DROIT ADMINISTRATIF Séance n°8 : Les organismes privés chargés d’une mission de

DROIT ADMINISTRATIF Séance n°8 : Les organismes privés chargés d’une mission de service public Proposition de correction Exercice : Cas pratique- Le Gouren à Trégunc Désirant renouer avec sa popularité, le maire de la ville de Trégunc envisage de mettre en place une politique de revalorisation du patrimoine culturel de la commune à travers notamment la promotion du Gouren. Il s’agit d’une lutte traditionnelle très ancrée dans la localité et qui fait la fierté des bretons. Avec son directeur du service juridique, ils ont entrepris l’acquisition de locaux neufs spécialement aménagés pour les mettre à disposition de l’association Skol Gouren. L’association Skol Gouren a été créée à l’initiative de deux jeunes bretons il y a plus dix ans. Elle propose à ses adhérents des activités de lutte et des jeux d'opposition tout au long de l’année. Les horaires d’ouvertures et les frais d’adhésion sont fixés en accord avec la commune. L’ association est soutenue par la municipalité depuis six ans qui lui verse une aide annuelle (environ 75 % du budget de l’association) sous forme de subvention. Cette subvention fait l’objet d’une convention entre la mairie et l’association qui précise son montant exact et ses conditions d’utilisation qui comprennent l'organisation du Gourenathlon inauguré chaque année par le maire. Deux membres du conseil municipal siègent au bureau de l’association. Il approuve tous les ans au nom de la Commune les comptes administratifs et financiers et le règlement intérieur de l’association. Le secrétariat et la gestion de l’association sont assurés par les services de la commune : un agent territorial est mis à disposition de l’association. Tant qu’aux statuts de l’association, il précise que le Président de l’association est élu par le Conseil d’administration sur la base d’une proposition arrêtée par le Conseil municipal. Malgré le succès grandissant du Gouren, le Ministre des sports vient d’approuver la création de la Fédération nationale du Gouren, réunissant 30 000 licenciés et 300 clubs répartis sur l’ensemble du territoire, le fonctionnement de l’association se heurte à une série de difficultés. Très inquiet, le Maire vous consulte • Un élu d’opposition voudrait avoir communication des comptes de l’association et des contrats de travail. Est-il en droit de saisir la CADA (commission d’accès aux documents administratifs ? • Sujet à des sauts d’humeur, le Président de l’association vient de licencier le directeur exécutif qui était employé par l’association depuis plus de trois ans. o Il lui reproche d’avoir fait l’acquisition pour le compte de l’association de trois minibus d’une valeur totale de 100.000 € sans avoir respecté les procédures de publicité prévues par le Code de la commande publique. A votre avis, le directeur exécutif a-t-il commis une erreur ? Devant quel juge, pourrait-on éventuellement demander l’annulation de ce contrat o Le directeur exécutif n’entend pas se laisser faire et veut réclamer des dommages et intérêts. Devant quel juge doit-il porter son action ? • La Fédération nationale du Gouren a refusé d’inscrire l’association sportive Skol Gouren de Trégunc en division 1 du championnat national qui débute dans quelques semaines. Le Maire voudrait savoir s’il existe une possibilité d’attaquer ce refus en justice ? I- Le droit de saisine de la CADA pour un élu d'opposition pour l’accès aux documents de l’association Rappel des faits : L’association Skol Gouren créée à l'initiative de deux jeunes bretons propose à ses adhérents des activités de lutte et des jeux d'opposition. Bien qu’issue d’une initiative privée, l’association bénéficie depuis six ans d’un important accompagnement de la mairie qui lui octroie une subvention annuelle faisant l’objet d'une convention précisant son montant et ses conditions d’utilisation. Le secrétariat et la gestion de l’association sont assurés par la commune. Le président de l’association est élu sur proposition, conformément aux statuts de l’association, par le conseil municipal. Par ailleurs deux conseillers municipaux siègent au bureau de l’association et approuvent ces comptes administratifs et financiers. Qualification juridique : La nature juridique des documents (comptes) d’un organisme privé chargé d’une activité de service public. Question de droit : Un élu d’opposition peut-il saisir la CADA pour la communication des comptes et des contrats de travail d’un organisme de droit privé gérant une mission de service public ? En sus l’association peut elle être regardée comme gérant une mission de service public ? A- Sur la qualité d’organisme en charge d’une mission de service public Droit applicable : Le service public a été construit à ces origines autour d’une conception organique. Le service public étant défini comme une activité d'intérêt général assurée par des personnes publiques. (Sur la notion d’intérêt général v. plaquette séance 2). Cette conception organique est aujourd’hui remise en cause à la faveur d’une conception matérielle. En effet, le juge administratif admet désormais que des personnes privées puissent être reconnues comme étant chargées d'une mission de service public. Le Conseil d’Etat a consacré explicitement cette conception dans son arrêt du 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection » (commentaire à lire au G.A.J.A. !). Déjà 1935, le Conseil d'État avait admis à travers sa jurisprudence Etablissements Vézia (C.E., 20 décembre 1935) que des organismes privés pouvaient être chargés d'une mission d'intérêt général. Suite à l'arrêt Caisse primaire « Aide et protection », ce phénomène a été généralisé. Voir en ce sens l’arrêt C.E., Sect.,31 juillet 1942, Monpeurt (doc. 2 de la plaquette) commenté au G.A.J.A. Dès lors il s’est posé la question de savoir dans quelles conditions une activité gérée par une personne privée pouvait être regardée comme relevant d’une mission de service public. Le Conseil d’Etat fournit une grille d’analyse à cet effet. Dans la jurisprudence Sieur Narcy du 28 juin 1963, le Conseil d'État a fait usage de la technique du faisceau d'indices pour permettre l’identification d’une activité de service public gérée par une personne privée. Il retient alors trois critères cumulatifs à savoir : le caractère d'intérêt général de l’activité ; les prérogatives de puissance publique confiées à la personne privée et le fait pour la personne publique d’exercer un contrôle sur l'activité et la personne privée à laquelle elle est confiée. D'après cette jurisprudence, ce contrôle se manifeste notamment par l'exercice d'une tutelle sur la personne privée avec la nomination des membres de son conseil d'administration et le contrôle de l'activité avec l'exercice possible d'un veto suspensif. De manière générale, ce contrôle ou cette implication de la personne publique se manifeste par la présence de représentants de la collectivité au sein de l’organe décisionnel, des bilans annuels, un contrôle comptable du financement public, la fixation de prix et prestations pratiquées, des obligations diverses, … Il est, enfin, intéressant de préciser que le service public ne passe pas forcément par une délégation de S.P.. L'arrêt C.E., Sect., 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence est révélateur à cet égard. Une personne privée peut gérer une mission de service public, alors même qu'elle en a été à l'initiative, à condition que la personne publique, une fois l'activité reconnue, exerce un droit de regard. Le critère de la prérogative de puissance publique évoqué dans l’arrêt Narcy a été plus tard remis en question dans l’arrêt C.E., 20 juillet 1990, Ville de Melun. Le Conseil d'État a qualifié une activité d'intérêt général, gérée par une personne privée sous le contrôle d'une personne publique, comme étant une activité de service public, alors même qu'elle ne disposait pas de P.P.P. Ce qui a jeté un flou sur les conditions de reconnaissance d’une activité de service public. A travers l'arrêt A.P.R.E.I. du 22 février 2007, le Conseil d’Etat clarifie sa méthode d'identification d'une mission de service public gérée par un organisme privé. Le juge applique un raisonnement en trois temps. Dans un premier temps, le juge administratif vérifie si le législateur a reconnu ou exclu la qualification d'une activité en service public que ce soit de manière implicite ou explicite. Dans un second temps, s'il n'y a aucune qualification législative, le juge administratif applique la méthode de l'arrêt Narcy avec la réunion cumulative des trois critères précédemment énoncés. Dans un troisième temps, en l'absence de P.P.P., le juge administratif recours à un nouveau faisceau d'indices afin de savoir si la personne publique a bien voulu confier à une personne privée la gestion du S.P.. D'après cet arrêt, le juge administratif tient compte de quatre indices, sachant que, outre l'intérêt général, les trois autres renvoient à l'implication de la personne publique : l’intérêt général auquel répond cette activité, les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement de la personne privée, les obligations qui lui sont imposées pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés, les mesures prises pour vérifier que ces objectifs sont bien atteints. Il est intéressant de constater que l'appréciation des trois derniers indices permet au juge administratif de vérifier, d'après le considérant de principe A.P.R.E.I., si « l'administration a entendu lui (à l'organisme privé chargé de l'activité) confier une telle mission ». Le Conseil d’Etat à travers ce raisonnement combine les jurisprudences Narcy et Ville de Melun, sachant que la jurisprudence Ville de Melun est subsidiaire, c'est-à-dire qu'elle ne doit intervenir qu'en second lieu lorsque uploads/s1/ corrige-seance-n08-cas-pratique 1 .pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 14, 2021
  • Catégorie Administration
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0855MB