Rev Med Brux - 2010 S 71 L’acidocétose diabétique : diagnostic, prise en charge
Rev Med Brux - 2010 S 71 L’acidocétose diabétique : diagnostic, prise en charge, prévention* Diabetic ketoacidosis : diagnosis, management, prevention Sylvie Tenoutasse, Thierry Mouraux, Harry Dorchy Clinique de Diabétologie, Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, ULB, Bruxelles * Adapté et mis à jour d’après un article publié dans Percentile 2008 ; 13 : 91-95, avec l’autorisation du Rédacteur en chef, Jacques Ninane. RESUME L’acidocétose diabétique résulte d’une carence relative ou totale en insuline et est une urgence métabolique fréquente. Elle peut inaugurer un diabète, dans près de 50% des cas en Europe, ou est la conséquence d’un déséquilibre sévère chez un patient diabétique connu par sous-dosage voire arrêt de l’insulinothérapie. Dans des études de population, la mortalité chez les enfants varie de 0,15 à 0,30 %, l’œdème cérébral étant responsable de 60 à 90 % des décès. Trois stades sont décrits : la cétose, l’acidocétose, le coma acidocétosique. Cet article résume la physio- pathologie, décrit les signes cliniques et biologiques, trace un arbre décisionnel de la prise en charge en cas d’acidocétose et de ses complications, indique les voies de prévention. Rev Med Brux 2010 ; 31 (Suppl) : S 71-6 ABSTRACT Diabetic ketoacidosis results from relative or absolute deficiency of insulin and is a frequent metabolic emergency. It occurs in previously undiagnosed diabetes, in half of the cases in Europe, or is the consequence of a severe unbalance in a well-known diabetic patient, who, deliberately or not, does not take enough or not at all insulin. In population studies, the mortality rate in children ranges from 0, 15 % to 0,30 %, cerebral edema accounts for 60 % to 90 %. Three stages are described: ketosis, ketoacidosis, ketoacidotic coma. This paper summarizes the physiopathology as well as the clinical and biological signs. It opens up an algorithm for the management of diabetic ketoacidosis and its complications and indicates prevention methods. Rev Med Brux 2010 ; 31 (Suppl) : S 71-6 Key words : type 1diabetes, diabetic children, ketoacidosis, coma DEFINITION ET PHYSIOPATHOLOGIE L’acidocétose diabétique (ACD) résulte d’un déficit partiel ou complet en insuline, combiné à une augmentation des hormones de contre-régulation, catécholamines, glucagon, cortisol et hormone de croissance1,2. Soit le déficit complet en insuline survient chez un patient lors de la présentation inaugurale du diabète, soit chez un patient diabétique connu, sous-dosé en insuline, volontairement ou non. Par exemple, en cas de stress (infection, traumatisme, troubles gastro- intestinaux), lors d’oubli (fortuit ou non) d’injection d’insuline. Les omissions volontaires d’injection d’insuline sont plus fréquentes dans l’insulinothérapie par injections multiples et chez les utilisateurs de pompes à insuline. Chez ces derniers, une ACD peut se développer rapidement en cas de panne. La conséquence d’une combinaison d’une insulinémie basse et d’un taux élevé des hormones de contre-régulation est un catabolisme accéléré, avec augmentation de production hépatique et rénale de glucose, diminution de l’utilisation périphérique de glucose (phénomène de résistance à l’insuline). Il en résulte hyperglycémie, hyperosmolalité, lipolyse augmentée et cétogenèse. En l’absence d’adminis- tration d’insuline, de fluides et d’électrolytes, l’issue peut être fatale par acidose métabolique et déshydratation1. L’ACD peut être aggravée par une acidose lactique, secondaire à une hypoperfusion tissulaire ou un sepsis. Rev Med Brux - 2010 S 72 L’ACD est caractérisée par une perte sévère en eau et électrolytes provenant des compartiments intra- et extra-cellulaires, le degré de pertes fluctuant selon la durée et la sévérité, mais aussi d’après la capacité du patient à maintenir des apports en liquides et électrolytes. 3 stades se succèdent1 : 1. La cétose (présence de corps cétoniques dans le sang et les urines) 2. L’acidocétose: cétose entraînant une baisse du pH au-dessous de 7,30 ou un bicarbonate < 15 mmol/l 3. Le coma acidocétosique: acidocétose avec troubles de la conscience On a également décrit le coma diabétique hyperosmolaire (glycémie > 600 mg/dl ; osmolarité plasmatique > 350 mOsmol/l ; pH > 7,30 ; cétonurie faible ou absente)2. Le coma hyperosmolaire survient essentiellement chez l’adulte âgé qui présente un syndrome polyuro-dipsique de longue durée. Chez l’enfant, le coma hyperosmolaire est rare. L ’hyperglycémie hyperosmolaire peut inaugurer un diabète de type 2, mais aussi rarement un diabète de type 1. Chez un de nos patients diabétique de type 1, la glycémie atteignait 2.040 mg/dl, sans cétonurie initiale3. La cétonurie se positivera dès que la diurèse augmentera. Récemment, nous avons reçu un enfant de 2 ans 3 mois dont la glycémie atteignait 2.173 mg/dl, mais avec un ß-OH- butyrate à 5,8 mmol/l. La physiopathologie de l’ACD est résumée dans la figure 1. Les pertes d’eau et d’électrolytes sont définies dans le tableau 1. FREQUENCE Il existe de grandes variétés géographiques dans la fréquence de l’ACD au début du diabète. Les taux sont inversement proportionnels à l’incidence régionale du diabète, allant de 15 à 70 % en Europe et en Amérique du Nord2. L’ACD au diagnostic est plus fréquente chez les jeunes enfants de moins de 5 ans, car la destruction des cellules ß est plus rapide4. Figure 1 : Pathophysiologie de l’acido-cétose. Signes cliniques en jaune, désordres hydroélectrolytiques en mauve. Rev Med Brux - 2010 S 73 Tableau 1 : Pertes moyennes (écarts) de liquides et d’électrolytes par kg dans l’ACD Eau 70 ml (30-100) Na 6 mmol (5-13) K 5 mmol (3-6) Cl 4 mmol (3-9) Phosphate (0,25-2,5) mmol Aux USA, on décrit de plus en plus de diabète de type 2 dont la fréquence peut atteindre la moitié de celle des enfants diabétiques âgés de 10 à 21 ans. Dans 30 à 40% des cas, une acidocétose est présente au début du diabète5. Chez les patients diabétiques connus, le risque de présenter une ACD est de 1 à 10% par an et par patient, les facteurs de risque étant une infection qui augmente les besoins en insuline, une corticothérapie, l’adolescence avec rejet du traitement et des consignes alimentaires, les troubles psychiatriques, l’omission d’insuline, la défectuosité d’une pompe à insuline, le suivi par une équipe médicale incompétente6. Le tableau 2 synthétise ces causes. Tableau 2 : Principales causes d’ACD en dehors d’un diabète inaugural * Omissions d’insuline volontaires ou involontaires plus fréquentes dans l’insulinothérapie basale-prandiale et l’utilisation de pompes * Défaut de fonctionnement d’une pompe à insuline. Les patients sous pompe devraient mesurer plus fréquemment le ß-OH- butyrate sanguin * Désir de perdre du poids, surtout chez les adolescentes, par sous-insulinisation * Infection, gastro-entérite sans adaptation des doses d’insuline * Refus d’accepter le diabète * Contrôle métabolique insuffisant, antécédent d’ACD * Problèmes psychologiques ou psychiatriques * Absence de formation à l’autogestion du diabète * Accès insuffisant aux services médicaux spécialisés DIAGNOSTIC CLINIQUE ET BIOLOGIQUE Les éléments cliniques à rechercher lors de l’anamnèse sont repris dans le tableau 3, par ordre croissant de gravité. Tableau 3 : Manifestations cliniques de l’ACD * Polyurie, polydipsie * Déshydratation, amaigrissement * Fatigue * Haleine acétonémique (haleine de «pomme reinette») * Douleurs abdominales, nausées et/ou vomissements * Respiration ample, profonde (dite de Küssmaul) si pH< 7,1 * Obnubilation progressive et perte de conscience Il y a peu d’erreurs de diagnostic possibles, sauf le risque d’une confusion avec un abdomen pseudo- chirurgical1. Une déshydratation > 10% peut s’accompagner de pouls périphériques faibles ou impalpables, d’hypotension et d’oligurie. Le diagnostic se pose en quelques secondes grâce à, au maximum, 4 bandelettes ; 1) pour mesurer la glycémie via un lecteur ; 2) pour mesurer le ß-OH- butyrate sanguin (N < 0,5 mmol/l) ; la mesure du ß-OH- butyrate capillaire est plus sensible que la mesure semi- quantitative des corps cétoniques urinaires et montre une bonne corrélation avec le degré d’acidose : c’est un excellent reflet du status métabolique du patient et de l’amélioration sous traitement7 ; 3) pour quantifier la glycosurie ; 4) pour rechercher l’acétone et l’acéto- acétate urinaires. Les autres examens biologiques indispensables à réaliser d’emblée sont définis dans le tableau 4. Tableau 4 : Examens biologiques * pH, gaz sanguins * Ionogramme, [phosphate], [calcium] * Urée, créatinine * Hématocrite * Hémoglobine glyquée (HbA1c) * [Insulinémie (avant traitement); peptide-C (après traitement)] * [Registre Belge du Diabète pour génotype HLA-DQ et anticorps ß-insulaires] [non indispensable] NB : l’élévation de l’urée et des lipides peut être le témoin de l’hypercatabolisme ; celle des protéines totales, de l’hématocrite et des leucocytes peut être le reflet de la déshydratation1 Les enfants et les adolescents diabétiques en acidocétose doivent être traités dans des centres expérimentés1. PREMIERS GESTES Outre les examens biologiques cités plus haut, on pèse et mesure le patient pour évaluer sa surface corporelle, on estime le degré de déshydratation et l’état de conscience, on prend la tension artérielle, on installe en cas de traitement IV deux cathéters (pour la perfusion et les prélèvements ultérieurs, et pour l’insuline délivrée par pompe), on branche un moniteur cardiaque pour suivre les ondes T témoins d’hyper ou d’hypokaliémie. En cas de coma, on met en place une vidange gastrique. La vessie n’est cathétérisée que si l’enfant comateux n’urine pas1,2. TRAITEMENT Le but du traitement est de bloquer les processus cataboliques responsables de l’ACD. L’insuline est essentielle pour normaliser la glycémie et arrêter la lipolyse et la uploads/Sante/acido-cetose-diabetique.pdf
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- Publié le Mai 16, 2021
- Catégorie Health / Santé
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