A la conquête de la Noosphère par Eric Steven Raymond <esr@thyrsus.com> Après a

A la conquête de la Noosphère par Eric Steven Raymond <esr@thyrsus.com> Après avoir observé une contradiction entre l'idéologie «officielle» définie par les licences de logiciels à sources ouverts et le comportement réel des hackeurs, nous examinons les véritables coutumes contrôlant cette culture. Nous découvrons que cela implique une théorie des droits de possession sous-jacente, qui est proche de la théorie de Locke sur la propriété foncière. Nous analysons la culture hackeur comme une «culture du don» dans laquelle les participants rivalisent pour le prestige en donnant du temps, de l'énergie et de la créativité. Nous examinons ensuite les implications de cette analyse pour la résolution des conflits dans cette culture et nous développons quelques idées pour approfondir cette réflexion. 1. Une contradiction liminaire Tout ceux qui observent le monde agité et formidablement prolifique des logiciels à sources ouverts sur l'Internet depuis un certain temps ont inévitablement remarqué une contradiction intéressante entre ce en quoi les développeurs de logiciels à sources ouverts déclarent croire et leur manière de se comporter - entre l'idéologie officielle de la culture des logiciels à sources ouverts et les pratiques réelles. Les cultures sont des machines adaptatives. La culture des logiciels à sources ouverts est une réponse à un ensemble identifiable de motivations et de contraintes. Comme d'habitude, l'adaptation d'une culture à ce genre de circonstances se manifeste à la fois par une idéologie consciente, mais aussi comme un savoir implicite, inconscient ou semi-conscient. Et, comme c'est souvent le cas, les adaptations inconscientes sont partiellement en contradiction avec l'idéologie consciente. Dans cet article, nous allons faire apparaître les origines de cette contradiction, et l'utiliser pour découvrir les coutumes et les contraintes de cette culture. Nous allons en déduire quelques mécanismes intéressants relatifs à la culture hackeur et à ses coutumes. Nous conclurons en suggérant des manières de procéder qui permettent de tirer parti de la connaissance de cette culture implicite. 2. Les différentes idéologies des hackeurs L'idéologie de la culture des logiciels à sources ouverts sur Internet (celle en laquelle croient les hackeurs) est un sujet déjà assez compliqué en lui-même. Tous ses membres s'accordent sur le fait que les logiciels à sources ouverts (c'est-à-dire les logiciels librement redistribuables et qu'on peut facilement faire évoluer et modifier en fonction de ses besoins) sont une bonne chose et valent la peine qu'on s'y consacre de façon significative. Cette position définit efficacement l'appartenance à cette culture. Pourtant, les raisons pour lesquelles des individus et différentes sous-cultures adhèrent à cette croyance sont très variées. L'un de ces degrés de liberté est le zélotisme. Le développement de logiciels à sources ouverts est simplement vu, soit comme un moyen pratique pour atteindre un but (de bons outils, des gadgets amusants et des jeux intéressants), soit comme une fin en soi. Un zélote extrémiste pourrait dire: «Les logiciels libres sont ma vie! J'existe pour créer des programmes utiles et beaux ou pour écrire des documentations et pour les distribuer librement.» Un zélote 'modéré' dirait: «Les logiciels à sources ouverts sont une bonne chose, pour laquelle je suis prêt à sacrifier une bonne partie de mon temps.» Une personne peu attachée à la cause dirait: «Oui, les logiciels à sources ouverts sont parfois corrects. Je joue avec et je respecte les gens qui les font.» Un autre degré de liberté est l'hostilité à l'égard des logiciels commerciaux et/ou des compagnies perçues comme dominant le marché des logiciels. Quelqu'un de très anti-commercial pourrait dire: «Les logiciels commerciaux, c'est du vol, de la rétention d'information! J'écris des logiciels à sources ouverts pour mettre un terme à ce fléau!» Une personne modérément anti-commerciale pourra dire: «Les logiciels commerciaux sont en général acceptables, parce que les programmeurs méritent d'être payés, mais les compagnies qui se la coulent douce en vendant de la camelote et en usant de leur poids pour imposer leurs produits sont mauvaises.» Un pro-commercial dira par exemple: «Les logiciels commerciaux sont bons, j'utilise /j'écris des logiciels à sources ouverts uniquement parce que je les trouve meilleurs.» Les neuf attitudes qui découlent des combinaisons de ces catégories sont toutes présentes dans la culture des logiciels à sources ouverts. Il est nécessaire de mettre en évidence ces distinctions car cela induit différentes priorités et différents comportements adaptatifs et coopératifs. Historiquement, l'organisation la plus connue et la mieux organisée de la culture hackeur a été à la fois très zélote et très anti-commerciale. La Free Software Foundation (FSF) fondée par Richard M. Stallman (RMS) a encouragé activement le développement des logiciels à sources ouverts depuis le début des années 1980, en fournissant des outils tels que Emacs et GCC (1). Pendant longtemps la FSF était le seul point de ralliement des développeurs de logiciels à sources ouverts. Elle a conçu un grand nombre d'outils fondamentaux pour cette culture. La FSF était aussi le seul sponsor des logiciels à sources ouverts avec une identité institutionnelle visible par des observateurs extérieurs à la culture hackeur. En fait, ses membres ont défini le terme de «free software» (logiciel libre), en lui donnant délibérément un nom provocateur (2). Ainsi, la perception de la culture hackeur, à la fois de l'extérieur et de l'intérieur, tendait à être identifiée avec l'attitude de la FSF, à la fois frénétique et perçue comme anti-commerciale (Richard M. Stallman, lui-même, dément avoir cette attitude anti-commerciale, mais son attitude a été interprétée comme telle par un très grand nombre de gens, dont ses plus fervents défenseurs). La conduite énergique et explicite de la FSF pour «luttez contre la rétention des logiciels» (Stamp Out Software Hoarding!), devint la doctrine des hackeurs et Richard M. Stallman est devenu le chef de file de cette culture. Les termes de la licence de la FSF, la «General Public License» (GPL), traduisent l'attitude de la FSF. Elle est largement utilisée dans le monde des logiciels à sources ouverts. Le site Sunsite, en Caroline du Nord, est le plus populaire des sites d'archives de logiciels dans le monde Linux. En juillet 1997 à peu près la moitié des paquetages de logiciels de Sunsite utilisaient la licence GPL. Mais la FSF n'a jamais été seule sur ce créneau. Il y a toujours eu un autre mouvement au sein de la culture hackeur, plus calme, moins provocateur, et plus tolérant en ce qui concerne la vente des logiciels. Les pragmatiques n'étaient pas tant fidèles à une idéologie qu'à un ensemble de traditions scientifiques fondées aux débuts du mouvement des logiciels à sources ouverts, et antérieures à la FSF. Ces traditions mêlaient, avant tout, la culture technique d'Unix et l'Internet pré-commercial. L'attitude typique d'un pragmatiste est seulement modérément anti-commerciale, et son grief majeur envers le monde des entreprises n'est pas la rétention des sources en elle-même. C'est plutôt un ressentiment envers cette culture perverse qui refuse d'intégrer l'approche plus efficace d'Unix, des standards et des logiciels à sources ouverts. Si le pragmatique déteste quelque chose en particulier c'est moins souvent le fait d'être privé des sources de ses logiciels que le Roi du logiciel du moment; IBM autrefois, Microsoft aujourd'hui. Pour le pragmatique, la GPL est un outil important, mais pas une fin en soi. Son utilité principale n'est pas d'être une arme contre la rétention d'informations, mais plutôt un moyen d'encourager la communauté des développeurs au partage des logiciels et à l'adoption du modèle de programmation de type «bazar». Le pragmatiste accorde plus de valeur aux bons outils et aux gadgets qu'il ne déteste le commerce et il peut utiliser des outils commerciaux de bonne qualité sans se poser de problème de conscience. En même temps, son expérience des logiciels à sources ouverts l'a habitué à une qualité technique que très peu de logiciels fermés peuvent atteindre. Pendant de longues années, le point de vue des pragmatistes était principalement exprimé, au sein de la culture hackeur, comme un refus obstiné d'adopter la GPL en particulier ou les idées de la FSF en général. Dans les années 80 et au début des années 90, cette attitude tendait à être associée aux fanatiques de l'Unix de Berkeley, aux utilisateurs de la licence BSD et aux pionniers qui avaient tenté de constituer un Unix libre à partir des sources de BSD. Cependant, ces efforts, n'ayant pas mené à la consitution de communautés «bazar» de taille conséquente, furent un échec et n'ont produit que de petits groupes dispersés et inefficaces. Les pragmatiques ne commencèrent à avoir du poids qu'avec l'avènement de Linux en 1993-1994. Bien que Linus Torvalds n'ait jamais souhaité s'opposer à Richard M. Stallman, il s'est posé en exemple en regardant d'un oeil bienveillant la croissance de l'industrie commerciale autour de Linux, approuvant l'utilisation de logiciels commerciaux de bonne qualité pour des tâches spécifiques, et en raillant gentiment les éléments les plus puristes et les plus fanatiques de la culture hackeur. La croissance rapide de Linux a eu pour conséquence l'arrivée d'un grand nombre de nouveaux hackeurs dévoués à Linux et pour lesquels la FSF n'avait qu'un intérêt historique. Bien que la nouvelle vague de hackeurs Linux décrive ce système comme «le choix d'une GNUvelle génération (The choice uploads/Societe et culture/ a-la-conquete-de-la-noosphere.pdf

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