Adolf Loos/Comment doit-on s’habiller ? Adolf Loos, le « révolutionnaire contre
Adolf Loos/Comment doit-on s’habiller ? Adolf Loos, le « révolutionnaire contre les révolutionnaires », comme l’appelait son disciple et collaborateur Paul Engelmann, est né le 10 décembre 1870 à Brno, en Moravie, à une centaine de kilomètres seulement au nord de Vienne. Grâce à son père, tailleur de pierre et sculpteur, il se familiarise très tôt avec le monde de l’artisanat. Il commence en 1889 des études d’architecture à la prestigieuse université technique de Dresde, dont il ne sortira cependant pas diplômé. En 1893, il part visiter l’exposition universelle de Chicago, faisant ainsi son entrée dans le monde moderne. Son séjour de trois ans aux États-Unis est déterminant. Au tournant du siècle, l’architecture américaine voit apparaître des bâtiments d’un genre nouveau construits selon la thèse de Louis Henry Sullivan : « Form follows function. » Ce sont les premiers immeubles « tours » (buildings) et les premiers entrepôts industriels (warehouses). En 1896, il rentre à Vienne, moins autrichien que jamais. De l’autre côté de l’Atlantique, il a compris que la modernité n’appartenait pas au Vieux Continent et que c’est la civilisation anglo-saxonne qui inventerait les formes de demain. Il se voit confier ses premiers travaux d’architecture d’intérieur. En 1899, il fait scandale en décorant un nouveau café viennois, le Café Museum, dans un style d’une extrême simplicité. Suivent ses premiers travaux d’envergure : la Villa Karma à Clarens, près de Montreux (commencée en 1903, définitivement achevée en 1912), et le Kärntner Bar, petit « bar américain » du centre-ville de Vienne (1908). En 1908, il travaille à la rédaction de celui de ses textes qui a le plus contribué à forger sa légende : « Ornement et crime », où il affirme que le progrès de la civilisation va dans le sens d’une suppression de tous les types d’ornements, aussi bien en architecture que dans le domaine de l’ameublement ou des vêtements. Il invoque des arguments culturels et esthétiques, mais aussi économiques et sociaux. C’est un nouveau coup porté à la Sécession viennoise, l’équivalent autrichien du courant Art nouveau, qu’Adolf Loos critique avec virulence depuis sa création. Non sans un goût prononcé pour la polémique, Loos s’érige à Vienne en visionnaire isolé et incompris. Il trouve en Peter Altenberg (1859-1919) et en Karl Kraus (1874-1937) des frères de marginalité et de combat. En 1910, Adolf Loos entre dans l’histoire de l’architecture avec sa réalisation la plus célèbre : l’immeuble du « tailor and outfitter » Goldman & Salatsch sur la Michaelerplatz de Vienne. Le bâtiment frappe par cet étonnant contraste entre la partie supérieure de sa façade, simplement blanchie et percée de fenêtres, et la partie inférieure où est située l’entrée du magasin, entièrement plaquée de marbre cipolin et soutenue par quatre colonnes toscanes censées rappeler le portique de l’église Saint-Michel voisine. Certains Viennois indignés surnomment le bâtiment l’« immeuble sans sourcils » (en référence à l’absence de corniche et d’entablement autour des fenêtres). Après la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il était officier de réserve à Sankt Pölten, il a l’occasion de mettre en application sa vision sociale de l’architecture dans des travaux d’État. Mais déçu par le conservatisme de la jeune république autrichienne, il quitte l’office d’urbanisme de Vienne pour s’installer à Paris en 1922, où il résidera principalement jusqu’à sa mort. Seuls deux projets parisiens ont vu le jour : la maison de Tristan Tzara à Montmartre et, sur les Champs- Élysées, la succursale parisienne de la maison Knize, qui habillait en son temps toute l’aristocratie austro-hongroise. Il donne des conférences à la Sorbonne et fréquente les architectes Mallet-Stevens, André Lurçat et Le Corbusier (celui-ci avait publié « Ornement et crime » dans sa revue L’Esprit Nouveau en 1920). Les derniers temps de sa vie sont marqués par la maladie et un certain découragement. Malgré sa fatigue, il parvient, grâce à l’aide de ses élèves et collaborateurs, à donner quelques-unes de ses plus importantes réalisations : plusieurs villas à Vienne, le chalet Khuner sur le Semmering (1929) ou la maison Müller à Prague (1930). Le jour de son soixantième anniversaire, une grande partie de l’Europe intellectuelle et artistique rend hommage à l’architecte « prophète ». Karl Kraus, Arnold Schönberg, Heinrich Mann, James Joyce et Valery Larbaud signent une pétition pour appeler à la création d’une école Loos. L’un de ses derniers dessins est celui de sa propre tombe, simple bloc de granit devant porter l’inscription : « Adolf Loos : qui a libéré l’humanité du travail superflu ». Il meurt le 23 août 1933 dans une maison de santé de Kalksburg, en banlieue de Vienne. La ville de Vienne fera exécuter sa tombe telle qu’il l’avait imaginée, sans l’épitaphe. En parallèle de ses projets d’architecture, Adolf Loos a exercé durant toute sa vie un travail de chroniqueur culturel. Ses écrits journalistiques ne constituent pas une partie anecdotique ni encore moins récréative de son œuvre : il s’est lui-même tout autant considéré comme un « publiciste » (selon la terminologie allemande) que comme un architecte, et ces deux aspects de son travail se sont nourris l’un et l’autre. On trouvera rassemblés dans Comment doit-on s’habiller ? l’ensemble des textes d’Adolf Loos sur le thème de la mode et du vêtement. Si l’architecte des temps modernes s’intéresse à la mode, c’est en tant que manifestation immédiatement visible de la modernité et lieu d’enjeux économiques et sociaux importants. Les sept premiers articles de ce volume ont paru en 1898 dans la Neue Freie Presse, le principal journal austro-hongrois de langue allemande, d’orientation libérale. Ils ont été écrits lors de l’Exposition viennoise du Jubilé, grande foire internationale célébrant les cinquante ans de règne de François-Joseph où toutes les grandes industries de l’Empire venaient présenter leurs créations. Sa collaboration à la Neue Freie Presse continue après la clôture de l’Exposition ; c’est à cette occasion qu’a été écrit « La femme et la maison » (1898). La première publication du dernier texte daté de 1898, « Mode féminine », n’a pas été retrouvée à ce jour. En 1903, à 32 ans, Adolf Loos entreprend de créer sa propre revue : Das Andere (« L’Autre »), au sous-titre pour le moins provocateur : « Journal pour l’introduction de la culture occidentale en Autriche ». Le premier numéro est livré en supplément de la revue Kunst (« Art ») de Peter Altenberg, l’auteur des Esquisses viennoises, tandis que le deuxième – et dernier – numéro paraît séparément. Nous avons sélectionné pour ce volume des extraits sur le thème du style et de l’art de vivre. Les textes suivants, « Éloge du temps présent » et « Culture », ont été écrits en 1908 pour le journal munichois März. Dans l’Autriche ruinée de l’immédiat après-guerre, où il ne s’offre à lui que des commandes architecturales de peu d’intérêt, il est particulièrement actif comme chroniqueur dans la presse viennoise. En 1919, pour le quotidien Neues 8 Uhr-Blatt, il écrit notamment un article sur « L’uniforme anglais » et, de juin à octobre, répond chaque samedi aux questions des lecteurs sur le thème du vestiaire masculin. Nous avons rassemblé ces réponses hebdomadaires en fin de volume sous le titre « Faut-il abolir le gilet ? et autres questions d’habillement ». « L’art de faire des économies » (1924) est la mise sous forme d’article d’une série d’entretiens accordés par Adolf Loos à Wohnungskultur, revue consacrée à l’aménagement d’intérieur éditée à Brno. En 1928, pour une de ses éditions du dimanche, la Neue Freie Presse demandait à plusieurs « artistes éminents » d’exprimer leur avis sur cette « crise de la mode féminine » qu’était l’apparition des cheveux coupés courts. La réponse d’Adolf Loos, qui constitue le texte intitulé « Les cheveux courts », s’insérait dans le tirage original entre celles du décorateur de théâtre Alfred Kunz et du chirurgien Adolf Lorenz. « L’art de resaler » a paru en juillet 1933 dans le très éphémère quotidien viennois Der Adler (il ne donnera que dix-neuf numéros). C’est aussi le dernier texte destiné à la publication jamais écrit par Adolf Loos. Notre traduction suit principalement le texte des Sämtliche Schriften d’Adolf Loos, tome I, édités par Franz Glück (Verlag Herold, Vienne- Münich, 1962). Ce volume réunit les deux recueils d’articles revus par Adolf Loos de son vivant : Ins Leere gesprochen (1921, puis corrigé en 1931) et Trotzdem (1931), connus en français par l’intermédiaire d’une traduction partielle (Cornelius Heim, éd. Champ Libre, 1979, rééd. Ivrea, 1994) sous les titres Paroles dans le vide et Malgré tout. Ces ouvrages ne contiennent pas les articles « La femme et la maison », « Éloge du temps présent », « L’uniforme anglais », « L’art de faire des économies », « L’art de resaler » ainsi qu’une partie des réponses d’Adolf Loos aux lecteurs du Neues 8 Uhr-Blatt. L’édition de référence de ces textes est le recueil d’articles inédits retrouvés par Adolf Opel intitulé Die Potemkinsche Stadt (Georg Prachner Verlag, Vienne, 1983). Sont inédits en français les articles suivants : « Maroquinerie et orfèvrerie », « Les chausseurs », « La femme uploads/s1/ comment-doit-on-shabiller-loos-adolf-loos-adolf.pdf
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- Publié le Oct 08, 2021
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