FRANÇAIS Le texte narratif LA NOUVELLE lire un récit complet COMPRÉHENSION DE L

FRANÇAIS Le texte narratif LA NOUVELLE lire un récit complet COMPRÉHENSION DE LA LECTURE Source : Tous les chemins mènent au ciel de Roald Dahl, 1953 • Editions Folio Junior in “Coup de gigot et autres histoires à faire peur” • Texte traduit par Hilda Barbéris /Élisabeth Gaspar Tous les chemins mènent au ciel 1 Toute sa vie, Mme Foster avait souffert d'une crainte presque pathologique de manquer le train, l'avion, le bateau, ou même le lever du rideau au théâtre. Mis à part cette hantise, ce n'était pas une femme particulièrement nerveuse. Seule la pensée d'être en retard la mettait dans un état tel qu'elle en conservait un tic. Un tout petit muscle, au coin de l'œil gauche, se mettait à sauter ce qui lui donnait l'air de cligner constamment de l'œil. Et cela ne voulait jamais s'arrêter avant le départ, départ sans histoire, du train, du bateau, etc. Et cela durait encore près d'une heure après qu'elle eût pris le moyen de transport en question. 2 Il est extraordinaire de constater comme, chez certaines personnes, la peur de manquer un train peut dégénérer en obsession. Une demi-heure au moins avant le moment de quitter la maison pour aller à la gare, Mme Foster sortait de l'ascenseur, prête à partir, avec son chapeau, son manteau et ses gants. Incapable de s'asseoir, elle voletait de chambre en chambre jusqu'à l'apparition de son mari dont la voix calme et sèche suggérait que c'était peut-être bien le moment de partir. 3 M. Foster avait certainement des raisons d'être irrité par les manies de sa femme, mais il n'avait pas d'excuse à augmenter ses tortures en la faisant attendre sans nécessité. Remarquez bien qu'il ne le faisait peut-être pas tout à fait à dessein, mais la chose se répétait avec une telle régularité qu'il était difficile de ne pas le soupçonner de le faire exprès. Et pourtant, la pauvre dame n'aurait jamais osé le rappeler à l'ordre ou lui demander simplement de se dépêcher. Elle était trop bien dressée pour cela. Et lui le savait parfaitement. Il devait savoir également que cette façon d'attendre le dernier moment pouvait la mener jusqu'à l'hystérie. À une ou deux occasions, au cours des dernières années, il avait eu presque l'air de VOULOIR manquer le train, rien que pour augmenter les souffrances de la pauvre femme. 4 Dans le cas où le mari serait coupable, son attitude deviendrait doublement irrationnelle car, à l'exception de ce point faible nommé plus haut, Mme Foster avait toujours été une épouse irréprochable. Pendant près de trente années, elle n'avait jamais cessé de se montrer bonne, aimante, serviable. Cela ne faisait aucun doute. Et, quoique très modeste, elle en était consciente. Si bien que, malgré son refus obstiné de croire que M. Foster la tourmentait à dessein, quelques incidents survenus récemment l'avaient contrainte à se poser la question. 5 M. Eugène Foster qui était âgé de près de soixante-dix ans vivait avec sa femme dans une maison de six étages dans la 62e Rue, et ils avaient quatre domestiques. L'endroit était plutôt morne et ils recevaient peu de visites. Mais le matin de janvier qui nous occupe, la maison s'était animée soudain et il y régnait un considérable remue-ménage. Une servante déposait des paquets de housses dans toutes les chambres tandis qu'une autre en revêtait les meubles. Le maître d'hôtel descendait des valises qui allaient s'entasser au milieu du vestibule. La cuisinière allait et venait pour donner des instructions au maître d'hôtel. Mme Foster, elle, dans son manteau de fourrure démodé, son chapeau noir haut perché, courait de pièce en pièce, en prétendant surveiller les opérations. En réalité, elle était incapable de penser à autre chose qu'à cet avion qu'elle allait manquer si son mari ne sortait pas bientôt de son cabinet de travail, prêt à partir. 6 « Quelle heure est-il, Walker? Demanda-t-elle au maître d'hôtel qui traversait le vestibule. - Dix heures moins vingt, Madame. - Et la voiture? Elle est là? - Oui, Madame, elle vous attend. Je suis en train d'y mettre vos bagages. - Il faut une heure pour aller à Idlewild, dit-elle. Mon avion décolle à onze heures et il faut que j'y sois une demi-heure avant, pour les formalités. Je vais être en retard. Je vais être en retard, j'en suis sûre. - Je crois que vous avez tout votre temps, Madame, dit gracieusement le maître d'hôtel. M. Foster sait que vous devez partir à dix heures moins quart. Vous avec encore cinq minutes. - Oui, Walker, bien sûr. Mais chargez vite cette voiture, s'il vous plaît. » 7 Elle se mit à faire les cent pas dans le vestibule et chaque fois, elle lui demandait l'heure. C'était, se disait-elle, le SEUL avion et elle ne devait pas le rater. Il lui fallu de longs mois pour convaincre son mari de la laisser partir. Si elle le manquait, il pourrait encore changer d'avis et lui ordonner de décommander le voyage. Le plus grave était sa volonté de l'accompagner à l'aéroport pour la voir partir. 8 « Mon Dieu, dit-elle tout haut, je vais le manquer, je le sais, je le sais. » Le petit muscle au coin de son œil gauche dansait follement. Les yeux, eux, allaient pleurer. 9 « Quelle heure est-il, Walker? - Dix heures moins dix-huit, Madame. - Ça y est, je vais le manquer! Gémit-elle. Mais que fait-il donc? » 10 C'était un voyage très important. Mme Foster allait toute seule à Paris pour voir sa fille, sa fille unique qui avait épousé un Français. Mme Foster n'aimait pas énormément son gendre, mais elle adorait sa fille et, de plus, elle mourait d'envie de voir de ses propres yeux ses trois petits-enfants. Elle ne les connaissait que par les nombreuses photos qui lui avaient été envoyées et qu'elle avait répandues un peu partout dans la maison. Elle en raffolait et chaque fois qu'une nouvelle photo arrivait, elle l'étudiait longuement, avec amour, tout en cherchant sur les petits visages des traits familiers, cette fameuse ressemblance si agréable à détecter. Et, peu à peu, l'idée de vivre loin de ces enfants lui était devenue intolérable. Elle ne pouvait plus supporter de ne pas les avoir près d'elle, de ne pas pouvoir les promener, leur offrir des cadeaux, les voir grandir. Elle savait, bien sûr, que c'était plutôt mal, déloyal même, d'avoir de telles pensées tandis que son mari vivait encore. Car, bien qu'il n'y eût plus beaucoup d'activités, il n'aurait jamais consenti à quitter New York pour s'établir à Paris. C'était déjà un miracle qu'il ait fini par l'autoriser à partir seule, pour six semaines. Mais, oh mon Dieu, comme elle avait envie de vivre toujours près d'eux! 11 - « Walker, quelle heure est-il? - Dix heures moins huit, Madame. » 12 Au moment même où il parlait, une porte s'ouvrit et M. Foster pénétra dans le vestibule. Il s'arrêta un instant pour regarder fixement son épouse. Et elle rendit son regard à ce tout petit vieillard encore vert dont le visage à la barbe fleurie ressemblait de façon étonnante à celui d'Andrew Carnegie, sur les vieilles photos. 13 «Eh bien, dit-il. Il est temps de nous mettre en route si vous voulez attraper cet avion! - Oui, mon cher, oh oui, tout est prêt! La voiture est devant la porte. - Bien», dit-il. Et il la regardait toujours attentivement, en dessous. Il avait une façon bizarre de relever la tête pour la secouer rapidement. À cause de cela même, et aussi parce qu'il tenait toujours les mains très haut devant lui, il avait quelque chose d'un écureuil. Oui, on aurait dit un vieil écureuil futé du Parc national. 14 «Voici Walker avec votre manteau, mon cher. Mettez-le. - Une seconde, dit-il. Je dois encore me laver les mains.» 15 Elle l'attendit et le maître d'hôtel resta près d'elle. Il tenait toujours le manteau et le chapeau. «Walker, je vais le manquer, n'est-ce pas? - Mais non, Madame, dit le maître d'hôtel. Tout se passera très bien, vous allez voir.» 16 M. Foster reparut et le maître d'hôtel l'aida à mettre son pardessus. Mme Foster se précipita hors de la maison et s'engouffra dans la Cadillac qu'ils avaient louée. Son mari la suivit, mais il descendit lentement les marches, s'arrêtant en chemin pour examiner le ciel et renifler l'air froid du matin. 17 « On dirait du brouillard, dit-il en s'asseyant à côté d'elle dans la voiture. À l'aéroport, cela prend toujours plus d'importance. Cela ne m'étonnerait pas si le vol était déjà supprimé. - Ne dites pas cela mon cher! Surtout pas cela, S'IL VOUS PLAÎT. » 18 Et ils ne prononcèrent plus un mot jusqu'au pont de Long Island. 19 « Tout est arrangé avec les domestiques, dit alors M. Foster. Ils s'en vont tous aujourd'hui. Je leur ai donné leur demi-salaire pour six semaines et j'ai dit à Walker que je lui enverrais un télégramme quand nous aurons de nouveau besoin d'eux. - Oui, dit-elle. Je sais. - Je uploads/Voyage/ lecture-tous-les-chemins-texte-1.pdf

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  • Publié le Aoû 12, 2021
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