l’étymologie vient du grec, de auto (soi- même) et nomos (la loi), l’autonomie désigne la capacité dont dispose un individu d’agir selon des lois qu’il se donne à lui-même. Le respect de l’autonomie du patient réside donc dans le devoir de se conformer au libre choix du patient en s’assurant de son consentement éclairé. Cela suppose donc que ce dernier soit informé afin qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour se déterminer en connaissance de cause sans subir de pressions extérieures. Le consentement éclairé est d’ailleurs ainsi défini par Beauchamp et Childress : Un consentement éclairé est l’autorisation autonome d’un individu qui accepte une intervention médicale ou qui accepte de participer à la recherche2. On peut cependant s’interroger sur le bien-fondé de l’autonomie supposée du patient. Celle-ci ne repose-t-elle pas, en effet, sur la conception libérale de l’individu, sur le modèle de l’homo-œconomicus déplacé dans le domaine de la médecine et du soin, c’est-à-dire d’un individu étant toujours en mesure de calculer rationnellement ce qui va dans le sens de son intérêt. Considérer l’autonomie comme une donnée fondamentale de l’être humain, n’est-ce pas occulter cette autre dimension de la condition humaine qu’est la vulnérabilité, dimension qui a été mise en lumière par les éthiques du care et qui repose sur notre condition d’être dépendant et déterminé. En effet si l’on envisage les situations auxquelles peut se trouver confronter le soignant de manière abstraite, le principe peut sembler recevable. Néanmoins, si l’on tient compte des déterminations dont le malade peut faire l’objet, son application peut sembler plus difficile. L’autonomie n’est pas un fait, mais un horizon à atteindre, un projet à construire avec le patient. Il ne suffit pas que le patient soit autonome pour qu’il le soit réellement et concrètement et il ne suffit pas de lui fournir tous les éléments nécessaires afin d’éclairer sa décision pour qu’il fasse un choix judicieux. Cette difficulté n’échappe pas d’ailleurs à Beauchamp et Childress qui écrivent : Notre but est de construire une conception du respect de l’autonomie qui ne soit pas excessivement individualiste (négligeant la nature sociale des individus et l’impact des choix 2 Ibid. p. 91-92. 3 des actions individuelles sur autrui), qui ne repose pas sur la raison de façon excessive (négligeant les émotions), et qui ne soit pas trop légaliste (soulignant les droits légaux et minimisant les pratiques sociales)3. Mais si Beauchamp et Childress ont bien conscience des limites de l’autonomie humaine, ils ne les perçoivent que dans certaines conditions particulières pour lesquelles il serait nécessaire de faire appel à ce qu’il nomme un « décideur de substitution », c’est-à-dire à ce qui correspondrait dans le contexte français à la personne de confiance. Il y aurait donc, selon eux, une autonomie foncière de l’être humain qui pourrait se trouver limitée en cas de détresse ou de manipulation par un tiers, mais qui serait constitutive de son humanité. Penser ainsi l’être humain, n’est-ce pas oublier que ce dernier est toujours en interaction avec son environnement tant sur un plan biologique que culturel et social et que tant qu’il n’a pas pris conscience de ces interactions et des effets qu’elles produisent sur lui, il n’est pas en mesure de véritablement faire preuve d’autonomie. C’est pourquoi, plutôt qu’un fait premier, il est peut-être préférable de considérer l’autonomie comme un horizon vers lequel il faut tendre, mais qui n’est jamais, non plus, totalement atteint. Le rôle des soignants serait donc alors d’accompagner le patient dans la conquête de l’autonomie en travaillant avec lui sur la perception qu’il a de sa maladie, sur les affects qu’elle produit en lui et les représentations qui leur sont corrélés afin qu’il puisse parvenir à une vision plus lucide de sa situation. Envisagée sous cet angle, l’autonomie ne peut donc se concevoir indépendamment de la dimension pédagogique de la relation de soin en prenant surtout soin de faire en sorte que les mêmes mots signifient les mêmes choses pour le soignant et pour le patient. Ce point est d’ailleurs souligné par Beauchamp et Childress eux-mêmes qui soulignent le hiatus qui peut exister entre le discours médical et la manière dont il est compris par le malade : Même si le médecin ou le patient utilisent tous les deux des expressions comme accident vasculaire cérébral ou hernie, leurs interprétations des mots seront différentes si les définitions et les conceptions médicales standard n’ont pas de sens pour le patient 4. Il est donc nécessaire, en matière de décision principalement, de mieux cerner les motivations du malade et de tenter de pénétrer, autant que faire se peut, son univers représentatif et surtout l’imaginaire qui s’est construit en son esprit autour de la maladie, en établissant avec lui un authentique dialogue. Trop souvent, semble-t-il, les patients orientent leur décision en fonction d’un contenu imaginaire lié à des affects, sentiments ou émotions, sur lesquels ils n’ont pas toujours eu la possibilité de porter auparavant un regard réflexif. 3 Ibid., p. 91. 4 Ibid., p. 92. 4 Beauchamp et Childress évoquent d’ailleurs l’exemple d’une femme qui refusait une opération qui devait la sauver d’un cancer pour la seule raison qu’elle considérait qu’elle n’avait rien puisqu’elle se sentait bien. Cette personne, pauvre et peu instruite, refusait toute intervention suite à un dépistage et les investigations psychologiques et neurologiques ne concluaient à aucun trouble mental majeur pouvant expliquer cette décision qui apparaissaient comme totalement irrationnelle à l’ensemble de l’équipe soignante. C’est en découvrant ses origines géographiques que l’on s’aperçut que cette personne provenait d’une région dans laquelle les préjugés racistes étaient fort tenaces et que le diagnostic du cancer et la nécessité de l’opération lui ayant été annoncé par un médecin noir, cette uploads/Sante/ principisme 1 .pdf
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- Publié le Nov 04, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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