Jean-Pierre Goubert L'art de guérir. Médecine savante et médecine populaire dan

Jean-Pierre Goubert L'art de guérir. Médecine savante et médecine populaire dans la France de 1790 In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 32e année, N. 5, 1977. pp. 908-926. Abstract On the basis of answers given in two administrative surveys, one conducted by the Contrôle général in 1786, the other, under the auspices of the Comité de salubrité, an analysis is performed of the language used by the "enlightened" medical corps of this period in speaking of so-called popular medicine. The homogeneity of this language is striking and independent of geographic origin or social position of the speaker. The aggressive and vengeful qualities of this "language" tend to obscur the originality of a popular "wisdom" concerning the body : a wisdom which scorns the rational principles dear to the hearts of the Enlightenment society. This defiance only confirms the superiority of professional competence and a learned culture. Finally, the silences and contradictions peculiar to doctors and surgeons are brought out : the passive, perhaps even resigned, attitude of the majority contrasts with the repressive attitude of a small minority, preoccupied with monopolizing the huge field of health by dint of rules and regulations Citer ce document / Cite this document : Goubert Jean-Pierre. L'art de guérir. Médecine savante et médecine populaire dans la France de 1790. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 32e année, N. 5, 1977. pp. 908-926. doi : 10.3406/ahess.1977.293871 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1977_num_32_5_293871 ART DE GU RIR DECINE SAVANTE ET DECINE POPULAIRE DANS LA FRANCE DE 790 la fin du xvine siècle efficacité de la médecine préventive ou bien thérapeu tique est pas autant aujourdhui une réalité positive elle constitue un souhait même si elle commence inscrire dans les faits Le recours au médecin au chirurgien ce médecin du peuple ou bien la sage-femme reste alors apanage une minorité qui affirme éclairée et cela en dépit des efforts conjoints de élite médicale et du pouvoir royal pour former des sages-femmes ou bien pour soigner les pauvres lors des maladies épidémiques Quant la majeure partie de la population fran aise elle pratique automédication bien entendu elle consulte aussi le meige le rebouteux la matrone elle écoute le charlatan de passage elle suit la cure ordonnée par le sorcier- guérisseur du village Parce que les médecins éclairés du xvine siècle finissant tout en inspirant largement Hippocrate et de Galien remettent en cause les grilles de leur savoir parce ils proclament la nécessité première de observation sauront-ils aussi voir les pratiques de la médecine populaire saisir les causes de son extension celles de son épanouissement considérer la multitude des écrits ils ont jugé utile de laisser la postérité voir leur zèle dans la dénonciation un charlatanisme ils regardent vers 1789 comme un des quatre maux qui affligent art de guérir on pourrait être emporté par leur assurance et par leur unanimité Pour en décider pièces appui restent analyser de plus près certains des témoignages que médecins et chirurgiens nous ont légués et cela par le biais enquêtes officielles auxquelles en 1786 et en 1790 ils ont accepté de répon dre Elles ont fourni la base documentaire de cette recherche extension du <r charlatanisme Dans une France rurale 85 96 le témoignage des chirurgiens patentés qui con naissent souvent pour exercer les bourgs et les campagnes paraît digne de foi Sur une centaine de réponses qui venues des quatre coins du royaume la demande du Parmi tous ceux et toutes celles qui ont accordé leur concours je remercie parti culièrement Jacques LIS Jacques ONARD Michelle PERROT Jean-Pierre PETER et Matthew RAMSEY 908 J.-P GOUBERT LES CHARLATANS comité de Salubrité émanent en 1790-1791 des lieutenants du Premier chirurgien du roi et plus rarement des communautés de chirurgiens seules six 62 déclarent ne connaître dans leur ressort ni charlatans ni empiriques ni gens secret ce qui bien sûr équivaut pas leur absence Ces exceptions mises part de même que six réponses évasives) les témoignages considérés se répartissent en trois groupes im portance sensiblement égale 27 des chirurgiens considèrent que la densité des charla tans est très élevée 322 elle est forte et 28 96 elle reste faible Dans ces condi tions est attitude des observateurs qui doit être mise en cause Leurs réponses ne se distribuent selon aucune géographie précise par exemple entre la France du Nord et celle du Midi En autres termes on ne peut conclure une chose il existe chez les chirurgiens patentés trois attitudes différentes sur la question de la densité du charlata nisme étant bien entendu que dans près de 60 des réponses analysées la densité du charlatanisme est considérée par les chirurgiens comme très élevée ou élevée est-à-dire comme trop élevée et ailleurs les 34 de réponses qui accordent une densité faible voire nulle au charlatanisme sont unanimes dénoncer ce même charlatanisme Un indice supplémentaire de la signification non pas statistique mais symbolique il convient de donner ces pourcentages se trouve dans un certain nombre de témoi gnages Le lieutenant de Saint-Sever est le seul oser dénombrer dans les limites de son ressort une cinquantaine empiriques et de charlatans ... sans compter les curés distributeurs de poudres aillot et autres remèdes inconnus Quant au lieutenant de Luxeuil il insiste sur le rôle joué par. les gens secret ...] tellement tolérés dans ce district il pas un seul village où il ait trois ou quatre personnes qui ne fassent la médecine ... est encore la même vision la même image aussi que propose pour la région de Josselin le médecin Lebard II un seul médecin dans tout le district de Josselin Je me trompe tout le monde est il personne de un ou de autre sexe qui ne ingère de donner des avis aux malades de leur prescrire ou de leur défendre les secours les plus essentiels et les remèdes les plus énergiques dont la méde cine fait usage Où commence en effet exercice du charlatanisme Comment le définir avec quelque certitude est poser le problème des différences qui séparent les thérapeutes non médecins de leurs confrères diplômés ce problème la réponse est claire au niveau du discours tenu par les chirurgiens les charlatans ce sont ceux qui pratiquent illégale ment art de guérir Dans cette perspective esquisse présentée par les chirurgiens ren voie image culturelle du charlatanisme qui cours dans le corps médical fran ais la fin de Ancien Régime image commune élite des médecins et élite des chirur giens et qui marque leur parenté profonde est pourquoi il importe de souligner le mythe qui oppose médecine savante et médecine populaire il réellement coupure entre ces deux arts de guérir elle se situe davantage la fin du xvine siècle au niveau des représentations collectives celui du savoir médical et de la pratique sociale De ce point de vue la médecine est une dans sa diversité et jusque dans ses clivages sauf probablement pour ces dizaines de milliers hommes qui participent alors la Société des Lumières 0 En effet les deux mondes de la médecine sont si proches ils se touchent se baissent et se pénètrent la fois Un même patient peut en effet se tourner successivement ou conjointement vers tel médecin tel chirurgien ou bien encore vers son guérisseur vers le diable et/ou le Bon Dieu Par conséquent la question posée par le comité de Salubrité auprès des représentants des chirurgiens renseigne sur la manière dont ils per oivent la médecine dite populaire Dans ces conditions il serait absurde de vouloir mesurer supposer que cela soit possible extension ou bien la densité positive du réseau des charlatans Ce serait pren dre au pied de la lettre la question posée en 1790 par les membres du comité de 909 LES DECINS ET LES SOIGNANTS Salubrité et donc méconnaître le fait ils transposent dans un domaine où elle ne saurait avoir cours une question qui vaut pour une population préalablement définie les praticiens diplômés Question effectivement posée par le Contrôle général administration des inten dances lors de enquête de 1786 elle visait pour ensemble du territoire établir des statistiques médicales et réunir des informations sur la valeur professionnelle des médecins des chirurgiens et des sages-femmes Or le traitement statistique des résultats de cette enquête en ce qui concerne les médecins et les chirurgiens mais surtout les chirurgiens et dans les limites de la France septentrionale aboutit cette constatation 12 si la grande majorité de la population fran aise et particulièrement celle des cam pagnes ne recourt pas plus souvent un médecin ou bien un chirurgien diplômé cela est pas dû une trop faible densité du réseau médical En autres termes le désert médical invoqué par certains correspondants de la Société royale de médecine ne correspond pas une réalité positive il manifeste et on attendait le refus une élite celui assimiler au corps médical la foule des chirurgiens de seconde zone et celle des thérapeutes populaires Le succès du charlatanisme dans la France de 1780-1790 avait donc bien de quoi inquiéter le corps médical de cette époque et par ticulièrement la catégorie des chirurgiens qui avaient coutume de traiter une clientèle plus rurale moins éclairée et 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  • Publié le Mai 15, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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