La littérature d’imagination scientifique FAUX TITRE 385 Etudes de langue et li

La littérature d’imagination scientifique FAUX TITRE 385 Etudes de langue et littérature françaises publiées sous la direction de Keith Busby, †M.J. Freeman, Sjef Houppermans et Paul Pelckmans Daniel Fondanèche AMSTERDAM - NEW YORK, NY 2012 La littérature d’imagination scientifique Couverture : Phototypie « L’Abeille » (c.a. 1910). The paper on which this book is printed meets the requirements of ‘ISO 9706: 1994, Information and documentation - Paper for documents - Requirements for permanence’. Le papier sur lequel le présent ouvrage est imprimé remplit les prescriptions de ‘ISO 9706: 1994, Information et documentation - Papier pour documents - Prescriptions pour la permanence’. ISBN: 978-90-420-3610-9 E-Book ISBN: 978-94-012-0881-9 © Editions Rodopi B.V., Amsterdam - New York, NY 2012 Printed in The Netherlands …les merveilleuses découvertes enfantées par le seul dix-neuvième siècle, (…) ces découvertes devraient vous faire présager les miracles que nous réservent les siècles futurs. Le Faure & de Graffigny Le Soleil et les petites planètes On ne connaît pas complètement une science tant qu’on n’en sait pas l’histoire Auguste Comte Cours de philosophie positive Introduction Comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans Paralittératures1, ces litté- ratures spécialisées ne sont pas nées ex nihilo, mais elles sont une exten- sion de la littérature générale, une sorte de spécialisation, tout simple- ment parce que leurs auteurs ne peuvent faire abstraction de leurs huma- nités – même si elles ont été limitées en ce qui concerne les autodidactes –, de leur formation. Ils en sont imprégnés et ceci transparaît plus ou moins dans leurs écrits : la forme et l’équilibre de la phrase, l’allusion à un « classique », les contenus culturels, le montage dramatique, tout en porte témoignage. Le côté innovant de leur travail va porter sur la thé- matique qu’ils enrichissent par une autre approche, par une perception nouvelle en créant de nouveaux genres. Par exemple, la littérature élé- giaque est devenue la littérature amoureuse, puis le roman sentimental qui a ouvert la porte à la manifestation de l’éros s’est dégradé en porno- graphie, pendant que le roman à l’eau de rose sauvegardait les « bons sentiments ». Il en sera de même avec les « littératures d’imagination scientifiques » qui vont intégrer à un développement romanesque clas- sique – même s’il lui arrive de tendre vers le rocambolesque – tout un substrat scientifique que les auteurs vont puiser dans la Révolution in- dustrielle du XIXe siècle. Pendant que les vulgarisateurs vont « enseigner les foules » par le biais d’articles dans des revues spécialisées, les écrivains  1 FONDANÈCHE, Daniel. Paralittératures. Paris : Vuibert, 2005, 732 p. 6 La littérature d’imagination scientifique vont créer une littérature nouvelle qui va ouvrir la voie à la Science- fiction au siècle suivant. Cette expression, « littérature d’imagination scientifique », due à Jean- Jacques Bridenne2, recouvre donc ce que l’on pourrait appeler « l’avant science-fiction », c’est-à-dire toute cette production romanesque qui s’appuie sur les découvertes et inventions portées par la seconde révolu- tion industrielle. Si la première est celle qui se produit à la Renaissance, la seconde débute en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle avec des inventions (com- me la machine à vapeur) qui vont permettre à l’industrie lourde de se dé- velopper. La source d’énergie reine est alors le charbon et les pays où cette « révolution » va s’opérer n’en manquent pas : Angleterre, Belgique, France, Allemagne, États-Unis, Japon et enfin la Russie. On pourrait croire que, subitement, les hommes sont devenus plus imaginatifs tant le nombre d’inventions et de brevets déposés est important. C’est une im- pression fausse. L’homme a toujours imaginé des solutions qui ont fait progresser les sciences et les techniques, mais cette révolution est devenue une réalité grâce à une période historique sans grands conflits et sans pandémies mondiales (alors que la première révolution a été entravée par des vagues de peste et de famine). Ainsi, en France, la Révolution industrielle se produit-elle après le premier Empire pour culminer sous le Second, une fois que le calme est revenu (Révolution et période napoléonienne), en dépit des brèves pé- riodes révolutionnaires de 1830 et de 1848. Entre la période napoléo- nienne qui va bouleverser l’Europe et la Première Guerre mondiale, le monde aura été relativement calme. Les effets visibles des inventions proviennent également de l’usage des brevets qui protègent la création industrielle. Jusqu’à 1790-91, époque où le « dépôt de brevet » fut mis au point, le pouvoir royal accordait des « brevets » qui protégeaient certains types de productions, comme celles des manufactures royales, qui assuraient à un groupe un monopole industriel. Le principe du « brevet » protège une invention et son inventeur, en lui assurant une exploitation exclusive de sa découverte. Il n’est plus le fait du Prince, mais le résultat du constat de l’originalité d’un système. À partir de cette époque, on sait qui a inventé quoi et on connaît les conséquences que cette innovation a pu avoir.  2 BRIDENNE, Jean-Jacques. La littérature française d’imagination scientifique. Paris : Dasson- ville, 1950, 283 p. Introduction 7 Cette période faste pour l’invention et le développement industriel est également liée à une certaine stabilité monétaire et à une quasi ab- sence d’inflation, les banquiers n’hésitent pas trop à soutenir l’innovation et les industriels vont faire confiance aux inventeurs. C’est pourquoi, pendant cette période, on va passer d’une économie centrée sur les ma- nufactures, à une production industrielle : on peut produire beaucoup parce que l’on possède des moyens de diffuser ces produits non seule- ment dans le pays, mais à l’étranger grâce la puissance d’exportation de la marine marchande. De la même façon, on passe d’une consommation basée sur l’échange, le troc, le petit commerce de l’échoppe, à une con- sommation de masse puisque l’on voit naître les premiers grands maga- sins (Le Bon Marché en 1838 puis 1852, Le Louvre en 1855, Le Prin- temps en 1865, La Samaritaine en 1869) avec un enrichissement relatif de la population. Si le XIXe siècle est celui de la Révolution industrielle, c’est aussi ce- lui où le roman moderne prend forme. Jusqu’ici la poésie et le théâtre sont les « genres nobles ». Depuis Aristote le genre romanesque est tenu pour bas. On ne fait pas fortune avec le roman qui est encore une forme vulgaire d’expression, en revanche, on peut faire fortune avec le théâtre (Scribe, avec 400 pièces, fut l’auteur le mieux payé après Hugo) qui reste le spectacle de masse par excellence et c’est pourquoi certains auteurs chercheront à dramatiser leurs romans pour en tirer de nouveaux reve- nus. Certes, La Princesse de Clèves (1678) de Mme de La Fayette (partielle- ment) est tenu pour être le premier roman « moderne » d’étude psycho- logique, mais le triangle amoureux qu’il présente est encore très linéaire et le poids du courant précieux dans son élaboration n’est pas négli- geable. Nous sommes loin encore de la sophistication des productions des siècles à venir. C’est en grande partie à Balzac que l’on doit l’émer- gence du roman, en tant que moyen d’expression « noble ». Il construit des récits non linéaires, avec une intrigue complexe, des rebondisse- ments, des personnages qui ne sont plus caricaturaux, mais dont la psy- chologie évolue en cours de narration. Le roman se diversifie, Balzac en invente les formes les plus importantes : roman de mœurs, roman senti- mental, roman d’initiation, roman de l’ambition, roman policier, roman noir, roman… Parallèlement au roman, nous assistons à l’émergence du récit court, l’épisode d’un feuilleton ou la nouvelle, ceci grâce au formi- dable développement que connaît la presse dans le dernier quart du XIXe siècle. Par la suite, on dépassera rarement la qualité de la production de cette époque et surtout pas actuellement où les récits sont souvent mal construits, où l’intrigue est faible pour ne pas dire inexistante, où la nar- 8 La littérature d’imagination scientifique ration s’enlise au lieu de progresser pour se terminer en queue de pois- son. Ce sont les débuts de la littérature populaire, qui a ses pendants nobles dans le Naturalisme et dans le roman réaliste, à la fin du XIXe siècle. C’est dans le cadre de la littérature populaire qu’une partie du ro- man d’imagination scientifique va éclore, en s’appuyant d’une part sur les réalisations de la révolution industrielle, les nombreuses inventions du temps et d’autre part sur la spéculation, qui aide à repousser les limites de l’imaginaire. Tous les auteurs qui ont participé à ce mouvement entre 1845 et 1914 ne sont pas évoqués ici, nous n’avons retenu que les plus remar- quables, ceux signalés par Pierre Versins comme dignes d’intérêt. Après les avoir replacés dans le courant de l’imaginaire scientifique ou utopique qui se manifeste depuis Lucien, nous parlerons d’abord des « petits maîtres », puis des quatre grands auteurs de ce genre : Verne, Robida, Wells et Rosny Aîné. Le classement chronologique des auteurs a été fait à la date de publication de leur premier roman d’imagination scientifique. 1 Les conditions d’émergence de la littérature d’imagination scientifique 1 – Un peu d’histoire Même uploads/s1/ daniel-fondaneche-la-litterature-d-x27-imagination-scientifique-rodopi-2012-pdf.pdf

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  • Publié le Jan 10, 2021
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