La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 8
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 87 PROCTOLOGIE Proctologie pédiatrique courante A. Senéjoux* * Institut de proctologie Léopold- Bellan, groupe hospitalier Paris Saint- Joseph, Paris. L es motifs de consultation en proctologie pédiatrique sont variables et souvent associés : douleurs, saignements, constipation, tuméfac tion, prurit… Comme pour toute pathologie pédia trique, l’interrogatoire repose souvent sur les dires d’une tierce personne, mais il peut être utile chez le grand enfant, en utilisant alors un vocabulaire adapté. L’examen doit être expliqué à la personne en charge de l’enfant et accepté par elle, et, afin d’éviter tout contentieux ultérieur, la présence d’un témoin est souhaitable. Le nourrisson peut être examiné en décubitus dorsal, cuisses fléchies sur le dos ; chez l’enfant plus grand, le décubitus latéral gauche, voire la position genu pectorale, peuvent être utilisés. L’examen clinique normal de l’anus chez l’enfant présente quelques particularités. Chez le nouveau-né et le nourrisson, le canal anal est très court (moins de 1 ou 2 cm), ce qui permet une inspection visuelle facile, parfois dès le simple déplissement des plis radiés. Il n’existe pas, avant la puberté, de formations pileuses ou sébacées, ce qui exclut une pathologie de cette origine. Sauf cas exceptionnel, les pathologies tumorales et vénériennes ne sont pas rencontrées en pratique clinique. Fissure anale La fissure anale est la pathologie proctologique pédiatrique la plus fréquente. Elle est liée à une inadéquation entre le diamètre et la consistance des matières fécales et le diamètre du canal anal. Surtout fréquente chez l’enfant constipé, elle peut aussi être observée après une diarrhée aiguë. Elle se manifeste par des rectorragies qui enrobent les selles ou surviennent à l’essuyage et qui s’associent à des douleurs défécatoires pouvant entraîner pleurs et hantise de la selle. Après inspection de l’anus et écartement des plis radiés, le diagnostic clinique est simple, mettant en évidence une perte de subs tance au niveau du revêtement cutané en forme de raquette à manche interne, de siège médian ou paramédian, éventuellement associée à un capuchon mariscal. La contracture sphinctérienne est habituel lement absente. De siège latéral, une fissure doit, comme chez l’adulte, faire évoquer un diagnostic différentiel, et notamment une maladie de Crohn. Le traitement est exclusivement médical, visant à régulariser le transit (apport de fibres alimentaires, laxatifs) et permettant une cicatrisation en 3 à 4 semaines. L’utilisation de topiques locaux cica trisants et anesthésiques locaux peut être associée. Dermatoses irritatives et allergiques Particulièrement fréquentes chez l’enfant, elles sont liées à la macération dans les couches, à l’uti lisation intempestive de crèmes ou de pommades inadaptées, à une poussée dentaire, voire à une maladie éruptive. Le traitement est la suppression des couches occlusives et l’application locale de topiques (colorants, crèmes, etc.). Dermite streptococcique (figure 1, p. 88) La dermite streptococcique est due à un streptocoque bêta-hémolytique du groupe A. Elle touche essen tiellement les enfants âgés de 1 à 8 ans, volontiers de sexe masculin (1), mais des formes sont décrites chez l’adulte (2). Sa fréquence, en consultation de pédiatrie générale, a été estimée à 1 pour 2 000 en 15 mois (3). Cette affection est souvent méconnue. Dans un travail réalisé chez 80 médecins généralistes britanniques à qui l’on présentait un cas clinique typique, seuls 31 % faisaient un prélèvement bacté riologique et 7 % prescrivaient une antibio thérapie (4). Elle se présente sous la forme d’un placard rouge écarlate, bien limité, éventuellement fissuré ou avec une bordure desquamative, pouvant s’étendre aux régions génitales, avec parfois des éléments satel lites à distance recouverts d’un enduit jaunâtre. Le diagnostic clinique peut être rendu difficile par l’uti lisation préalable de multiples topiques modifiant 88 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 PROCTOLOGIE l’aspect des lésions. Les manifestations cliniques sont des douleurs à la selle, un prurit anal, des rector- ragies. Bien souvent, le diagnostic est tardif, après de nombreux essais thérapeutiques infructueux. Le diagnostic est confi rmé par la mise en évidence de la bactérie responsable sur les prélèvements bactério- logiques. Le traitement repose classiquement sur les bêtalactamines (50 000 à 100 000 U/kg/j) pendant 10 jours (3 semaines dans les formes rebelles), voire les macrolides en cas d’allergie à la pénicilline (3). Les récidives sont fréquentes, allant jusqu’à 39 % des cas dans une série (3). Récemment, un essai randomisé a comparé le traitement classique au traitement par céfuroxime (20 mg/kg/j pendant 7 jours) : les résultats ont montré une meilleure effi cacité du traitement par céfuroxime, ce qui a conduit à l’arrêt prématuré de l’essai pour des raisons éthiques (5). Oxyurose L’oxyurose est une parasitose intestinale causée par des vers blancs ronds (Enterobius vermicularis) mesu- rant de 50 mm à 1 cm de long. Les vers adultes vivent dans la lumière colique ; seules les femelles, après fécondation, migrent jusqu’à l’anus et s’y accrochent par la bouche pour y pondre leurs œufs (en moyenne 10 000), la nuit, avant de mourir. La contamination se fait par ingestion d’œufs qui éclosent dans l’intestin. Très fréquente, et stricte- ment humaine, cette parasitose est principalement rencontrée chez l’enfant. Elle est favorisée par la vie en collectivité (fratrie, école, etc.). La symptomato- logie est dominée par un prurit anal à prédominance vespérale entraînant parfois des lésions de grattage, voire une irritabilité et des troubles du sommeil. Le diagnostic peut être posé par la mise en évidence des vers sur un scotch-test réalisé le matin avant la toilette. Le traitement est une cure unique de pamoate de pyrantel (Combantrin®) à la dose de 12,5 mg/kg ou de flubendazole (Fluvermal®) à la dose d’un comprimé à 100 mg, quel que soit le poids, ou d’albendazole (Zentel®), à la dose de 200 mg, quel que soit l’âge. Il est conseillé de recommencer systématiquement un nouveau traitement 3 semaines après le premier afi n de détruire les œufs ayant éclos dans l’intervalle. Il faut aussi penser à nettoyer la literie et les vête- ments de l’enfant ainsi qu’à traiter son entourage afi n d’éviter les réinfestations. Fistules et abcès Les abcès périanaux et les fi stules anales concernent principalement les enfants de sexe masculin. Chez le nourrisson de sexe féminin, cette pathologie n’est presque jamais observée (6). Comme chez l’adulte, ces suppurations ont pour origine une infection cryptique. L’abcès anal est le mode de révélation le plus fréquent de l’affection (98 % des cas [7]). Il est estimé que de 28 à 85 % des abcès périanaux de l’enfant évoluent vers une fi stule anale (8). Chez le grand enfant, un terrain prédisposant doit être recherché (maladie de Crohn, immunodépression, etc.). Chez l’enfant âgé de moins de 1 an, il convient d’être le plus conservateur possible, en réalisant une inci- sion simple de l’abcès, uniquement si nécessaire. Certains proposent une simple aspiration de l’abcès à l’aiguille, associée à une antibiothérapie (9). Dans un travail prospectif récent, la guérison semblait la règle après 6 mois avec ce traitement ; une fi stule était observée dans les suites de l’abcès dans 77 % des cas, mais sa résorption spontanée était constatée (10). Chez l’enfant plus âgé, le traitement des fi stules Figure 1. Dermite streptococcique. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 89 PROCTOLOGIE anales ne diffère pas de celui utilisé chez l’adulte. Il faudra prendre garde à préserver au maximum la continence future de l’enfant. Hémorroïdes, dilatations vasculaires La pathologie hémorroïdaire est très rare chez l’enfant. Elle ne doit pas être confondue avec les dilatations veineuses localisées physiologiques que l’on peut observer entre 2 et 5 ans. Ces dila- tations veineuses sont bleutées, molles, indolores, non hémorragiques, purement marginales ; elles s’extériorisent lors d’efforts (poussée défécatoire, toux) et disparaissent ensuite complètement. Elles ne préjugent pas de l’apparition ultérieure d’une pathologie hémorroïdaire. La maladie hémorroïdaire de l’enfant est excep- tionnelle (fi gure 2), sauf à l’adolescence et en cas d’hypertension portale (11). Prolapsus rectal Le prolapsus rectal chez l’enfant est une entité habi- tuellement bénigne et spontanément résolutive. Il s’observe habituellement entre 1 et 5 ans, souvent avant 3 ans ; le sex-ratio est voisin de 1 (12). Une mucoviscidose doit être éliminée par la réalisation d’un test à la sueur. Il intéresse habituellement la muqueuse rectale uniquement. Le diagnostic est facile devant l’extériorisation, lors d’efforts de poussée ou à la toux, d’une masse conique rosée aux plis concentriques habituellement réductible, non ulcérée et non hémorragique. Le mécanisme physiopathologique de survenue du prolapsus rectal de l’enfant est différent de celui de l’adulte et mal compris. Il existe des facteurs anatomiques physio- logiques qui peuvent expliquer sa fréquence : avant l’âge de 1 an, le sacrum est vertical, la muqueuse rectale fixée de façon lâche sur la musculeuse, le sigmoïde est hypermobile et 75 % des enfants n’ont pas de valvule de Houston (13). Le rôle de la constipation est prépondérant, mais il existe d’autres facteurs favorisants comme les diarrhées chroniques, la malnutrition, le syndrome d’Ehlers-Danlos, la maladie de Hirschsprung, les antécédents de malfor- mations ano-rectales… Vingt pour cent des enfants souffrant de uploads/Sante/ procto-chez-enfant.pdf
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- Publié le Fev 21, 2021
- Catégorie Health / Santé
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