Francois mauriac prix nobel 1952

Sire Madame Altesses Royales Mesdames et Messieurs Le dernier sujet que devrait aborder ce soir l ? homme de lettres que vous glori ?ez c ? est lui-même il me semble et c ? est son ?uvre Mais comment détournerais- e ma pensée de cette ?uvre et de cet homme de ces pauvres histoires et de ce simple écrivain français qui par la gr? ce de l ? Académie suédoise se trouve tout à coup chargé et presque accablé d ? un tel excès d ? honneur Non je ne crois pas que ce soit la vanité qui me pousse à considérer ce qui depuis mon obscure enfance m ? a conduit par un long cheminement jusqu ? à cette place que j ? occupe ce soir au milieu de vous Ce petit monde d ? autrefois qui revit dans mes livres ce coin de province française très peu connu des Français eux-mêmes et o? s ? écoulaient mes vacances d ? écolier je n ? imaginais pas quand j ? ai commencé à les décrire que cela pût retenir l ? attention de lecteurs étrangers Nous nous croyons toujours très singuliers nous oublions que les livres qui nous ont enchantés nous-mêmes ceux de George Eliot ou de Dickens de Tolsto? ou de Dosto? eski ou de Selma Lagerl? f décrivent des pays très di ?érents du nôtre des êtres d ? une autre race et d ? une autre religion et pourtant nous ne les avons aimés que parce que nous nous y sommes reconnus L ? humanité tout entière tient dans ce paysan de chez nous et tous les paysages du monde dans l ? horizon familier à nos yeux d ? enfant Le don du romancier se ramène précisément au pouvoir de rendre évidente l ? universalité de ce monde étroit o? nous sommes nés o? nous avons appris à aimer et à sou ?rir Que le mien ait paru si sombre à tant de mes lecteurs en France et hors de France oserai-je dire que je m ? en suis toujours étonné Les mortels parce qu ? ils sont mortels redoutent jusqu ? au nom de la mort et ceux qui n ? ont jamais aimé ni été aimés ou qui ont été abandonnés et trahis ou qui ont poursuivi en vain un être inaccessible sans même donner un regard à la créature qui les poursuivait eux-mêmes et qu ? ils n ? aimaient pas ceux-là aussi s ? étonnent et se scandalisent de ce qu ? une ?uvre romanesque décrit la solitude des êtres au sein de l ? amour même Dites-nous des choses qui nous plaisent ? disaient les Juifs au prophète Isa? e Trompez-nous par des erreurs agréables ? ? Oui le lecteur exige que nous le trompions par des erreurs agréables Et pourtant les ?uvres qui sont demeurées vivantes dans la mémoire des hommes sont celles qui ont assumé le drame humain tout entier et qui ne se sont pas dérobées devant

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