La Forteresse Éclatée n° 68/69 – Hiver 2006 6 Ghislain MAGEROTTE Une interventi
La Forteresse Éclatée n° 68/69 – Hiver 2006 6 Ghislain MAGEROTTE Une intervention clinique pour les personnes ayant de l’autisme Apports de l’Analyse appliquée du comportement (ABA ou AAC) A border l’Analyse appliquée du comportement en la focalisant sur l’intervention clinique pour les personnes ayant de l’autisme nécessite qu’on s’adresse d’abord aux premiers intéressés que sont les parents et leur enfant, ainsi que les interve- nants de 1re ligne qui « sont au charbon » quotidienne- ment, durant de longues heures, à savoir notamment les enseignants, les éducateurs spécialisés, les auxiliaires de vie scolaire et autres professionnels. Ensuite, cette pro- blématique concerne aussi les responsables des services scolaires et non scolaires, qu’ils accueillent des enfants ou des adultes, car ils sont les garants de la qualité des interventions réalisées. Nous présenterons d’abord le modèle ABA et les élé- ments du contexte qui agissent sur le comportement de la personne*, avant d’en préciser les applications possi- bles, en particulier en intervention précoce auprès de très jeunes enfants avec autisme. Nous aborderons ensuite brièvement la méthodologie à employer avant de tirer quelques conclusions en termes de qualité des services. Le modèle ABA Ainsi que l’indiquent les initiales ABA (Applied Behavior Analysis) ou AAC (Analyse appliquée du comportement), l’intervenant est avant tout préoccupé par le comporte- ment (Behavior) de la personne – mais pas de n’importe quel comportement ! L’intervenant est avant tout con- cerné par des comportements « importants » pour la per- sonne et/ou pour son milieu ! Ainsi, il travaillera sur des comportements favorisant son développement comme apprendre à l’enfant à sourire à sa maman, communiquer avec elle et lui parler, être propre sur la plan sphinctérien, et aussi sur des comportements dits « inadaptés », comme frapper, crier, s’automutiler. De plus, l’intervenant s’intéresse avant tout à ces compor- tements dans des situations de vie concrètes considérées comme importantes par et pour la personne (Appliquée ou Applied) : il ne travaillera pas en laboratoire mais iden- tifiera de façon aussi précise que possible des éléments du contexte naturel de vie qui influencent ce comporte- ment : on parlera d’une hypothèse fonctionnelle relatant les relations fonctionnelles entre ces comportements et leur environnement concret – que nous détaillerons un peu plus loin. Enfin, l’intervenant se préoccupera de l’analyse (Analysis) des relations entre le contexte et le comportement de la * Nous utilisons le terme « personne » pour signifier que notre texte s’applique à tous, quel que soit leur âge. Parfois, nous utilisons le terme « enfant », particulièrement lorsque nous abordons spécifi- quement cet âge de la vie. Nous vivons tous de nos relations avec le milieu. Comment veiller à ce que les relations des personnes avec autisme favorisent leur « mieux vivre » ? Nous devons la reproduction de cet article à l’aimable autorisation de la revue Sésame ainsi qu’à celle de notre ami G. Magerotte, nous les remercions doublement. L’ABA est souvent en cause, certains y voient « pire que TEACCH ». Ghislain Magerotte analyse pertinemment cette méthode. La Forteresse Éclatée n° 68/69 – Hiver 2006 7 personne afin de s’assurer que c’est son intervention qui a provoqué ces changements. En conséquence, il lui faudra décrire précisément les stratégies employées ainsi que leurs conditions d’application (c’est la dimension technologique – souvent mal comprise dans le milieu francophone). Les éléments du contexte Quels sont les éléments du contexte qui influencent le compor- tement et qui sont à la base de l’hypothèse fonctionnelle ? Influencé par les conceptions de Skinner, le secteur de l’intervention a d’abord mis l’accent sur les conséquences (ou renforçateurs). Ce sont en effet les conséquences, si elles sont perçues comme « positives » (et pas nécessaire- ment par les intervenants !), qui font que les personnes manifestent plus souvent certains comportements ou les apprennent, ou les manifestent moins souvent si elles sont perçues comme « aversives ». Ainsi, les difficultés que les personnes ayant de l’autisme ont sur le plan des relations sociales et de la communication expliquent, en partie tout au moins, l’efficacité limitée des renforçateurs sociaux que sont, par exemple, les félicitations, les sourires. Si la démarche a d’abord concerné les conséquences, il ne faut pas oublier les antécédents, c’est-à-dire les évé- nements qui précèdent le comportement. Ceux-ci sont de deux types. D’une part, les stimuli discriminatifs, c’est-à-dire ceux qui précèdent immédiatement le com- portement et favorisent son émission. Par exemple, si je dis à un enfant « viens et montre-moi ton travail », cette consigne est un stimulus discriminatif si et seulement si l’enfant vient après avoir entendu la consigne et me mon- tre son travail. Et on espère qu’il en sera souvent ainsi ! Mais le milieu est bien plus vaste que la consigne, ou les stimuli discriminatifs. Il comprend aussi d’autres anté- cédents que l’on appelle les événements contextuels ou plus simplement le contexte. Celui-ci comprend non seu- lement l’espace physique (les pièces d’une maison, une classe avec ses différents coins ou espaces…), l’emploi du temps ou l’horaire, les bruits, etc. mais aussi le contexte social (les personnes) et enfin le contexte sociétal (l’orga- nisation de la cité via ses lois, règlements, habitudes…). Prenons un exemple simple : si un enfant a mal dormi ou s’il est malade, la probabilité qu’il fasse ce que l’en- seignant ou l’éducateur lui demande est incertaine, car il percevra sans doute la tâche comme au-dessus de ces forces et/ou que la conséquence n’est pas suffisamment « appétitive » ; il ne sera donc pas vraiment tenté de faire la tâche demandée. Peut-être dira-t-il qu’il est fatigué ou malade, avec l’espoir que l’intervenant le comprendra et qu’il lui permettra de se reposer ou d’aller chez le méde- cin. Si l’intervenant insiste, l’enfant fera sans doute aussi de la résistance par divers moyens : il se fâchera, jettera le matériel à terre, ou fera la tâche avec des erreurs… avec l’espoir d’échapper à la tâche ! De plus, la personne avec autisme a des difficultés à associer les contextes physiques particuliers à certaines tâches ou activités. Elle a des difficultés, par exemple, à associer le lieu « salle à manger » à « je mange à table », la « salle de bain » avec « je me lave » ! Il faudra donc lui préciser visuellement et de façon individualisée qu’elle est invitée à émettre certains comportements dans cer- tains contextes, et pas dans d’autres – ce qui lui permet- tra de mieux « comprendre » son environnement et donc de lui donner un sens. On reconnaîtra ici le rôle de la structuration visuelle chère au programme TEACCH (Mesibov, 1995). De plus, ses réactions seront fonction des personnes qu’elle rencontre : à l’une, elle fera plaisir en lui mon- trant son travail, alors qu’une autre devra se fâcher pour voir le travail – en raison de son histoire d’apprentissage antérieure. Enfin, la connaissance et le respect de règles de vie en société nécessiteront également un apprentissage impor- tant, basé sur une formulation claire et visuelle (du moins au début) de ces règles. L’enfant apprendra ainsi à bien se coiffer, s’habiller convenablement avant de quitter la maison et d’aller dans une famille amie. Ces événements contextuels ont donc une influence importante sur les liens entre ces trois dimensions : les stimuli discriminatifs, les comportements de l’enfant et la valeur renforçante ou non des conséquences. Et la personne avec autisme, que fait-elle ? En quoi son autisme influence-t-il son comportement ? En quoi ses expériences antérieures d’apprentissage modifient-elles la façon dont elle agit face aux environnements (anté- cédents et conséquents) ? On voit évidemment ce que fera probablement l’enfant, dans la situation évoquée plus haut : la probabilité qu’il jette son matériel par terre est sans doute plus forte – à moins qu’il n’ait appris à dire qu’il est fatigué ou malade. Et comment expliquer ce geste ? Trois éléments sont importants : À quoi fait-il attention et que perçoit-il ? Que fait-il avec cette infor- mation ? Et finalement, que fait-il ? À quoi fait-il attention ? Que perçoit-il ? On sait par exemple qu’il est plus visuel qu’auditif, qu’il a une per- ception davantage centrée sur les détails, en fonction de son style d’apprentissage davantage marqué par les difficultés de cohérence centrale. A-t-il bien « compris » les mots utilisés par cet intervenant ? Et si l’enfant n’apprécie pas beaucoup cet intervenant, comment lui répondra-t-il ? Que « pense-t-il » de cette tâche ? S’agit-il d’une tâche nouvelle ou trop difficile et il fait appel à sa mémoire : il se souvient et compare cette tâche à d’autres demandées par cet intervenant. S’agit-il aussi d’une tâche dont il ne voit pas comment il pourrait la résoudre ? Ignore-t-il les différentes étapes ? « Sait-il » qu’il a des chances de suc- cès dans des tâches du même type ? Son expérience de l’échec le fait-il hésiter davantage avant d’agir ? De plus, comment peut-il planifier les activités à entreprendre ? On évoque en effet un déficit des fonctions exécutives. Et que fait-il finalement ? Si l’intervenant perçoit uploads/Societe et culture/ analyse-de-l-x27-aba.pdf
Documents similaires
-
15
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 06, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0861MB