Rencontres Pédagogiques du Kansaï 2009 Table ronde La culture dans tous ses éta

Rencontres Pédagogiques du Kansaï 2009 Table ronde La culture dans tous ses états : actualités de son enseignement Panel : Véronique CASTELLOTTI Modérateur : Vincent BRANCOURT Didier CHICHE Commentateur : Henri BESSE Adriana RICO-YOKOYAMA Vincent BRANCOURT Université Keio vbrancourt ?hotmail.com Comment enseigner la « culture » ou la « civilisation » à l’intérieur du système universitaire japonais, tel était le thème sur lequel nous invitait à nous pencher cette table ronde. A la réflexion globale proposée par Véronique Castellotti, montrant combien dans un contexte contemporain où les frontières identitaires deviennent davantage poreuses et où le métissage devient la règle, il est nécessaire d’interroger la notion traditionnelle de « culture », ont succédé les interventions de Didier Chiche et d’Adriana Rico-Yokoyama, qui revenaient l’un et l’autre sur leurs expériences d’enseignants français chargés de cours de civilisation destinés à un public d’étudiants japonais. Ensuite, Henri Besse a fait part des réflexions que lui avaient inspirées ces trois communications, soulignant l’importance du cadre institutionnel pour définir un enseignement, revenant sur la pertinence de la notion de « crible culturel » et mettant en avant le travail de « déconstruction » des schèmes culturels inconscients qui pouvait être une des tâches assignées au cours de civilisation. Pour finir, les interventions des différents panélistes ont été suivies d’échanges avec la salle, témoignant de l’intérêt que ce thème sensible pouvait susciter auprès des enseignants de FLE au Japon. Au-delà de la diversité des communications et de la richesse des échanges qu’elles ont pu susciter, une préoccupation commune semble s’être imposée : celle d’insister sur l’enjeu même de ce cours de civilisation ou de culture – peu importe somme toute l’étiquette sous laquelle on le range, puisque la variété des contenus enseignés défie toute tentative de la réduire à un seul mot. Le cours de civilisation n’est pas là pour, seulement, délivrer aux étudiants une somme de connaissances soumises ensuite à évaluation ; il s’agit bien plutôt de conduire les étudiants à réfléchir sur les représentations qu’ils se font de la culture que l’enseignant est chargé de leur présenter, de les amener à mettre en question l’évidence, interroger l’habituel et le familier. Ce à quoi le cours de civilisation pourrait inviter les étudiants, c’est donc à poser un nouveau regard non seulement sur la culture française ou francophone, mais dans un même mouvement sur la leur, un regard plus neuf, plus curieux et plus interrogateur ; en un mot, le cours de civilisation pourrait être l’occasion de l’apprentissage d’un « regard critique ». Et une telle conception de l’enseignement se traduit d’emblée par des choix pédagogiques concrets, le professeur étant amené non plus seulement à délivrer un savoir, mais élaborer son approche enseignante à partir des connaissances et des représentations de ses étudiants. 66 Enseigner des cultures ou construire des parcours interculturels ? Véronique Castellotti, Université François Rabelais-Tours Equipe d'accueil 4246 « DYNADIV » & Pr. invitée Université de Kyoto Comme le rappelle Henri Besse1 dans sa contribution, les cultures et les langues ne sont pas des ensembles concordant entre eux : des sociétés différentes partagent des langues communes, tandis que des dimensions culturelles partagées peuvent s'exprimer à travers des langues diverses. En outre, les langues ni les cultures ne constituent en elles-mêmes des ensembles unifiés ou homogènes, encore moins des systèmes clos dont il serait facile de déterminer les contours et les frontières. Dans le monde contemporain, ce qui relève de la sphère culturelle est bien sûr encore marqué par un ancrage historique et des traditions géographiquement situées mais, dans le même temps, les mobilités et les circulations s'intensifient matériellement, entre les pays et les continents, mais aussi plus virtuellement dans de nombreux domaines : sans sortir de chez soi, on peut converser instantanément avec des correspondants au quatre coins du monde, gérer les multiples aspects de sa vie quotidienne, se faire livrer des objets ou des mets parfaitement exotiques, jouer ou travailler avec des personnes amies ou inconnues, partageant peu ou prou langues, références culturelles, informations de tous ordres. 1. Une culture ou des éléments culturels ? Ce qui semblait auparavant, jusqu'à une date très récente, stable et relativement fixe, inscrit dans un environnement déterminé, peut aujourd'hui changer rapidement, évoluer, se modifier, se métisser, emprunter des aspects multiformes et des configurations changeantes. J'emploie ici à dessein le verbe « sembler », parce que l'histoire montre que, notamment pour ce qui concerne la culture dite cultivée (Olivieri, 1996), les circulations ont quasiment toujours existé et ont même été, à certaines périodes, pratiquement aussi intensives qu'aujourd'hui, avec toutefois une ampleur géographique moindre et en empruntant des voies en partie contrastées2. La différence la plus notable est peut-être qu'à l'heure actuelle, ces manifestations touchent non seulement les productions intellectuelles ou artistiques mais aussi, de manière importante, les modes de vie. Amin Maalouf, écrivain libanais de langue française, déclarait ainsi il y a quelques années dans une interview télévisée qu'il avait sans doute plus de choses en commun avec un homme rencontré dans la rue à Singapour qu'avec son grand-père. Du fait de ces modifications, il apparaît plus que jamais nécessaire de prendre en compte une pluralité qui a effectivement toujours existé, mais qui est, bien davantage qu'auparavant, posée comme une norme sociale et culturelle. 1 Que je tiens à remercier ici pour les nombreuses discussions que nous avons entretenues lors de notre séjour commun en tant que professeurs invités à l'Université de Kyoto, qui ont notablement contribué à nourrir et faire évoluer mes réflexions et cet article. 2 Serge Gruzinski montre ainsi comment les circulations se sont construites dans les deux sens entre l'Europe et le nouveau monde et comment, malgré la domination espagnole, les formes artistiques précolombiennes ont largement influencé l'art du sud de l'Europe à cette période et ont contribué à le « métisser » (Gruzinski, 1999). 67 Cela entraîne des questionnements concernant les pistes traditionnelles suivies dans le domaine de l'enseignement de la culture - civilisation, qui présentent le plus souvent des aspects « généralistes » et quelque peu figés des dimensions culturelles liées à la langue enseignée, les documents proposés dans les manuels ou les cours étant le plus souvent interprétés, par les élèves, comme « spécifiques » de cette « culture » et se transformant alors en exemples représentatifs, voire en modèles prototypiques. Il n'est pas besoin de chercher beaucoup pour trouver quelques exemples de ces circulations, mélanges et métissages témoignant des aspects protéiformes, largement articulés et interdépendants des cultures contemporaines ; si on s'en tient plus étroitement à la sphère franco-japonaise, les arts plastiques, la littérature, le théâtre, la musique notamment, mais aussi des arts plus « populaires » comme la bande dessinée fournissent un certain nombre d'exemples de productions dont on ne saurait dire avec certitude de quel lieu elles proviennent. Même si, avec Arjun Appadurai (2005), on peut constater le développement d'ethnoscapes, ceux-ci sont caractérisés par leur mouvance et leur instabilité. Dans cette situation on ne peut plus, à mon avis, continuer à parler de « cultures », comme si ce terme définissait des entités clairement définies et isolables. Toutefois, les dimensions historiques et contextuelles de leur enracinement subsistent, mais elles sont reconstruites, sélectionnées et présentées en fonction du lieu d'émission de l'image que veut donner celui qui est la « source » (dans le cas de manuels généralistes conçus en France, par exemple) et / ou du lieu de réception, du point de vue de leur lisibilité. Si l'on se place principalement, ici, du point de vue de l'enseignement du français comme langue étrangère ou seconde, on peut donc se poser la question de savoir s'il existe UNE culture qui peut être associée à cet enseignement 3 ou plutôt des éléments culturels diversifiés (parfois partagés, parfois plus situés), mobilisés partiellement et de manière différentes selon les lieux, les personnes, les enjeux des situations, en tension entre rituels et variation. L'objectif n'est peut-être plus, alors, d'enseigner ou d'apprendre « une culture », mais de sensibiliser aux choix et aux modalités d'interprétations des éléments culturels qu'on aura sélectionnés, en fonction des intérêts des élèves / étudiants, de leurs besoins, de leurs objectifs ainsi que des caractéristiques du contexte (notamment institutionnel) d'appropriation. 2. Quelques pistes didactiques Du point de vue didactique, la première question à se poser est donc sans doute celle des publics destinataires de ces enseignements et de leurs attentes / besoins vis-à-vis de leur formation / information d'ordre culturel. S'agit-il de futurs spécialistes de français (enseignants, interprètes, etc.) requérant donc une formation culturelle approfondie, dans de nombreux domaines ? Ou bien d'apprenants se destinant à vivre en France et ayant donc besoin d'éléments de culture « quotidienne » (accompagnement d'un conjoint allant travailler en France, séjour de moyenne durée, etc.) ? Ou encore d'étudiants souhaitant poursuivre leurs études en France et, à ce titre, devant acquérir des composantes de culture éducative et universitaire française ? Ou, comme il en existe beaucoup au Japon, avons-nous affaire à des personnes « désintéressées » (Besse, 2009) , choisissant le français essentiellement pour des raisons de culture « générale », d'affinité littéraire, artistique, uploads/Societe et culture/ enseigner-des-cultures-ou-construire-des-parcours-interculturels-v-castellotti-pdf 1 .pdf

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