DROIT ADMINISTRATIF M. le Professeur Jean-François BRISSON L2 Droit, série 2 An

DROIT ADMINISTRATIF M. le Professeur Jean-François BRISSON L2 Droit, série 2 Année universitaire 2020-2021 SÉANCE 5 : L’ORDRE PUBLIC Exercice : Cas pratique Vous êtes consultés par la Fédération de défense des producteurs agro-chimiques (FDPAC). Hillary Jaune, la Maire de le Commune de Chantes-les-petites fleurs, vient de prendre un arrêté en date du 14 septembre 2020 qui interdit la vente et la mise à la disposition du public de produits destinés à la consommation humaine ou animale tirés de plantes génétiquement modifiées dans tous les commerces et marchés situés sur le territoire de la Commune. L’affaire a fait grand bruit. Dans la presse locale, le maire a expliqué que cette mesure avait pour but de préserver les intérêts économiques des producteurs locaux qui sont tous engagés depuis plusieurs années dans une démarche de conversion bio. Barbe Hitturic, le Président de la FDPAC voudrait faire annuler l’arrêté du Maire. Il vous demande de lui proposer un argumentaire susceptible de convaincre le juge administratif de l’illégalité de cette mesure. En réaction à l’introduction de ce recours devant le juge administratif, les organisations anti- OGM envisagent de tenir une réunion en centre-ville dans les locaux de l’association Naturellement. L’association prévoit d’accueillir lors de cette manifestation Sidonie Lebio, pour une conférence expliquant les risques engendrés par la consommation de plantes OGM. Sidonie Lebio est la leader du PEVR, le Parti de l’Écologie Vraiment Radicale. A ce titre, elle a été condamnée en justice pour avoir participé à la destruction de nombreux hectares de champs de maïs transgéniques. La justice l’a également entendue dans l’affaire de l’incendie des locaux de l’entreprise INNOV-AGRO spécialisée dans production de semences d’OGM et située dans la commune voisine. Cette affaire avait mis la région en émoi car INNOV-AGRO était le principal employeur de la région. Dans la perspective de cette conférence, prévue la semaine prochaine, la FDPAC et les salariés de l’usine INNOV-AGRO ont lancé une pétition qui a réuni plusieurs milliers de signatures. La pétition vient d’être adressée au maire de la ville. Les signataires lui demandent de s’opposer à l’organisation de la réunion, faute de quoi ils prendront les mesures nécessaires et monteront des opérations coup-de-poing. C’’est dans ce contexte de tensions maximales que les services de la commune ont appris que la FDPAC venait de louer le cinéma de la commune voisine pour diffuser la veille de la conférence un film « La vérité sur Lebio » qui doit sur le mode satirique révéler selon ces promoteurs les liens entre Sidonie Lebio et le mouvement sioniste, présentant même le leader du PEVR comme un agent des services secrets israéliens à la solde de grands groupes financiers dont le projet serait de saboter l’agriculture française. Alain-Paul Hocal, le directeur des affaires juridiques de la ville, est très ennuyé. C’est lui qui avait conseillé au Maire de prendre l’arrêté du 14 septembre 2020. Il se demande si le Maire dispose des moyens juridiques pour s’opposer d’une part à la réunion organisée par l’Association Naturellement et d’autre part à la projection du film. Pouvez-vous le renseigner ? Sophie Stiquet, adjointe au maire chargée de la sécurité, propose de retenir une stratégie plus subtile afin d’éviter au Maire de s’opposer frontalement à la puissante FDPAC qui a longtemps soutenu les projets de la commune. Elle propose tout d’abord de s’appuyer sur le dernier rapport de l’Agence régionale de santé qui souligne la multiplication des cas contacts Covid-19 sur le territoire de la commune pour imposer un confinement général de l’ensemble de la population pour toute la durée de la semaine prochaine. Elle explique que cette mesure empêchera la population locale de sortir et de se rendre tant à la conférence qu’à la projection du film. A défaut, elle suggère de saisir le préfet. Ne sachant pas quoi penser des conseils de son adjointe, Hillary Jaune vous demande à nouveau conseil. Correction du cas pratique : I. Sur l’arrêté municipal concernant la vente et la mise à la disposition du public de produits destinés à la consommation humaine ou animale tirés de plantes génétiquement modifiées dans tous les commerces et marchés situés sur le territoire de la Commune Faits Hillary Jaune, la Maire de le Commune de Chantes-les-petites fleurs, vient de prendre un arrêté en date du 4 juillet 2020 qui interdit la vente et la mise à la disposition du public de produits destinés à la consommation humaine ou animale tirés de plantes génétiquement modifiées dans tous les commerces et marchés situés sur le territoire de la Commune. L’affaire a fait grand bruit. Dans la presse locale, le maire a expliqué que cette mesure avait pour but de préserver les intérêts économiques des producteurs locaux Problème(s) juridique(s) qui sont tous engagés depuis plusieurs années dans une démarche de conversion bio. Le Président de la FDAPC estime que cet arrêté municipal est illégal. Aussi, le maire peut-il, au titre de son pouvoir de police générale, interdire la vente et la mise à disposition du public de produits à base d’O.G.M. ? A titre liminaire, l’arrêté municipal poursuit-il un but de police administrative (générale) ? A. Sur l’illégalité de l’arrêté municipal au regard du but de police poursuivi Règle(s) juridique(s) Application aux faits Conclusion S’il incombe au maire la charge de la police municipale (CGCT, art. L. 2212-1), la police administrative poursuite l’objectif d’éviter les troubles à l’ordre public. La défense de l’ordre public, à savoir la défense des conditions minimales pour la garantie de l’exercice des libertés et droits fondamentaux, comprend le maintien d’un bon ordre matériel et immatériel. Sur l’aspect matériel, ses composantes sont expressément prévues à l’article L. 2212-2 du. Ainsi, « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Par défaut, tout autre but apparaît être exclu de la police générale du maire. Une interdiction poursuivant un but d’ordre économique ne saurait donc être acceptée. Cela a été confirmée dans l’arrêt Chaigneau (CE, 25 juillet 1975, Chaigneau). Dans les faits, la limitation de la vitesse des automobiles prise par le Premier ministre, au titre de son pouvoir de police générale, était considérée comme poursuivant un objectif de sécurité publique — la diminution du risque d’accident de la circulation — alors que l’intérêt financier de la France de se prémunir contre l’augmentation du prix du pétrole n’avait pas été acceptée. En l’espèce, le maire de la commune édicte un arrêté municipal dans le cadre de son pouvoir de police générale. Celui-ci vise à interdire la vente et la mise à disposition du public de produits à base d’O.G.M. Or, cet arrêté municipal poursuit, selon ses dires, un objectif économique, à savoir la préservation des intérêts économiques des producteurs locaux dont l’agriculture est biologique. La police municipale se limitant a assuré la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, la protection d’intérêts financiers — ici, ceux des agriculteurs locaux — ne peut être considérée comme poursuivant un objectif de protection de l’ordre public général. Aussi, l’arrêté municipal édicté par la Maire de la Commune de Chantes- les-petites fleurs ne poursuit pas un but de police et in fine la préservation de l’ordre public, le juge conclura nécessairement à l’illégalité de l’acte. B. Sur l’incompétence du maire en matière d’interdiction de la vente et de la mise à disposition du public de produits à base d’O.G.M Règle(s) juridique(s) Application aux faits En vertu de l’article L. 2212-1 du CGCT, le maire (autorité exécutive locale) a la charge « de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’État » traitant de ces domaines. Il est le seul titulaire du pouvoir de police générale sur le territoire communal. L’édiction d’arrêtés municipaux ayant pour objet la protection de l’ordre public — dont la salubrité publique est une composante — entre donc dans l’exercice de son pouvoir de police générale. Néanmoins, des lois peuvent instituer une police spéciale étatique. Par principe, si une telle police spéciale existe, celle-ci prime sur la police générale (CE, 30 juillet 1935, Établissements Satan ; CE, 10 avril 2002, Ministre de l’Équipement et des transports). Il s’agit donc de vérifier l’existence d’une police spéciale en matière d’organismes génétiquement modifiés. La question des OGM est traitée par l'article L. 533-3 du code de l'environnement, disposant que « [t]oute dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés à toute autre fin que la mise sur le marché, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable ». Si l’article L. 533-3 indique que l’autorisation préalable est du ressort de l’autorité administrative compétente, il faut chercher l’identité de cette dernière dans l'article 1er du décret du 18 octobre 1993 pris pour l'application, en matière de plantes, semences et plants, du titre III de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés que, lorsque les organismes génétiquement modifiés sont des plantes, semences ou plants, qui confère une telle compétence au ministre chargé de l'agriculture. Aussi, le décret fait explicitement état que « [d]es uploads/s1/ corrige-seance-5-l2-cas-pratique-police-2.pdf

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  • Publié le Jul 20, 2021
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