7 CHAPITRE 1 LA DÉCENTRALISATION TERRITORIALE La décentralisation consiste à re
7 CHAPITRE 1 LA DÉCENTRALISATION TERRITORIALE La décentralisation consiste à remettre d’importantes compétences décisionnelles à des institutions distinctes de l’État, dotées de la personnalité morale et bénéfi ciant d’une autonomie de gestion. Il existe deux formes de décentralisation. La décentralisation technique ou fonctionnelle donne naissance à des établissements publics régis par le principe de spécialité et donc compétents pour gérer un ou plusieurs services publics spécifi ques (par ex. École nationale d’administration ou universités). La décentralisation territoriale profi te à des collectivités territoriales qui, tradi- tionnellement, étaient dotées d’une compétence générale dans le cadre d’un territoire déterminé (clause de compétence générale). Depuis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, l’expression « collectivités territoriales » doit être préférée à celle de « collectivités locales » qui auparavant pouvait également s’employer. De nature législative, la clause de compétence générale des départements et des régions est supprimée par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, rétablie par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 et de nouveau supprimée par celle du 7 août 2015. Contrairement à la commune qui conserve sa compétence générale, les collectivités départementales et régionales ont donc désormais des compétences spécialisées. L’article 72 C distingue cinq catégories de collectivités territoriales : 35 502 communes (dont 215 en outre-mer) ; 96 départements (dont 2 d’outre-mer) ; 14 régions (dont 2 d’outre-mer) ; 5 collectivités d’outre-mer (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis- et-Futuna et, depuis la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007, l’île de Saint- Barthélemy et la partie française de l’île de Saint-Martin) ; 3 collectivités à statut particulier en métropole. 8 La Corse entre dans cette catégorie en application de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 et la métropole de Lyon depuis le 1er janvier 2015. Quant à la loi n° 2017-257 du 28 février 2017, elle prévoit la fusion, à compter du 1er janvier 2019, de la commune et du département de Paris dans une collectivité unique, la ville de Paris, qualifi ée expressément de collectivité à statut particulier. Enfi n, toute autre collectivité territoriale est créée par la loi (fusion en deux collectivités territoriales uniques des départements et des régions d’outre-mer de Martinique et de Guyane depuis les élections de décembre 2015). Depuis mars 2011, Mayotte est également une CTU exerçant les compétences d’un département et d’une région d’outre-mer. Par ailleurs, la qualifi cation de collectivité territoriale de la République doit être écartée pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dépourvues de population permanente, et pour la Nouvelle-Calédonie, qui est un pays d’outre-mer auquel le titre XIII de la Constitution est spécifi quement consacré. Dès 1958, l’article 72 C consacre le principe de libre administration des collectivités territoriales auquel le Conseil constitutionnel, dans sa décision 79-104 DC du 23 mai 1979, Territoire de Nouvelle-Calédonie, reconnaît expressément une valeur constitutionnelle. En raison du caractère elliptique des dispositions constitutionnelles, le contenu de ce principe a été principalement défi ni par la jurisprudence constitutionnelle. En premier lieu, toute collectivité territoriale doit être administrée par un conseil élu au suffrage universel direct ou indirect, selon l’exigence explicite de l’article 72 al. 3 C, et « doté d’attributions effectives » (Cons. const., 8 et 23 août 1985, 85-196 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie). En deuxième lieu, la collectivité librement administrée doit disposer de moyens humains et fi nanciers lui permettant d’être autonome, notamment par rapport à l’État. Le Conseil constitutionnel a toutefois atténué la portée pratique du principe de libre administration en insistant sur la nécessité de le concilier avec d’autres principes constitutionnels tels que l’indivisibilité de la République et les prérogatives de l’État qui en résultent. En revanche, avant 2003, la Constitution ignorait la notion de décentralisation. Désormais, si son article 1er proclame que la France a une organisation décentralisée, il n’en propose aucune défi nition. On appelle « lois de décentralisation » la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 sur les droits et libertés des communes, des départements et des régions ainsi que la quarantaine de lois nécessaires à sa mise en œuvre et promulguées entre 1982 et 1986. Ces réformes constituent ce que, depuis 2003, on appelle improprement l’Acte I de la décentralisation. Depuis la loi n° 96-142 du 21 février 1996 (pour les lois) et le décret n° 2000-318 du 7 avril 2000 (pour les règlements), le Code général des collectivités territoriales (CGCT) rassemble les textes applicables à l’ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements en matière institutionnelle et fi nancière. Il comprend sept parties : dispositions générales – commune – département – région – coopération locale – collectivités d’outre-mer – autres collectivités régies par l’article 73 C. 9 À partir de 2000, de nombreux élus, au Sénat notamment, prennent conscience que les principes fi xés par la Constitution empêchent une réforme ambitieuse et profonde de la décentralisation territoriale. L’Acte II de la décentralisation désigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, qui modifi e profondément le cadre constitutionnel de l’organisation et de l’action des collectivités territoriales, ainsi que l’ensemble des lois organiques ou ordinaires imposées, impliquées ou autorisées par les nouvelles règles constitutionnelles. Dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales préparée par le rapport du comité Balladur, la loi du 16 décembre 2010 vise à renouveler en profondeur l’archi- tecture institutionnelle locale. Relativement consensuel, le premier de ses volets consiste à consolider, rationaliser et démocratiser le bloc communes-intercommunalités. En revanche, la constitution d’un bloc départements-régions par la mise en place en 2014 d’un nouvel élu, le conseiller territorial, siégeant au conseil général et régional, et la spécialisation des compétences départementales et régionales sont alors contestées par l’opposition qui promet une abrogation en cas de victoire électorale en 2012. Conformément à un engagement de F. Hollande, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 abroge la réforme du conseiller territorial et reporte en 2015 les élections des conseillers départementaux et régionaux. Après de nombreuses et parfois spectaculaires revirements et renoncements, l’Acte III de la décentralisation comprend fi nalement trois volets (voir le Zoom page 20). POUR EN SAVOIR PLUS • Pierre SADRAN, La République territoriale. Une singularité française en question, La Documentation française, coll. « Doc en poche, Regard d’expert », 2015, 360 pages. • www.collectivites-locales.gouv.fr : portail de l’État donnant accès à l’ensemble des informations relatives aux collectivités territoriales (abonnez-vous à la Lettre d’information). FICHES RELATIVES AU THÈME 1. L’histoire de la décentralisation territoriale 2. La défi nition de la décentralisation territoriale 3. L’Acte I de la décentralisation 4. L’Acte II de la décentralisation 5. La réforme des collectivités territoriales Zoom sur... Les réformes territoriales depuis 2014 10 Fiche 1 L’histoire de la décentralisation territoriale A. Deux collectivités anciennes 1. Sous l’Ancien Régime comme après la Révolution, la France constitue un État de tradition centralisatrice. Pour rationaliser le découpage administratif, les Constituants créent le département et la municipalité qui est rebaptisée commune par la Convention. La loi du 14 décembre 1789 applique le statut juridique de la municipalité aux 44 000 communautés de base, notamment aux paroisses. En revanche, le département est une circonscription administrative fabriquée de toutes pièces en application de la loi du 22 décembre 1789. Selon une méthode géométrique corrigée par des considérations historiques et géographiques, 83 départements sont créés au début de 1790. Même s’ils prennent leurs décisions au nom de l’État, les organes de la municipalité et du département, qui sont élus par les citoyens actifs, possèdent en réalité une grande autonomie. Mais cette expérience de « déconcentration élective » ne dure guère. Dès 1793, la Convention reprend en mains l’administration territoriale en envoyant dans les départements des représentants en mission qui lui sont soumis. C’est la naissance du centralisme jacobin. Avec la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), Napoléon Bonaparte infl uence durablement l’organisation administrative française. Il consacre trois niveaux principaux d’administration territoriale : les communes, dont le nombre est réduit autoritairement à 38 000, les arrondissements et les départements. À chaque niveau, on trouve un agent de l’État nommé par le pouvoir central : le maire, le sous-préfet et le préfet. Cet agent doit consulter des conseils de notables, également nommés : le conseil municipal, le conseil d’arrondissement, le conseil général ainsi que le conseil de préfecture. 2. Les débuts sans doute modestes de la décentralisation se produisent sous la monarchie de Juillet. La loi du 21 mars 1831 sur l’organisation communale et celle du 22 juin 1833 sur l’organisation départementale consacrent l’élection des conseillers municipaux et généraux. Quant aux lois relatives aux attributions des conseils municipaux (18 juillet 1837) et généraux (10 mai 1838), elles procèdent à un élargissement de leurs compétences. De plus, elles reconnaissent la personnalité juridique de la commune et, implicitement, du département. Le département et la commune modernes voient véritablement le jour au début de la IIIe République avec la loi sur les conseils généraux du 10 août 1871 et la grande loi municipale du 5 avril 1884 qui, pendant un siècle, constituent uploads/s1/ decentralisation-territoriales.pdf
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- Publié le Sep 22, 2021
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