1 LE CŒUR DE L’ATHLÈTE Correspondance : F. Carré, Service explorations fonction
1 LE CŒUR DE L’ATHLÈTE Correspondance : F. Carré, Service explorations fonctionnelles, Université Rennes 1, Unité INSERM 1099, 35033 Rennes E-mail : francois.carre@univ-rennes1.fr Points essentiels ■ Le cœur d’athlète regroupe les adaptations cliniques, électriques et morphologiques induits par une pratique sportive intense. ■ Ces signes sont facultatifs avec de grandes variations interindividuelles liées au terrain génétique, au sport, au sexe à l’âge et à l’origine ethnique. ■ Un athlète doit être asymptomatique et ce quels que soient les signes de cœur d’athlète qu’il présente. ■ Devant la découverte de signes cardiologiques douteux, un bilan cardiologique exhaustif avec arrêt concomitant de la pratique sportive est indispensable car aucun doute sur l’intégrité du système cardiovasculaire n’est acceptable pour autoriser une pratique sportive intense. La pratique sportive régulière et modérée est bénéfique pour le système cardio- vasculaire. Elle s’accompagne d’adaptations fonctionnelles modestes avec une baisse de la fréquence cardiaque de repos, une amélioration du remplissage ventriculaire et de la capacité de vasodilatation. Une pratique sportive intense et prolongée peut induire des adaptations cardio-vasculaires plus marquées qui sont regroupées sous le terme de « cœur d’athlète ». Les signes du cœur d’athlète et ses limites sont importants à connaître par le praticien du sport, d’une part pour ne pas laisser pratiquer un patient avec une cardiopathie potentiellement à risque, mais aussi pour ne pas abusivement interdire le sport intense à quelqu’un dont cela peut être le métier. Chapitre 56 Le cœur de l’athlète F. CARRÉ 2 ■ MÉDECINE DU SPORT 1. Le cœur d’athlète : définition, déterminants et intérêts. Le terme cœur d’athlète regroupe l’ensemble des modifications cardio-vasculaires cliniques, électriques, fonctionnelles et morphologiques, qui peuvent être induites par la pratique d’un entraînement physique intense et prolongé (1). Ce niveau est défini empiriquement et s’applique classiquement aux sportifs qui s’entraînent depuis plus de 6 mois au moins 6-8 heures par semaine, à une intensité supérieure au premier seuil ventilatoire (essoufflement marqué), soit au moins à 60-70 % du VO2 max ou 70-80 % de la fréquence cardiaque maximale individuelle (1). Ceci veut dire qu’une pratique sportive modérée, y compris avec participation à des compétitions, ne modifie pas significativement l’ECG ni l’échocardiogramme du pratiquant. Les déterminants principaux du cœur d’athlète sont hémodynamiques, neuro- hormonaux et génétiques. En effet, l’exercice intense induit, au niveau hémodynamique, des modifications volumétriques et barométriques importantes, au niveau neuro-hormonal des modifications du système nerveux autonome, catécholergique, cortisol, etc. Le patrimoine génétique a un rôle majeur qui explique pour une grande part les différences interindividuelles observées pour le même niveau et le même type d’entraînement. D’autres facteurs interviennent, à un moindre niveau, sur les caractéristiques de ces adaptations tels le type de sport, le sexe, l’âge, l’origine ethnique et… hélas le dopage (1, 2). En examinant un cœur d’athlète, il faut se rappeler que ce qui est différent n’est pas forcément anormal et encore moins pathologique. Le cœur d’athlète est physiologiquement normal. C’est avant tout un cœur adapté aux contraintes imposées par l’exercice physique avec des adaptations morphologiques et fonctionnelles. C’est surtout dans les disciplines aérobies (ou d’endurance, type course à pied longues distances, vélo, natation…), qui imposent les contraintes les plus importantes en terme d’intensité et de durée, que les signes les plus marqués de cœur d’athlète sont observés. Dans de rares cas (3 à 5 %), les limites de ces adaptations sont atteintes, ce qui peut poser des problèmes diagnostiques et/ou entraîner des symptômes de gravité variables (3). Ces adaptations régressent pour la plupart assez rapidement (1-6 mois) en cas d’arrêt total de la pratique sportive (1). Le cœur d’athlète s’adapte pour être plus performant à l’effort, il doit donc en cas de doute sur son intégrité être exploré avant tout à l’effort (épreuve d’effort avec analyse des gaz expirés et/ou échocardiogramme d’effort). En effet, l’augmentation importante de la consommation d’oxygène maximale chez l’athlète ( + 40 à 60 % par rapport à un sédentaire) est due d’une part à une adaptation périphérique avec un extraction majorée de l’oxygène musculaire et d’autre part avec un débit cardiaque maximal augmenté (35-40 l/min contre 20-25 l/min chez le sédentaire). Cette majoration du débit cardiaque n’est pas due à une augmentation de la fréquence cardiaque maximale qui peut même être un peu (4-6 bpm) diminuée, mais à un volume d’éjection systolique très augmenté (110-130 ml chez le sédentaire contre 150-180 chez l’athlète). Cette majoration du volume d’éjection 3 LE CŒUR DE L’ATHLÈTE systolique est due à l’augmentation de la volémie, à la dilatation des cavités cardiaques et à une meilleure capacité de relaxation et de contraction myocardique. Le cœur de l’athlète se remplit mieux et se vide mieux (1). Les adaptations vasculaires qui permettent le maintien d’un couplage ventriculo- artériel optimal ont aussi un rôle important. La capacité de vasodilatation de l’athlète est accrue avec baisse plus nette des résistances périphériques, ce qui augmente donc le débit sanguin au niveau des muscles actifs. Au niveau myocardique aussi, la vasodilatation artérielle coronaire est améliorée (4). 2. Clinique du cœur d’athlète Un athlète doit être asymptomatique. Ceci doit être confirmé par le médecin grâce à un interrogatoire dirigé et « policier ». Il recherche des antécédents personnels et/ou familiaux cardio-vasculaires graves, et/ou des symptômes négligés, cachés ou oubliés par ce sportif qui est persuadé, à tort, que sa pratique sportive l’immunise contre les maladies du cœur. La bonne corrélation entre les caractéristiques de l’entraînement et le niveau de performance rapporté doit aussi être vérifiée. L’examen physique présente peu de particularités. Chez un sujet en règle mince, il peut retrouver un cœur lent avec un choc de pointe puissant et une pulsatilité artérielle marquée. À l’auscultation, des bruits surajoutés comme un souffle discret, proto- ou mésosystolique, le long du bord gauche du sternum, variable avec la position et la respiration, et/ou un troisième ou un quatrième bruit sont assez souvent entendus. Le réseau veineux des membres sollicités par l’entraînement est souvent marqué. La pression artérielle mesurée aux deux bras avec un brassard adapté aux masses musculaires en position couchée ou assise puis debout est plutôt basse avec une tendance à l’hypotension orthostatique. Il faut noter que des chiffres tensionnels limites, 140-90 mmHg, chez un athlète endurant souvent vétéran, doivent interpeller vu l’effet hypotenseur normal de cette pratique sportive (1). 3. Électrocardiogramme de l’athlète L’électrocardiogramme de repos avec 12 dérivations (ECG) est le premier examen de prévention. Il est recommandé dans la visite de non contre indication au sport en compétition entre 12 et 35 ans. De même en cas de symptôme de la sphère cardio-vasculaire, l’ECG est l’examen à réaliser de première intention. Il n’a par contre aucun intérêt validé pour guider ou vérifier le retentissement d’un entraînement. Chez l’athlète, sa réalisation est son analyse n’ont pas de spécificité et doivent être classiques. L’idée trop largement répandue que tous les sportifs présentent des particularités électrocardiographiques pouvant poser des problèmes diagnostiques est fausse. 4 ■ MÉDECINE DU SPORT Les modifications ECG qui peuvent être induites par l’entraînement intense restent modestes et les particularités marquées réclament un bilan cardiologique adapté (tableau 1). Il ne faut donc pas trop facilement rattacher des « anomalies » électriques à une pratique sportive (5, 6). Globalement, comparé à l’ECG d’un sédentaire, celui de l’athlète montre un rythme sinusal avec une fréquence cardiaque plus lente, une arythmie respiratoire plus marquée, un complexe QRS ample, un peu élargi mais restant inférieur à 0,12 seconde et avec un axe frontal discrètement dévié vers la droite, et une onde T ample. Cette onde T peut avoir une forme « bizarre » mais elle doit être positive sauf en aVR où elle est toujours négative et en D3 et V1 où elle est très souvent négative. En dehors de ces particularités minimes, toutes disciplines sportives confondues, l’ECG de repos est normal chez 50 à 60 % des athlètes masculins et 75 % des athlètes féminines (7, 8). Des particularités mineures et asymptomatiques comme une bradycardie nette sinusale, un allongement de l’espace PR (> 200 ms), un QRS très ample sans Tableau 1 – Aspects électrocardiographiques de repos asymptomatiques favorisés par la pratique sportive intense. BAV = bloc atrio-ventriculaire ; BBD, BBG = bloc de branche droit, gauche. QTc = durée de l’intervalle QT corrigée par la formule de Bazett. Onde epsilon = dépolarisation ventriculaire retardée visible après le complexe QRS dans les dérivations V1 et V2 et se voit dans la maladie arythmogène du ventricule droit. En gras, les particularités pour lesquelles un avis cardiologique s’impose, d’après (5, 6, 7, 8) Paramètres Sûrement lié au sport Pas d’avis cardiologique Non lié au sport Possible avis cardiologique Rythme Bradycardie < 50 bpm sinusale ou avec échappement Arythmie respiratoire marquée Arythmie ventriculaire Extrasystoles supraventriculaires > 1 Ondes P Hypertrophie atriale droite ou gauche Conduction atrioventriculaire BAV de degré I BAV de degré II avec période de Luciani-Wenckebach BAV de degré II sans Luciani- Wenckebach BAV de degré III Préexcitation (Wolff-Parkinson White) PR court isolé sans symptôme Complexe QRS BBD incomplet QRS amples isolés, sans – déviation axiale, – anomal ie de l’onde P – trouble de repolarisation Axe > 120 uploads/Sports/ 056-carre.pdf
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- Publié le Mai 30, 2021
- Catégorie Sports
- Langue French
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