THERAPEUTIQUES INSTITUTIONNELLES EMC-Psychiatrie Pierre Delion 1 « Sans la reco

THERAPEUTIQUES INSTITUTIONNELLES EMC-Psychiatrie Pierre Delion 1 « Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît…1 » François Tosquelles « N’avons-nous pas le devoir de rendre « habitables » ces lieux désertiques dans lesquels se sont égarés, souvent à jamais, ceux que nous nommons psychotiques ? 2» Jean Oury « Un des principes fondamentaux de la Psychothérapie Institutionnelle, et cela ne surprendra personne puisqu’il s’agit de psychothérapie, pourrait être qu’elle est une entreprise de dévoilement méthodique de la vérité. 3» Roger Gentis et Horace Torrubia Les thérapeutiques institutionnelles appartiennent désormais à l’histoire de la psychiatrie et, leur importance dans les pratiques et les théorisations psychiatriques contemporaines n’est plus à prouver. Partant de la nécessaire critique radicale de l’asile, dominant jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les thérapeutiques institutionnelles ont ensuite montré leur fécondité dans la transformation de la psychiatrie. Aujourd’hui, les thérapeutiques institutionnelles démontrent, plus que jamais, le visage humain que la psychiatrie doit préserver en insistant sur les pratiques concrètes qui mettent le sujet, bien qu’il soit malade mental, au centre de sa « guérison ». Les enjeux qui se font jour autour des thérapeutiques institutionnelles sont le résultat de simplifications qui ont beaucoup pesé sur sa crédibilité ; en effet, le fait que ces thérapeutiques soient qualifiées d’institutionnelles les a fait passer pour liées aux établissements qui en ont dans un premier temps hébergé les développements. Suivant cette observation au pied de la lettre, il devenait simple de conclure que la psychiatrie s’orientant vers des solutions extérieures à l’établissement, sous-entendu hospitalier, les thérapeutiques qui avaient fleuri dans les institutions, et en avaient certes permis une relative transformation, devenaient caduques dès lors que celles-ci quittaient les dites institutions. C’était faire trop peu de cas de la différence importante introduite par Tosquelles entre « établissement » et « institution ». Nous verrons que, si les deux sont nécessaires, ils ne sont pas superposables l’un à l’autre. Si nous confondons les plans, alors les thérapeutiques qui pourraient sortir de l’établissement pour soigner les patients dans la cité au plus près de leur vie quotidienne, ce que la psychiatrie de secteur a réalisé, ne pourraient plus être institutionnelles ; tandis que si nous attribuons à l’institution d’une thérapeutique entre un patient et 1 1 ses soignants les qualités qui sont utiles à sa continuité, alors la thérapeutique institutionnelle devient le dispositif de soin nécessaire à un patient quelles que soient les modalités qui seront nécessaires à sa réalisation tout au long du traitement de ce patient-là. A un moment crucial de la psychiatrie au cours duquel la politique de soin semble guidée essentiellement par des considérations économiques, cette distinction revêt la plus grande importance puisqu’il s’agit de pouvoir continuer à travailler avec les patients tout le temps qui sera nécessaire à leur soutien psychique ; et dans ces conditions, la logique des soins ne peut se résoudre à une simple équation dans laquelle l’urgence est le seul moment relevant du sanitaire, tandis que le « reste » du temps, celui de la chronicité, relèverait du social ou du médico-social. La maladie mentale, dans sa dimension de chronicité, soumet le patient à une urgence quotidienne. Les thérapeutiques institutionnelles contribuent, par leurs réflexions à ce sujet, à organiser les soins de telle manière que le patient puisse compter sur nous dans la durée, sans pour autant prétendre à être les seuls capables de le faire ; bien au contraire, les articulations nombreuses avec tous les partenaires du patient, chacun avec sa spécificité, sont une des avancées que les thérapeutiques institutionnelles ont théorisées et permises. Enfin, sur le plan sémantique, il est maintenant admis que le mouvement de Psychothérapie Institutionnelle est un des principaux courants, et qu’avec les autres lectures réalisées autour de la féconde articulation « psychothérapie » et « institution », ils constituent ensemble « les Thérapeutiques Institutionnelles ». Aujourd’hui, l’enjeu de cet « ensemble » est considérable. POSITION DU PROBLEME L’humain, l’accueil des différences psychopathologiques et l’intérêt des systèmes anti-ségrégatifs L’humain. La psychiatrie est une branche de la médecine qui a la perspective et prend la responsabilité de traiter les maladies mentales des enfants et des adultes. Mais dans cette discipline, plus encore que dans les autres, la personne qui porte les symptômes psychiatriques doit être prise en considération et accueillie avec la plus grande attention. Il s’agit donc d’une médecine de l’humain, et l’importance de cette manière de poser le problème tient notamment au fait que les nouvelles donnes scientifiques, économiques et administratives pourraient laisser penser qu’il s’agit désormais d’un problème secondaire. Il n’en est rien et nous verrons comment cette position éthique est déterminante dans la thérapeutique, et plus précisément dans la Psychothérapie Institutionnelle. En effet, pas de travail psychothérapeutique sans accueil de l’humain. L’accueil des différences psychopathologiques L’importance de l’humain est en rapport direct avec le fait que souvent la rencontre avec le malade mental se produit au moment le moins propice à sa reconnaissance en tant qu’autrui, puisqu’il vient au contact du psychiatre et de son équipe à un moment de décompensation dont les modalités sont décrites dans la sémiologie psychiatrique : dépression, suicide, délire, passage-à-l’acte, manifestations inhabituelles, bizarres, étranges, retrait… Il y a donc lieu de travailler avec les soignants une fonction d’accueil qui permette une rencontre avec cet autrui en déshérence psychopathologique dans de bonnes conditions pour son avenir. Cette ambiance accueillante sera déterminante pour approcher ce patient et faire avec lui un véritable travail diagnostique, c’est-à-dire entrer en contact et faire connaissance avec lui dans le temps et dans l’espace. 2 Respecter ces différences psychopathologiques dans le souci de les rapporter à une structure pathologique, quand c’est le cas, c’est permettre à ce patient de se « défendre » de sa maladie en lui proposant de s’adosser sur le dispositif qui prétend le soigner. Nous verrons l’importance de ces deux plans, témoins de deux types différents d’aliénation mentale et sociale. De plus nous observons souvent en psychiatrie que la thérapeutique commence dès la première rencontre, comme si à chaque fois, toute notre histoire était à nouveau mobilisée. L’intérêt des systèmes anti-ségrégatifs Pour que ces précautions ne soient pas de pure forme et préservent leurs potentialités personnelles exploitables, il convient de pouvoir accueillir les patients dans des espaces qui ne préjugent ni de leur pathologie, ni du pronostic qui lui est attaché. C’est pourquoi la Psychothérapie Institutionnelle organise un dispositif de soins de façon non ségrégante pour préserver, chez chaque humain présentant des problèmes psychopathologiques, ses capacités de ré-organisation ultérieure, et ne pas lier ses soins aux seuls résultats standards proposés par la voie des spéculations statistiques. Chaque être humain est singulier, et quand bien même des analogies peuvent être trouvées entre plusieurs, la psychiatrie, à la recherche de ce qui fonde l’identité sur laquelle chacun peut s’appuyer, se doit de construire pour chaque patient une thérapeutique « sur mesure ». Les psychoses Parmi les patients qui présentent les différences les plus marquantes sur le plan psychopathologique, la psychose vient au premier rang. Cette pathologie de la personne(Schotte), en mettant en cause la construction de leur personnalité, va aboutir à des spécificités dans leurs modes de décompensation qui créent souvent la nécessité d’un accompagnement thérapeutique important, à la mesure de la perte d’autonomie psychique de ces sujets. Et c’est principalement pour les personnes psychotiques que des établissements psychiatriques ont d’abord été pensés, puis progressivement, les équipes soignantes sont devenues la pierre angulaire de leur accueil et de leur traitement, aboutissant à la notion fondamentale d’institution. Cette conception de l’institution est donc corrélative des patients les plus en difficultés psychopathologiques, qui ont besoin, en cas de décompensation, d’un lieu et surtout d’une équipe soignante pour les accueillir et les soigner. Parmi ces patients les plus gravement atteints, les personnes psychotiques représentent une très grande proportion d’entre eux. Hélène Chaigneau « propose de replacer les « thérapies institutionnelles »dans la perspective qui les a vues naître : essentiellement un mouvement de recherche et d’analyse de la pratique des soins et de l’aménagement du collectif d’accueil des sujets psychotiques »4. Nous pouvons dès maintenant proposer une équation simple alliant la gravité de la pathologie au « poids » des institutions requises : un patient névrosé ou déprimé peut bénéficier d’une prise en charge individuelle par diverses méthodes thérapeutiques parce que son intégration socio-familiale reste suffisante. A l’opposé un patient schizophrène délirant très angoissé a besoin d’un « abri psychique » beaucoup plus conséquent, constitué habituellement par une équipe soignante dont il devient dépendant par nécessité. L’institution que le névrosé va créer avec son psychothérapeute est très « légère » si on la compare à la « lourdeur » de celle que l’adulte malade schizophrène ou l’enfant autiste vont progressivement créer avec leur équipe soignante. Les problèmes institutionnels posés dans les deux cas sont très différents, non pas tant en nature qu'en taille, et la psychothérapie institutionnelle consiste à prendre en considération aussi tous les éléments de cette deuxième situation, étant entendu que l’équipe soignante qui sera capable d’assumer cette deuxième situation sera en mesure uploads/Sante/ therapeutiquesinstitution.pdf

  • 47
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Sep 15, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.4724MB