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Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Un

Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Un oracle gravé à Oinoanda Louis Robert Citer ce document / Cite this document : Robert Louis. Un oracle gravé à Oinoanda. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 115ᵉ année, N. 3, 1971. pp. 597-619; doi : https://doi.org/10.3406/crai.1971.12680 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1971_num_115_3_12680 Fichier pdf généré le 20/05/2018 UN ORACLE GRAVÉ A OINOANDA 597 COMMUNICATION UN ORACLE GRAVÉ A OINOANDA, PAR M. LOUIS ROBERT, MEMBRE DE L'ACADÉMIE. Sur les hauts plateaux qui s'étendent, à une moyenne de 1 000 à 1 400 mètres d'altitude, au nord de la Lycie et au sud de la Phrygie, sur le haut cours du Xanthos, subsistent, avec de beaux remparts, les ruines de la ville d'Oinoanda, qui fit partie un temps de la Tétrapole de Kibyra, avec aussi Boubôn et Balboura, et qui ensuite, tandis que Kibyra était rattachée à la province d'Asie, s'unit, comme ses deux voisines, à la Confédération Lycienne. Les ruines avaient été découvertes, à l'automne de 1841, par le lieutenant Hoskyn, de la marine anglaise, et le naturaliste Edward Forbes. L'identification en fut faite, d'après leurs documents, par le colonel William Martin Leake, qui fut l'incarnation de la géographie du monde hellénique pendant toute la première partie du xixe siècle1. Dès le printemps 1842, le même Forbes y revint avec l'officier de la marine anglaise Spratt et avec le Rév. E. T. Daniell, helléniste et dessinateur. Ils donnèrent une description et un plan sommaire du site et des ruines, le seul dont on dispose encore aujourd'hui2. A la même époque y passait aussi le savant et courageux voyageur prussien August Schônborn3. Quelques décennies plus tard, une 1. R. Hoskyn, J. Geogr. Soc. London, 12 (1842), 155-156. A la suite, aux pages 166- 167, dans les Remarks on M. Hoskyn's papers par W. M. Leake. Cf. les Travels (note suivante), p. xm-xiv. 2. Travels in Lycia, Milyas, and the Cibyratis, in Company with the late Rev. E. T. Daniell, by Lieutenant T.A.B. Spratt, R.N., F. G.S., of the Mediterranean hydro- graphical survey, and Professor Edward Forbes, F. R. S., of King's Collège, London, and the geological survey, late naturalist to H.M. Surveying Ship Beacon (Londres, 1847), I, p. 272-275, avec une planche. Tous les plans sont de Spratt, comme les levés des itinéraires pour la carte. Sur ce savant officier et sa carrière, voir la notice du Dictionary of National Biography, 53 (1898), 424-425 : Spratt (Thomas Abel Brimage ) , 1811-1888, connu « not only as an accomplished surveyor and hydrographer, but as a cultivated archaeolo- gist » ; outre ses travaux sur la côte méridionale de l'Asie Mineure et les Sporades, le» archéologues connaissent sa participation à l'exploration de la Crète. Sur Edward Forbes, naturaliste réputé aux dons variés, connu surtout comme ichtyologue et géologue, voir ibid., 19 (1889), 388-392 ; sa vie (1815-1854) fut abrégée par la malaria contractée en Orient ; p. 389, son embarquement sur le Beacon en 1841, son séjour dans l'Archipel et son voyage avec Spratt et Daniell. Sur « l'histoire naturelle de la Lycie », les chapitres xi, xn et xm de Forbes dans le volume II restent un document essentiel. Particulièrement attachant pour le géographe historien le chapitre xm sur la botanique, avec, la succession des plantes suivant la saison et leur distribution géographique. 3. Comme on sait, ses travaux ne sont connus pour l'essentiel que par le géographe Cari Ritter, Erdkunde, 19, Klein-Asien, II (1859), 809, 991-994. Les inscriptions qu'il copia furent publiées par J. Franz dans le CI G. Sur Schônborn, cf. L. et J. Robert, La Carie, II, 59-61 (cf. 57) et l'index p. 430. La mission anglaise rencontra à Antalya 598 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS description des murailles1, avec trois photographies, fut donnée par les savants autrichiens du groupe d'Otto Benndorf, l'archéologue Eugen Petersen et le médecin ethnographe Félix von Luschan2. Le théâtre, identifié par Spratt et décrit rapidement3, a été étudié récemment par une architecte italienne, qui a donné une étude avec plan et photographies4. La ville fut en outre visitée par quelques savants qui y firent une moisson d'inscriptions de l'époque impériale, c'est-à-dire de la période où la ville était « lycienne »5. Son nom est connu en dehors des milieux qui s'intéressent à l'épi- graphie et à la géographie historique. Elle a fourni en effet, de façon inattendue et seule dans le monde antique, des documents gravés de la philosophie épicurienne, textes nouveaux. L'épicurien Diogène d'Oinoanda figure dans la collection Teubner, où il a introduit l'épigraphie, et il a paru récemment deux éditions dues à A. Grilli et à M. C. W. Chilton6. Nous avons ainsi trois traités mutilés de Diogène et des fragments d'Épicure, dont une lettre à sa mère. Tout cela était gravé sur les murs d'un portique. Les premiers blocs avaient Schônborn (appelé toujours Schonbrun, comme aussi dans l'index) et son compagnon le naturaliste H. Loew (cf. La Carie, II, 59 ; Hellenica, XIII, 112 et l'index) ; voir Travels, I, p. x, note ; II, p. 8. 1. Spratt parlait déjà de ces murailles, p. 273-274 : « Les murs de la cité sont d'un côté bien conservés. Ils sont construits en blocs de pierre, par endroits en appareil polygonal, ailleurs en assises régulières, et toujours joints avec soin... Une des tours, avec le mur, a, trouvâmes-nous, 30 pieds de haut. Klle a une porte voûtée... Au-dessus de la porte sont deux tablettes inscrites, mais si effacées qu'elles sont presque illisibles ». Déjà Hoskyn, loc. cit., 156, lors du premier voyage : « de beaux restes de l'enceinte de la ville, ayant des inscriptions sur chaque côté des portes, mais trop effacées pour être copiées ». 2. Reisen im sùdwestl. Kleinasien, II (1889), Reisen in Lykien, Milyas und Kibyratien, 177-178 et planches XXVI-XXVIII. Le voyage eut lieu en 1882. Sur la carrière de F. von Luschan, voir mes Documents de l'Asie Mineure méridionale, 65. 3. Spratt, toc. cit., 275. 4. Daria de Bernardi Ferrero, Teatri classici in Asia Minore, II, Città di Pisidia, Licia e Caria (Rome, 1969), p. 89-95 et PI. XIV. Sur la faiblesse des notices autres qu'architecturales dans ces deux volumes, voir Bulletin Épigraphique 1970, 586 ; 1971, 531. P. 94, on nous raconte que, « visitée pour la première fois par le colonel W. M. Leake (Journal of a tour in Asia Minor... 1824) et une vingtaine d'années plus tard par Hoskyn et Forbes, la cité fut illustrée en ses monuments par Spratt et Forbes, Travels... ». Leake n'alla jamais à Oinoanda et ce nom ne figure pas dans son Journal of a tour (pour la chronologie de ce voyage, en 1800, cf. mes Documents de l'Asie Mineure méridionale, 48, n. 1). C'est en appendice au voyage d'Hoskyn et de Forbes, en publiant les inscriptions que ceux-ci avaient trouvées, que Leake a parlé d'Oinoanda et l'a identifiée depuis l'Angleterre. Au temps du voyage de Leake, comme aussi lors de la publication de son livre, le pays d'Oinoanda était inconnu, comme toute la région autour, comme Kibyra, qui ne fut découverte que par Spratt, Forbes et Daniell (pas encore au temps de l'article de Leake sur le voyage d'Hoskyn et Forbes). Les pionniers ont été, après Fellows pour la partie sud, Hoskyn et Spratt, avec Forbes et Daniell, et Schônborn. 5. Liste des inscriptions dans le bon article du probe W. Ruge dans P. W. s. v. Oinoanda (1937). 6. L'édition chez Teubner était due à John William (1907). Pour les deux autres éditions, celles de Grilli en 1960 et celle de Chilton en 1967, cf. Bulletin Épigraphique 1962, 43 ; 1970, 567-568. UN ORACLE GRAVÉ A OINOANDA 599 été découverts par mon maître Maurice Holleaux et son camarade Pierre Paris, en 1884, lors d'un voyage de Smyrne à la côte Ouest de la Lycie par la vallée du Méandre, Aphrodisias et Kibyra1. Georges Cousin, puis Rudolf Heberdey et Ernst Kalinka ont fait une récolte abondante de blocs, sans qu'elle pût être exhaustive2. Il y aurait une fouille — limitée, très limitée — à mener avant que l'élévation du niveau de vie dans la campagne turque ait amené la disparition à la fois des blocs déjà transcrits et des inédits qui gisent là, attendant, avec une patience méritoire et peu ordinaire, depuis la fin du monde antique les pioches et les leviers des humanistes, pour nous transmettre l'écho du message du maître du Jardin3. En attendant cet heureux moment, à cette inscription singulière et à tous les documents épigraphiques sur la vie municipale, avec ses grandes familles (« inscription généalogique d'Oinoanda » IGR, III, 500), et sur les fêtes et les concours, est venue s'ajouter, il y a peu de mois, une très curieuse inscription. L'édition en a été fournie par G. E. Bean4, qui a parcouru cette région, comme d'autres de la Lycie, pour en continuer le Corpus dont trois volumes sont dus à Ernst Kalinka avec 1 230 inscriptions. On ne connaissait jusqu'ici de ce texte qu'une série de syllabes sans suite en uploads/Voyage/ louis-robert-oraculo-de-oinoanda.pdf